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Les Fausses Confidences - Marivaux, 1737 : L'industrie de Dubois n'est-elle qu'un ressort dramatique ?

Dissertation : Les Fausses Confidences - Marivaux, 1737 : L'industrie de Dubois n'est-elle qu'un ressort dramatique ?. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  14 Janvier 2024  •  Dissertation  •  3 498 Mots (14 Pages)  •  182 Vues

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Dissertation : Les Fausses Confidences - Marivaux, 1737

 

Sujet : Dans Les Fausses Confidences, « l'industrie » (III, 12) de Dubois n'est-elle qu'un ressort dramatique ?

                        Guidée par l'esprit des Lumières, la plume de Marivaux s’emploie à éclairer les Hommes par la connaissance, l'esprit critique ainsi que la sensibilité afin de les rendre libres et heureux tout en luttant notamment contre les préjugés ainsi que pour le règne du mérite sur le statut social. Dès lors, en véritable « chirurgien de l'âme » selon Pierre Arditi, incarnant le rôle de Dubois dans la mise en scène de Didier Bezace en 2010, ce dramaturge du XVIIIème siècle opère et soigne l’âme tout en livrant une analyse éclairée ainsi que complexe des méandres du cœur dans une société fondée sur le paraître et la hiérarchie, dans laquelle chacun porte un masque. Cette étude sophistiquée de l’âme contribue ainsi à briser les carcans des conventions ainsi qu’à dévoiler les sentiments dissimulés, permettant la consécration de l'amour sincère.

                       Ainsi, c’est cette volonté de penser les maux que l’on retrouve dans la comédie d’amour et de mœurs en trois actes et en prose de Marivaux, intitulée « Les Fausses Confidences » et publiée en 1737. Sa pièce illustre parfaitement l'adage latin de Plaute « castigat ridendo mores » signifiant corriger les mœurs de la société par le rire et est fondée sur des triangles amoureux ainsi qu'une mise en abyme du théâtre. Par ailleurs, le stratagème domine dans cette comédie. Ce dernier désigne une ruse de guerre conçue afin d’atteindre son objectif et se voit instaurée par tous les personnages de la pièce excepté Arlequin, valet dénué d’habilité et manquant exhaustivement l’enjeu de l’intrigue. Ainsi, les fausses confidences orchestrées émanent d’un valet du nom de Dubois. Celui-ci s’avère fidèle aux intérêts de son ancien maître Dorante, jouissant de la bonne volonté d’Araminte afin de servir les intérêts de ce dernier, pour lequel il revêt la fonction de figure amicale ainsi que paternelle. Ce rusé valet s’emploie à mettre en place un stratagème dont les principaux enjeux sont de rendre Dorante séduisant auprès d’Araminte ainsi que de la « faire accoucher aux forceps », expression employée par Pierre Arditi, traduisant alors un désir profond de faire triompher la sincérité du sentiment amoureux, bien le plus précieux pour lequel tous les coups sont permis. Son aspect d’homme de théâtre intelligent ainsi qu’habile est mis en exergue par son « industrie » (acte III, scène 12), apparaissant tel un ressort, dont le mécanisme se révèle être dramatique, terme provenant du latin « drama », de par sa fonction de moteur d’action et de créateur de suspens intarissable. Le subterfuge de ce maître du je(u) sert également la portée morale et didactique de la pièce tout en constituant un indéniable ressort comique s’apparentant au jeu plaisant de la mise en abîme. En somme, Dubois s’efforce de détenir une dimension inénarrable et parvient à dominer grâce à sa connaissance du cœur humain ainsi que son pouvoir de parole malgré son statut social qui est celui de valet. Véritable porte-parole de Marivaux, ce personnage central de la pièce s’emploie à analyser avec précision les méandres du cœur dans une société du paraître, enfermée dans ses conventions sociales et dans laquelle chacun porte un masque, contribuant ainsi à briser les carcans de la société ainsi qu’à nous inciter à dévoiler les sentiments voilés. Ainsi, le stratagème, thème prépondérant de la pièce, sert de ressort dramatique, perpétuant ainsi un suspense constant, et s’emploie à susciter une action riche en rebondissements divers, mais pas seulement.

                    Dès lors, nous pouvons nous demander si, dans la comédie de mœurs de Marivaux, le stratagème de l’habile valet sert seulement de moteur à une action sous tension.

                    De ce fait, nous aborderons dans un premier temps le fait que l’habilité de Dubois, authentique maître du je(u), détient, certes, la fonction de ressort dramatique, illustrant la faculté de moteur essentiel d’une action sous haute tension, mais possède également un indéniable ressort comique, traduisant le rôle de jeu plaisant de la mise en abîme, et, plus encore, s’acquitte la mission de ressort moral, reflétant les pouvoirs du jeu porteur de l’âme de la pièce.

                          Tout d’abord, dans une première partie, nous évoquerons la fonction de ressort dramatique que détient le stratagème de Dubois, apparaissant comme point de départ de l’intrigue détenant le pouvoir de lancer l’action, dont les ajustements ménagent des rebondissements incessants, l’incitant à demeurer en perpétuelle adaptation et participant au dénouement heureux de la pièce de par des révélations en cascades ainsi que d’ultimes coups de théâtre.

