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Rimbaud, Sensation

Cours : Rimbaud, Sensation. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  29 Juin 2024  •  Cours  •  1 466 Mots (6 Pages)  •  95 Vues

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L.L. n°6 RIMBAUD, « Sensation »

Adolescent rebelle, R a fait plusieurs fugues. Dans ce poème très court, il imagine son errance heureuse dans la nature. Le titre « Sensation » indique qu’il rêve aux sensations de liberté et de plénitude qu’il vivra au contact du monde. Il envoie ce poème à Théodore de Banville, espérant être publié (Voici que je me suis mis […] à dire mes bonnes croyances, mes espérances, mes sensations […] moi j'appelle cela du printemps.) Problématique : En quoi ce court récit d’une évasion champêtre exprime-t-il la plénitude du poète dans la nature ? Mvts : Poème composé de deux quatrains : le premier met l’accent sur la plénitude sensorielle et physique (I) ; le 2e prolonge le sentiment de plénitude dans son versant émotionnel et moral (II).

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I. La plénitude physique

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,

Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :

Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.

Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

II. La plénitude émotionnelle

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :

Mais l’amour infini me montera dans l’âme,

Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,

Par la Nature, – heureux comme avec une femme.

Mars 1870

I. La plénitude physique

Le récit d’une fugue à venir : Le poème semble d’inspiration autobiographique.  En effet, le poète fait le récit, à la 1re personne, d’un projet de fugue, comme le révèlent les verbes au futur indiquant la certitude d’une action à venir (« irai », « sentirai »...). Le verbe de déplacement « irai » (répété à la fin) indique un désir d’ailleurs. Le soir est le moment le plus opportun pour s’enfuir (CCT « par les soirs bleus d’été »). Le poème étant daté de « mars 1870 », on comprend que le projet d’évasion est encore lointain mais qu’il anime, stimule et inspire le poète. Ce projet d’évasion est anobli comme une quête quasi épique grâce au choix du vers noble de l’alexandrin.

Notons que les deux premiers vers sont très réguliers.

L’errance rêveuse dans la nature : Le paysage est celui d’une campagne douce et accueillante, visible grâce au lexique de la nature, paysage archétypal, mais évocateur de la douceur estivale (c’est l’ « été ») et apparaissant comme un refuge solitaire (les « sentiers » sont des petits chemins peu fréquentés). Le poète n’a pas de destination précise, ni d’autre projet que de se laisser accueillir par la nature.

L’adjectif « rêveur », mis en relief par sa place en début de vers, indique son état d’esprit, contemplatif et paisible. Pour mieux profiter de l’instant, il abandonne les accessoires vestimentaires de la vie urbaine : il est « tête nue », et il a sans doute retiré ses chaussures pour sentir « à [s]es pieds » la fraîcheur de l’herbe. L’atmosphère paisible est aussi suggérée par le rythme des vers : il n’y a pas de rejets ; les césures sont marquées, créant un rythme régulier ; l’assonance en [é], souvent à la césure, accentue cette impression d’équilibre et de fluidité.

 Un hymne à la « sensation » : Le titre au singulier > simplicité et dépouillement. Le poète évoque les nombreuses sensations éprouvées : la vue (la couleur du ciel par les « soirs bleus » qui peut rappeler un tableau de Van Gogh), et surtout le toucher (le contact des blés, de l’herbe et du vent grâce aux verbes « picoté », « fouler », « baigner »). Ces sensations sont marquées en particulier par le thème de la « fraîcheur », associée à l’herbe, au vent et au soir. La métaphore liquide du vent qui « baigne » sa tête évoque la fluidité et la quiétude du poète qui se laisse porter par ses sensations ( on peut penser au « Bateau ivre »). Les verbes « sentirai » et « laisserai », ainsi que le lexique du corps (« pieds », « tête »), expriment également cet abandon aux perceptions sensorielles.

 Une poésie de la simplicité : Le lexique véhicule une idée de petitesse : « picoté », « menue », « sentiers » ( cf »Roman »). Cette apparente simplicité s’oppose à la poésie parnassienne, plus sophistiquée. Le cheminement est aussi cheminement poétique. Ainsi, comme dans « Ma Bohème », le mot « pied » fait référence au corps mais aussi à la mesure du vers.

