Le personnage de roman ne sert-il qu'à proposer une réflexion sur la société?
Dissertation : Le personnage de roman ne sert-il qu'à proposer une réflexion sur la société?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar helenwen • 1 Mars 2024 • Dissertation • 2 959 Mots (12 Pages) • 124 Vues
Le roman a pendant longtemps été considéré comme un genre mineur sans grand intérêt et sans grande valeur. Perçu comme un simple divertissement, il a fallu attendre le XIXème siècle pour voir ce type d’œuvre littéraire acquérir ses lettres de noblesses. Souvent, quand on pense à cette période, on se rappelle cette phrase de Stendhal : « un roman, c’est un miroir que l’on promène le long d’un chemin ». Cette citation peut en partie faire écho au sujet posé : le personnage de roman ne sert-il à proposer qu’une réflexion sur la société ? Cet intitulé nous demande de nous focaliser sur le protagoniste romanesque et ses fonctions. Le terme de « réflexion » peut à la fois renvoyer au sens de reflet, d’image mais aussi à celui de remise en question. Quant à la « société », elle fait partie des termes du parcours associé à notre lecture de La Princesse de Clèves : individu, morale et société. Elle désigne un ensemble d’individus qui doivent respecter un ensemble de règles politiques et partagent un même socle culture. Ainsi, nous nous demanderons si le protagoniste romanesque est seulement un moyen de refléter et d’analyser le monde qui l’entoure, lui et son créateur. Si, dans un premier temps, nous montrerons que le personnage peut permettre à son auteur de s’interroger sur la société, nous verrons ensuite que l’être de fiction romanesque peut remplir d’autres fonctions.
Dans une première partie, nous montrerons comment le personnage de roman peut être un moyen pour l’auteur d’étudier la société. Tout d’abord, le protagoniste romanesque peut permettre de décrire l’état du monde à un moment donné. Les romans historiques ont ainsi pour vocation de plonger le lecteur dans une époque précise en s’appuyant sur des faits réels. C’est à l’époque de Mme de Lafayette que se développe cette veine de fiction historique. Celle-ci semble prendre naissance tout d’abord dans les nouvelles. Mme de Lafayette a rédigé La Princesse de Montpensier dont l’action se déroule à la fin du XVIème siècle sous le règne de Charles IX, le récit se clôturant sur le massacre de la saint-Barthélémy. L’intrigue de La Princesse de Clèves se déroule lors des dernières années du règne d’Henri II. Dès l’incipit, elle nous présente une galerie de personnages historiques : le roi, sa maîtresse officielle Diane de Poitiers, la reine Catherine de Médicis, les Guise, etc. Tout au long de son roman, elle mentionne plusieurs batailles et traités de paix en arrière-plan. Pour les évoquer, elle s’est inspirée de chroniques comme celle de Davila et de Mézeray. Toutefois, le fonctionnement de la Cour ressemble davantage à celle que fréquente Mme de Lafayette de son vivant, c’est-à-dire celle de Louis XIV. Avec le mouvement du réalisme, les descriptions vont prendre de l’ampleur : il suffit de penser à la description de la pension de Mme Vauquer, ouvrant le roman de Balzac Le Père Goriot. « L’odeur de pension », la crasse, le délabrement des meubles sont si bien rendus que le lecteur peut imaginer à la perfection cet endroit où viennent s’échouer des gens de peu. Balzac a ainsi créé des « personnages-types », c’est-à-dire des personnages qui, dans leur individualité, vont être les représentants d’une catégorie sociale. Le jeune Rastignac est la figure même du jeune provincial désireux de grimper les échelons sociaux et de se faire une place dans la capitale. Dans son roman intitulé La Tresse, Laetitia Colombani fait découvrir à ses lecteurs des pays et des sociétés différentes à travers le parcours de ses personnages féminins. L’histoire de Smita et de sa fille Lila nous plongent dans les castes indiennes, et notamment celle des Intouchables condamnés à nettoyer les excréments des plus riches. A l’autre bout de la planète, Sarah Cohen est une executive woman qui se consacre à sa carrière d’avocate au détriment de sa vie de famille. Quant à Giulia, sicilienne, elle devra reprendre la gestion de l’entreprise familiale après le décès de son père et la découverte de ses nombreuses dettes.
De plus, les auteurs, lorsqu’ils inscrivent leur intrigue dans une réalité historique, ne se contentent pas de décrire la société. Ils essaient aussi de mettre à jour les mécanismes, les rouages de l’engrenage social à travers le parcours de leur personnage. Mme de Lafayette montre comment une jeune femme vertueuse peut être soumise à de multiples tentations au sein de la Cour. Dès l’incipit, les termes de « magnificence » et de « galanterie » sont à double tranchant. S’ils évoquent à la fois le luxe et le raffinement de la Cour d’Henri II, ils disent aussi le règne du paraître, des apparences et la prédominance des liaisons et complots entre les nobles. Toutefois, on pense plus encore aux romans du XIXème siècle. Le chef de file du romantisme, Victor Hugo, a voulu exposer aux yeux de ses lecteurs la pauvreté dans laquelle vit le peuple de son époque. S’il dénonce cet état de fait dans des allocutions prononcées ou destinées à être prononcées à l’Assemblée nationale ou au Sénat comme Discours sur les caves de Lille ou Discours sur la misère. Mais, il passe également par la fiction romanesque comme en témoigne son œuvre la plus connue : Les Misérables. Les lecteurs sont touchés par le destin de Jean Valjean, de Cosette et Marius ou encore de Gavroche. Le passage où Fantine vend ses dents et ses cheveux avant de devenir fille publique pour payer les Thenardier qui s’occupent soi-disant de son enfant dépeint une réalité quotidienne des classes les plus pauvres. Quant à Balzac, grand auteur du réalisme, il écrit dans sa préface à La Comédie Humaine avoir voulu devenir le « secrétaire » de l’Histoire de la société française, le « nomenclateur » des professions pour mieux comprendre l’origine et l’évolution de la société. C’est bien sûr Zola, avec l’émergence du roman naturaliste et sa fresque des Rougon-Macquart qui s’attache à montrer l’histoire d’une famille sous le Second Empire. Dans L’Assommoir, il montre les ravages de l’alcoolisme chez les ouvriers. Dans Au Bonheur des dames, il décrit l’avènement des grands magasins, en dénonçant les souffrances qu’endurent des petites vendeuses comme Denise. Pour Germinal, il n’a pas hésité à descendre au fond des mines du Nord pour être confrontés aux dangers et aux conditions de travail très pénibles des gueules noires.
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