Le colonel Chabert - commentaire
Commentaire de texte : Le colonel Chabert - commentaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar massimac • 5 Juin 2018 • Commentaire de texte • 1 813 Mots (8 Pages) • 1 497 Vues
L’histoire forme une boucle:
- les procédés de narration sont les mêmes au début et à la fin (incipit in medias res qui commence par une phrase de dialogue, une exclamative : « Allons ! encore notre vieux carrick ! » et un excipit, lui aussi, au discours direct et débutant par une proposition exclamative : « - Quelle destinée ! s’écria Derville. »)
- dans les deux cas, ce sont des juristes qui ouvrent et ferment le roman, ce qui leur donne une place particulièrement importante. Derville se présente ici comme un double de l’écrivain, dans la mesure où il conclut le roman au discours direct à la place du narrateur.
- Derville, en s’étonnant du destin de Chabert, fait réfléchir le lecteur : « Quelle destinée! s’écria Derville. Sorti de l’hospice des Enfants trouvés, il revient mourir à l’hospice de la Vieillesse, après avoir, dans l’intervalle, aidé Napoléon à conquérir l’Égypte et l’Europe » (son ton exclamatif manifeste son étonnement). Il met en parallèle les deux hospices du début et de la fin de la vie de Chabert dans des phrases sensiblement de même longueur (de onze à douze syllabes). C’est là encore une boucle qui se ferme : dans les deux cas, il s’agit d’anonymat et d’abandon. Le colonel n’a plus ni d’existence civile ou sociale, ni de reconnaissance extérieure. Anonyme, privé d’identité propre, il appartient toujours à un groupe : d’abord ceux des « enfants trouvés », puis ceux des « vieillards ».
Par ailleurs, la fin de la phrase de Derville est en antithèse avec le début : « sorti de rien », il est monté au plus haut point de l’échelle sociale en « aid(ant) » le plus grand homme de son siècle à « conquérir » une partie du monde. L’Égypte et l’Europe représentent, à elles seules, deux continents et deux grandes civilisations, une prise de possession de l’espace mais aussi du temps. Derville souligne ainsi l’opposition entre ce néant et l’aspect grandiose du parcours du Colonel. Cependant, cet « Intervalle » n’a servi à rien, puisqu’il tombe au plus bas après avoir atteint des sommets. Le mot « destinée » semble mettre le colonel sous l’emprise de la fatalité : était-il destiné à être happé par le néant ? Nous allons retrouver cette fatalité dans la conception balzacienne du monde et de la justice. Ce passage nous indique aussi ce que Derville va devenir : « moi, je vais vivre à la campagne avec ma femme, Paris me fait horreur ». Par cette emphase, Derville s’affirme en tant qu’individu dans son choix d’une existence privée à la place de la vie publique qu’il menait jusque-là. Cette phrase sur Paris est aussi une conclusion des Scènes de la vie parisienne où Paris est souvent évoqué comme un monstre qui engloutit les êtres. La litote, « Vous allez connaître ces jolies choses-là, vous » est empreinte d’ironie amère. [Transition] Ce dégoût de Derville est le résultat d’une réflexion sur le monde.
En effet, spectateur privilégié de la société, l’avoué propose une réflexion sur « trois hommes, le prêtre, le médecin et l’homme de justice ».
Par une métaphore filée, le narrateur met sur le même plan prêtres, médecins et hommes de justice, parce que tous trois recueillent les confidences de leurs « patients » (au sens étymologique : celui qui souffre). Vers eux, convergent toutes les misères du monde, morales, physiques et sociales. Le vêtement noir qu’ils portent est interprété par Derville de façon métaphorique, comme étant un vêtement de deuil, et de façon hyperbolique, avec l’emploi répété de l’adjectif indéfini « toutes », lorsqu’il évoque en cette fin de phrase totalement désespérée, « toutes les vertus et toutes les illusions ». Le parallélisme syntaxique met « les vertus et les illusions » sur le même plan. Mais, après avoir évoqué les médecins, au même titre que les prêtres et les avoués, le narrateur ne les mentionne plus, puisqu’il s’intéresse davantage aux maux de l’âme qu’à ceux du corps. Il oppose alors les deux autres catégories, prêtres et avoués. Cette opposition, introduite par la conjonction de coordination « mais », est manifeste dans le rythme des phrases et dans le choix lexical. La phrase concernant les prêtres est construite sur plusieurs rythmes ternaires et écrite dans un registre lyrique : « poussé par le repentir, par le remords, par des croyances », « qui le rendent intéressant, qui le grandissent, et consolent », « il purifie, il répare, et réconcilie ». La répétition du préfixe « ré » (dans « repentir, remords, répare, et réconcilie ») souligne l’idée d’un renouveau possible. Au contraire, la phrase sur l’avoué est plus rapide, en asyndète, et semble s’effondrer sans aucune envolée lyrique : « Mais, nous autres avoués, nous voyons se répéter les mêmes sentiments mauvais, rien ne les corrige, nos études sont des égouts qu’on ne peut pas curer ». Derville constate l’impuissance des avoués, qui eux, ne trouvent « ni jouissance ni intérêt » dans leurs tâches. Derville, après les avoir évoqués par un superlatif relatif « le plus malheureux des trois » désavoue leur rôle, auquel il a sans doute cru, puisqu’il parle de « deuil » et de désillusion. Ainsi les avoués « ne peuvent pas estimer le monde » : le verbe « pouvoir » exprime ici l’incapacité de le faire, même s’ils le voulaient, devant le spectacle ignoble du monde. Le constat est amer : l’homme est incurable et il n’y a pas de justice efficace en ce monde : « nous voyons se répéter les mêmes sentiments mauvais, rien ne les corrige ». Par la métaphore récurrente dans l’œuvre des égouts : « nos études sont des égouts qu’on ne peut pas curer », Derville souligne l’ignominie de la nature humaine par la double image des ordures et du gouffre insondable. [Transition] En effet, Derville, las d’en avoir trop vu, fait toute une liste des crimes dont il a été témoin
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