CCL : Le poète imagine une future escapade dans une nature douce, fraîche, accueillante, où il laisse son corps s’abandonner aux sensations produites par son environnement.

II. La plénitude émotionnelle

Un état d’extase presque religieuse : Une extase désigne un état de plénitude intense où l’on sort de soi-même pour accéder à une forme d’euphorie spirituelle ou religieuse. Le poète s’abandonne si totalement à ses sensations qu’il semble suspendu hors du temps et de lui-même : les deux négations indiquent qu’il se libère de la nécessité de parler ou de penser ; son esprit est totalement libre, disponible aux ressentis. La plénitude est aussi suggérée par l’équilibre du vers 5, en parallélisme et marqué par la césure : « Je ne parlerai pas, // je ne penserai rien »)

Un sentiment d’amour sans objet : Dans cet état de parfait abandon, il ressent un sentiment « d’amour infini ». Le lien d’opposition « mais » sépare d’un côté les activités intellectuelles (parler, penser) et la sensation d’amour. Les deux points impliquent une conséquence : c’est parce qu’il ne pense rien qu’il peut sentir l’amour. Le lexique devient plus émotionnel : après le corps, c’est « l’âme » qui s’épanouit. Ce sentiment d’amour n’a pas d’objet, c’est un sentiment diffus dont la puissance est suggérée par l’adj « infini » et par la métaphore de l’ascension / de l’élévation grâce au verbe « monter ». Les allitérations en [m] dans le vers 7 créent une chaîne sonore dans le vers qui peut évoquer cette impression d’élévation, de mouvement vers le haut, comme une vague. La négation lexicale « infini » suggère qu’il n’y a pas de fin, pas de frontières.

La personnification amoureuse de la Nature : Le poète semble donc communier avec la Nature et ressentir une plénitude religieuse. La nature est personnifiée grâce à la majuscule et à la comparaison avec une « femme ». La divinisation et la féminisation de la nature sont aussi discrètement suggérées par l’association à la rime des mots « âme » et « femme ». Cet amour se transforme en une sorte de culte religieux.

Le rêve d’un nomadisme sans fin : Il se compare à un « bohémien », membre d’un peuple nomade, souvent figuré dans la poésie du 19e siècle comme un marginal mystérieux. Le mot est mis en relief par la diérèse et il rime avec « rien » :  le bohémien ne possède rien >dépouillement qui fait penser à « ma bohème ». Le poète souhaite que son évasion n’ait jamais de fin, ce qui est suggéré par la répétition et le renforcement adverbial : « loin, bien loin ». L’assonance du son « in » (« loin » x 2, « bohémien ») crée une gradation sonore qui évoque elle aussi une marche infinie. Le dernier verbe est identique au premier verbe « j’irai » sauf que cette fois le voyage est devenu spirituel « j’irai bien loin ».

Cette impression d’inachèchement est donnée à voir par la forme même du poème, comme un sonnet coupé au milieu, au moment habituel de la volta. Laisse supposer que le reste de l’œuvre est justement la pointe de ce sonnet inachevé.

Que penser de ce tiret ? Suggère un ajout : conséquence et synthèse du poème ?
Moment d’ellipse ? Le temps serait passé ? Ou s’agit-il d’un tiret de dialogue ? > Jeu avec le lecteur.

CCL : Ce 2e quatrain poursuit la sensation de plénitude physique avec un sentiment de plénitude émotionnelle, d’amour, de bonheur et d’extase. Le poète s’abandonne corps et âme à l’euphorie de la Nature personnifiée. Rimbaud décrit presque un sentiment religieux ou spirituel.

CONCLUSION : En quoi ce court récit d’une évasion champêtre exprime-t-il la plénitude du poète dans la nature ? Rimbaud exprime avec lyrisme le bonheur qu’il espère et attend lors d’une future escapade dans la nature. Il exprime un sentiment de plénitude totale, physique, sensorielle, émotionnelle, mentale. Il s’abandonne corps et âme aux impressions de son environnement, jusqu’à diviniser la nature. Le poème est donc aussi une ode à la « sensation » (thème donné dans le titre), qui est une caractéristique de la poésie symboliste + refus de la poésie parnassienne, propose une poésie simple, dépouillée. Ouverture : Nombreux poèmes de Rimbaud évoque le bonheur de vivre dans une nature divinisée (« Soleil et Chair », « Ma bohème », « Roman »…)

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