Premièrement, le subterfuge instauré par Dubois s'apparente au point de départ de l'intrigue puisque celui-ci lance l'action. En effet, Dorante éprouve un amour s’apparentant aux « topos » du « fin’amor » envers Araminte, en témoignent les expressions de la scène 2 de l'acte I « je l'aime avec passion » « C'est ce qui fait que je tremble » illustrant l'amour obsessionnel, sincère ainsi que dévoué dont le jeune bourgeois est nanti. L’intensité de ses sentiments traduisant sa profonde passion envers celle qui l’aime l’incite à cesser de vivre, comme le montrent les propos de Dubois dans la scène 14 de l'acte I « il donnerait sa vie pour avoir le plaisir de vous contempler un instant », témoignant de la puissance ainsi que de la vivacité de son amour. Néanmoins, ce sentiment complexe est confronté à de nombreux obstacles extérieurs ainsi qu’intérieurs. Dès lors, si Dorante est tombé amoureux au premier regard, en témoigne la comparaison « comme extasié » employé par Dubois dans la scène 14 de l'acte I, reflétant la folie amoureuse éprouvée par Dorante à l’égard d’Araminte, cette dernière n'a connaissance de l'existence de Dorante ainsi que de ses intentions à son égard, comme le prouvent les propos de la jeune bourgeoise des finances dans la scène 14 de l'acte 1, « mais où m'a-t-il vu avant que de venir chez moi Dubois ? », témoignant ainsi de sa profonde ignorance concernant l’existence du jeune homme. De surcroît, Dorante est un bourgeois de robe désargenté, comme l’illustre la litote usée par Dubois dans la scène 14 de l'acte 1 « mais il n'est pas riche », reflétant expressément sa ruine. Le jeune bourgeois pâtit de son déclassement social, ne se sentant pas à la hauteur ni légitime face à l’amour qu’Araminte aurait la faculté de lui concéder, en témoigne son propos « moi qui ne suis rien » exprimé dans la scène 2 de l'acte 1, symbolisant ainsi son complexe immodéré et sévère à propos de son statut financier. Araminte, quant à elle, apparaît telle une bourgeoise d'affaire aisée, en témoigne l'expression de la scène 2 de l'acte I « cette femme-ci a un rang » qui vise à illustrer son statut social élevé. Dès lors, nous pouvons nous demander comment cet amour pourrait triompher, dans le cadre d’une société du XVIIIe siècle, fondée sur le paraître, les préjugés ainsi que la hiérarchie, et se montrant astreignante par la présence d’un certain nombre de carcans, imposant la primauté du statut social et financier sur le mérite et ainsi, la prééminence de l’argent sur les sentiments amoureux. De plus, la jeune bourgeoise de robe est promise au Comte Dorimont, aristocrate avec lequel cette dernière doit s’unir selon l’inexorable volonté de sa mère, Madame Argante, désirant indéniablement ce mariage d'intérêt afin d’élever sa fille au rang de Comtesse: « madame la Comtesse Dorimont aurait un rang si élevé, irait de pair avec des personnes d’une si grande distinction, qu’il me tarde de voir ce mariage conclu » (acte I, scène 10) témoignant également de la volonté de Madame Argante d’appartenir à l’aristocratie. Par ailleurs, le stratagème mis en place par l’habile ainsi que l'authentique Dubois consacre l'amour et s’emploie à faire triompher ce sentiment pur ainsi que sincère. En effet, « l'industrie » du rusé valet s’efforce de contribuer à la rencontre entre Araminte et Dorante, dont le rôle d’acteur se voit travesti en celui d’intendant, en témoigne la scène 2 de l'acte I, qui agit face à des pantins manipulés, qui ne sont autres que Marton ainsi que Monsieur Rémy. Ainsi, Dubois apparaît tel le maître du je(u), lui conférant la dimension d’homme de théâtre doté de clairvoyance ainsi que d’ingéniosité. En véritable « chirurgien de l'âme » selon Pierre Arditi, l’ancien maître de Dorante s'apparente à un intermédiaire ainsi qu'un confident, certain de la réussite de son stratagème, en témoignent les multiples expressions de la scène 2 de l'acte I « Je vous conduis », illustrant l’admirable maîtrise que s’efforce de conserver Dubois face à son subterfuge, « vous réussirez, je sais mes talents », visant à refléter sa certitude de voir triompher l'amour sincère sur les conventions sociales de par la prépondérance que celui-ci exerce grâce à sa connaissance du cœur humain ainsi qu’à son pouvoir de parole , « on vous épousera toute fière qu'on est, tout ruiné que vous êtes » reflétant l’assurance de Dubois concernant la consécration de l’amour sincère malgré les carcans d’une société matérialiste, astreignant à la déclaration des sentiments d’un intendant envers sa maîtresse, ou encore « Quand l'amour parle il est le maître et il parlera » traduisant l'annonce du dénouement heureux de cette comédie de mœurs ainsi que d'amour. En somme, l’habile valet affirme sa confiance en l'amour ainsi que son engagement sincère et profond face à l’accomplissement d’une tâche complexe consistant à faire régner le mérite sur le statut social et financier. Il s’apparente ainsi à un metteur en scène s’adonnant à faire jouer ses stratagèmes tout en demeurant sûr de lui.

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