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La Littérature du Voyage

Fiche de lecture : La Littérature du Voyage. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  15 Octobre 2014  •  Fiche de lecture  •  1 727 Mots (7 Pages)  •  614 Vues

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Le voyage qu’il soit réel ou littéraire entraîne toujours à la découverte, il nous éloigne du connu pour aborder des terra incognita. Le poème Départ est un prélude au voyage de Théophile Gautier en 1845. L’Espagne du sang, de la volupté et de la mort emplit les vers de Espana.  Sur une terre vierge et sous un ciel nouveau, le poète se met en quête d’inspiration. Je dois partir et vivre ou rester et mourir ! Le vers de Shakespeare traduit bien l’état d’esprit du poète à la veille du départ ; cependant le passage à l’acte est difficile, le départ est un déchirement et la curiosité d’essayer de l’absence  débouche sur le doute et l’angoisse. Avant de se lancer sur l’écorce du monde, Gautier écrit : Le voyage est un maître aux préceptes amers. Ce jugement identifie le voyage à un maître philosophe pessimiste ; il peut paraître paradoxal et en tout cas, réducteur. Si le voyage est une figure emblématique de la mort, un lieu d’oubli où l’on perd ses illusions et ses rêves, il exprime également un désir profond de changement et d’évasion, la quête d’un ailleurs où le poète trouvera une inspiration nouvelle et pourra transmuer l’ennui, ce mal du siècle, en beauté littéraire. Enfin, le voyage, emblème de la vie et ses épreuves, n’est-il pas d’ordre initiatique, purement intérieur ? Ne nous enseigne-t-il pas à examiner les liens que tissent inlassablement entre eux l’imaginaire et le réel et à chercher la vérité intérieure de l’être à travers la quête de l’idéal et la transposition dans l’art ?

« Il voyagea ». C’est sur ces mots que s’achèvent les années d’apprentissage et de désillusion de Frédéric, le héros de l’Education sentimentale (Flaubert). Comme lui, Gautier va fuir un contexte troublé et décevant. Le but de son voyage n’est pas précisé dans le poème, c’est dire qu’il importe peu à ce stade, seule, une référence mythique à Ulysse s’esquisse avec l’image de la sirène et du chien qui attend le retour de son maître. Ce départ est intemporel, il pourrait intervenir à n’importe quelle époque, pour n’importe quel ailleurs ! Il me semble important de replacer l’œuvre dans le temps. Fonder un nouveau régime après la Révolution de 1789 va prendre un siècle à la France. L’avènement de la République se fera dans la douleur après avoir essayé toutes les formes de gouvernement. Le poème est composé en 1845, trois ans avant la révolution de 1848. Les artistes s’engagent (Lamartine, Hugo, Sand) ou ne s’engagent pas, tel Gautier, ce prince des nuées baudelairien : sans prendre garde à l’ouragan qui fouettait mes vitres fermées, moi, j’ai fait Emaux et Camées. Le romantisme qui se développe au début du XIXème siècle met en avant le moi de l’écrivain déçu dans ses aspirations. Cette désillusion est à l’origine du mal du siècle  (Vigny, Journal d’un poète, 1835). Gautier se fait le chantre de l’art pour l’art  et préfère se réfugier dans le rêve, remède à l’insatisfaction. Mais des rêves palpitants qui précèdent le voyage à la réalité, il y a loin et le départ de Gautier pour l’Espagne se fait dans une extrême ambivalence de sentiments.

Il étouffe et il est écartelé entre l’ennui du quotidien et un grand désir d’évasion. Il ne peut négliger l’habitude, cette lente moitié de la nature humaine. Il végète comme une plante dans un terreau pauvre et sec. Déracine-toi ! il se fait violence et cette puissante injonction à soi-même recèle déjà la part de souffrance. Le poète est curieux d’essayer de l’absence qualifiée de sourde puissance, la séparation avec les êtres aimés provoque l’oubli de la même manière que la mort, elle vous montre aussi votre propre ingratitude, les autres vous oublient, mais vous oubliez les autres. Amer savoir, qu’on tire du voyage dit Baudelaire (le mot amer revient souvent chez les poètes de cette époque : il n’est question que de gouffres amers, déception amère, désirs amers). Je sentais le désir d’être absent de moi-même. Il part et une sorte de dédoublement de son être se produit : « J’ai vu, me faisant des signes de la main, comme un groupe plaintif d’amantes délaissées, sur la porte debout ma vie et mes pensées … ». L’image surprend et provoque le trouble. Le poète a l’impression d’abandonner une part de lui-même ou plutôt sa dépouille (image du manteau), tuant ainsi symboliquement le vieil homme qui est en lui. Il part enfin, une rupture intérieure s’opère, les repères habituels sont perdus. Oubliés, l’ennui et le déchirement du départ ! Mais le pire l’attend, la réalité ne coincïde pas avec l’idée préalable du voyage.

Pourquoi d’un pied réel, fouler les blondes grèves et les rivages de l’univers des rêves. Le voyage est à peine ébauché, l’amertume point déjà ! La réalité a besoin, pour couvrir sa triste nudité du manteau …l’imagination, menteuse qu’il faut croire. Le voyage nous transporte ailleurs, il est une métaphore de nos rêves, la peinture des émotions, des affres du départ montre la lutte entre l’angoisse, l’ennui et l’idéal, accomplissement que le poète trouvera dans son art. Un gouffre se creuse entre l’idée du voyage et la réalité. C’est une impression douloureuse, dit Nerval, à mesure qu’on va plus loin, de

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