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Le ravissement de Lol V.Stein, Marguerite Duras

Commentaire de texte : Le ravissement de Lol V.Stein, Marguerite Duras. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  4 Novembre 2024  •  Commentaire de texte  •  2 590 Mots (11 Pages)  •  10 Vues

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Explication de texte.

Le ravissement de Lol V.Stein est un roman éponyme de Marguerite Duras paru en 1964 aux éditions Gallimard. Il s’inscrit dans le registre Nouveau Roman et marque l’œuvre de Duras par sa singularité d’écriture. Elle est une célèbre femme de lettres du 20ème siècle  qui renouvellera le genre romanesque par la diversité et la modernité de son œuvre.

Elle écrit l’histoire de Lol, âgée de 18ans, qui a vu son fiancé tomber amoureux d’une autre lors d’un bal à T-beach. Cette expérience la change profondément. Elle se marie puis quitte sa ville natale. Pendant 10 ans, elle reste psychiquement endormie, vivant comme une automate. Le narrateur, Jacques Hold, souhaite raconter la vie de cette femme dont il est amoureux, mais dont il ne sait rien, ou presque. Cette femme, c'est la meilleure amie de son ancienne amante, Tatiana Karl.

Cette étude repose sur l’incipit du roman et constitue l’horizon d’attente pour le lecteur.  On peut se demander de quelle écriture singulière Marguerite Duras use-t-elle pour introduire le portrait d’un personnage complexe tout en modernisant les règles traditionnelles de l’incipit.  

Au début de cette lecture, nous verrons que l’incipit est empreint d’un manque de renseignements à la fois sur les personnages, mais aussi sur le cadre spatio-temporel. Il se présente à la fois comme hypothétique et lacunaire.

Par ailleurs, cette écriture lacunaire se transfert sur le personnage de Lolita qui semble dénué de tous sentiments. Sa description est d’autant plus complexe, car elle est composée par un enchâssement de différents discours qui tend à nous perdre.  

L’oralité des personnages est marquée par leurs ignorances, Tatiana fait des suppositions, tandis que le narrateur ne connaît pas Lol. En définitive, nous pourrons interpréter que l’écriture inventive du narrateur est issue de l’ordre du fantasme.

Un incipit hypothétique et lacunaire

Cet extrait se compose des premières lignes du roman, il s’agit d’un incipit. Il correspond de manière générale à l’ouverture du roman qui pose le cadre de la fiction. Celui-ci a la particularité de paraître incomplet. On ne connaît pas le contexte, ni l’époque, ni le lieu, le narrateur est pour le moment inconnu. La description de Lol semble manquer d’élément.

 La situation d’énonciation est la suivante : le texte est au présent et à l’imparfait. C’est pourquoi, il est difficile de saisir un aspect spatio-temporel, avec cette alternance de temps. Il est relaté par un narrateur-personnage sur lequel on a très peu d’information. Il échange avec Tatiana, dont il rapporte les paroles. Cet incipit présente différents types de discours qui se fondent entre eux, celui du discours direct libre qui résume et reformule les propos de Tatiana en introduction : « Tatiana, elle, fait remonter… les origines de cette maladie. » (l. 1-4). Puis, le discours indirect libre intervient à quelques reprises, qui tend à rapporter, par la subordination, le témoignage de Tatiana : « Elles étaient là, en Lol. V. Stein, couvées … puis au collège ensuite. (l. 4-6). Cet enchâssement de type de discours produit un effet de fusion entre les voix, celle de Tatiana qui se confond avec celle de Lol et celle de Jacques avec celle de Tatiana. Ils forment une pluralité de voix dans l’écriture. Seule la voix de Lol est indépendante, et seulement atteignable par le biais de Tatiana.

A la ligne 1, cet incipit s’ouvre sur le nom et prénom de « Tatiana Karl », on ne sait rien d’elle à part son assimilation à Lol. Elle est l’ancienne amante du narrateur Jacques Hold. Son nom est suivi d’une virgule, puis du pronom personnel « elle ». Ce pronom témoigne une comparaison naissante à quelque chose, où à quelqu’un, et exprime une dualité entre Tatiana et Lol, rattachée à « leur amitié ».Le groupe de mots « plus avant, plus avant même » est une anaphore avec une gradation introduite par le mot « même ». Elle fait l’effet d’une répétition, de juxtaposition qui impose une ambiguïté temporelle. Plus avant quoi ? Avant l’événement du bal, mais avant même que Tatiana connaisse Lolita. Les propos de Tatiana sont donc tirés d’une interprétation, et d’une réflexion faite, non pas d’une vérité absolue faite sur le personnage de Lol.  Dès la première phrase, les informations concernant le personnage de Lol sont discrètes. Le groupe nominal « les origines de cette maladie »  renseigne un peu plus l’état de Lolita, mais ne donne pas connaissance du type de maladie dont il s’agit. L’information est floue. Cette ligne 1 annonce une description ambiguë de Lolita. Le lecteur est d’emblée confronté au sentiment de manque d’information qui nous invite à nous interroger sur la place du narrateur, et celle de Tatiana.

En ligne 2, « Elles étaient là », l’emploi du verbe d’état « être » étant conjugué à l’imparfait, il est un premier indice temporel, l’action fait référence au passé et à la mémoire de Tatiana. L’adverbe de lieu« Là »  ne donne pas l’endroit précis non plus. L’étude de l’adverbe de lieu « là » est une des grandes thématiques durassiennes.  La forme syntaxique « être là » caractérise le style de Marguerite Duras, qu’elle définit par « le mot-trou », l’absence d’un mot posé. On retrouve cette notion de manque, toujours en ligne 2, dans l’appellation de Lolita : « Lol V. Stein ». On l’appelle Lol pour l’abréviation de Lolita et V pour Valérie. Ainsi, son nom prénom est comme amputé, et incomplet. Ce  surnom nous empêche de connaître son identité complète et nourrit la curiosité du lecteur à connaître davantage le personnage énigmatique de Lolita. Il est possible d’ajouter que l’usage du surnom est un marqueur de familiarité entre Lol et Tatiana, et Jacques qui se sent proche d’elle.

Toujours en ligne 2, « Les origines de la maladie » de Lolita est métaphorisé par des œufs qui sont « couvées, mais retenues d’éclore ». Les œufs sont d’une fragilité extrême et peuvent être brisés s’ils ne sont pas recouverts par l’affection de leurs mères. On comprend que Lolita est comparé à un être fragile et sans défense, qui a bénéficié d’une attention intense, à la fois dans un cadre familial et dans son collège.  

L’omission des sentiments ou l’invention d’un personnage automate

Selon l’archive de l’INA, Marguerite Duras décrit son roman, comme un « roman d’impersonnalité » convoquant le thème d’abolition du sentiment. Le titre en lui-même évoque un thème récurrent dans l’œuvre de Marguerite Duras, celui du manque, la notion d’absence. En effet, le ravissement est un substantif, synonyme d’enlèvement, de rapt : l’action du verbe ravir signifie s’emparer de quelque chose par la force. Le titre suppose déjà que l’héroïne de Lolita V.Stein sera victime ou témoin d’une expérience de rapt.

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