Le Rouge et le Noir, Stendhal
Cours : Le Rouge et le Noir, Stendhal. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar fanfanf • 17 Mars 2024 • Cours • 1 783 Mots (8 Pages) • 98 Vues
Texte 5 – Le Rouge et le Noir, Stendhal - Livre 2 chap. XXXVI
Lecture linéaire – doc prof
Situation du passage : Julien est transféré de la prison de Verrières à celle de Besançon. C’est le temps de l’emprisonnement préventif avant son jugement. Contrairement à ce que semble annoncer le titre du chapitre Détails tristes, le condamné s’installe avec sérénité dans ce qui sera sa dernière demeure
Mouvement du texte :
1er mouvement → une installation paisible en prison
2e mouvement → Julien n'a plus d'ambition et repense à Madame de Rênal
3e mouvement → la question du bonheur et de l'honneur / le bonheur et l'honneur
Problématique : comment le monologue intérieur nous montre-t-il l'évolution d'un personnage qui revient à l'essentiel ?
Texte | Analyse |
Le soir, il n'était plus temps. Une chaise de poste vint le prendre à minuit. Il fut très content des gendarmes, ses compagnons de voyage. Le matin, lorsqu'il arriva à la prison de Besançon, on eut la bonté de le loger dans l'étage supérieur d'un donjon gothique. Il jugea l'architecture du commencement du XVIe siècle ; il en admira la grâce et la légèreté piquante. Par un étroit intervalle entre deux murs au-delà d'une cour profonde, il avait une échappée de vue superbe. | Julien éprouve reconnaissance et gratitude envers ses geôliers : Il fut très content des gendarmes, il les désigne avec l’expression méliorative compagnons de voyage, le mot voyage lui-même est un euphémisme. Cette sympathie est nouvelle chez Julien qui a pour habitude de se méfier de tout le monde. Il y a aussi l’expression on eût la bonté de le loger [On retrouve la même gratitude au quatrième paragraphe Il remerciait le ciel de ne l’avoir pas blessée à mort.] La cellule qu’on lui attribue est en position de supériorité, position symbolique qui se répète plusieurs fois dans le roman et qui correspond à un moment de retraite heureuse pour Julien (cf chap de la grotte). Il se trouve donc dans l’étage supérieur d’un donjon gothique on peut interpréter cette élévation comme une élévation morale. Le personnage éprouve des sentiments nobles. Le donjon gothique (esthétique romantique) est d’ailleurs un bâtiment noble que le temps n’a pas entamé. Cette fois le personnage est attentif à tout ce qu’il voit, il n’est plus absorbé en lui-même comme dans les textes précédents. Il y a des verbes d’observation: il jugea, il en admira, il avait une échappée de vue. Et il apprécie ce qu’il voit comme les montrent les mots mélioratifs: la grâce et la légèreté piquante, une échappée de vue superbe. |
Synthèse : C’est donc un personnage sans amertume et ouvert au monde, représenté par Stendhal de manière assez romantique. | |
Le lendemain, il y eut un interrogatoire, après quoi, pendant plusieurs jours on le laissa tranquille. Son âme était calme. Il ne trouvait rien que de simple dans son affaire : J'ai voulu tuer, je dois être tué. Sa pensée ne s'arrêta pas davantage à ce raisonnement. Le jugement, l'ennui de paraître en public, la défense, il considérait tout cela comme de légers embarras, des cérémonies ennuyeuses auxquelles il serait temps de songer le jour même. Le moment de la mort ne l'arrêtait guère plus : J'y songerai après le jugement. La vie n'était point ennuyeuse pour lui, il considérait toutes choses sous un nouvel aspect. Il n'avait plus d'ambition. Il pensait rarement à Melle de La Mole. Ses remords l'occupaient beaucoup et lui présentaient souvent l'image de Mme de Rênal, surtout pendant le silence des nuits, troublé seulement, dans ce donjon élevé, par le chant de l'orfraie1 ! | Le deuxième paragraphe est un résumé de quelques journées le lendemain, pendant plusieurs jours, on le laissa tranquille assez surprenant car l’auteur ne nous donne aucune information sur l’avancée de l’affaire : il y a une ellipse sur l’interrogatoire. Mais ce qui compte ce ne sont pas les faits ni les actions mais l’évolution mentale du personnage formulée en une phrase très simple : son âme était calme. Ce n’est plus le révolté inquiet et fougueux dont la pensée est toujours en action (une âme de feu). Jusque-là Julien analysait et anticipait les évènements à venir, imaginait des stratégies pour satisfaire son ambition et remplir le devoir de réussir qui était le sens de sa vie. Dans ce passage c’est tout le contraire : il ne s’arrêta pas davantage à ce raisonnement, le moment de la mort ne l’arrêtait guère plus. (s’arrêter signifie ici s’éterniser sur une pensée). Julien remet à plus tard les pensées inquiétantes : auxquelles il serait temps de songer le jour-même/ j’y songerai après le jugement. Ou bien il les minimise, les attenue : il considérait tout cela comme de légers embarras, des cérémonies ennuyeuses. D’ailleurs il résume lui-même son affaire en une formule très simple, indiscutable, sur laquelle il n’est pas besoin de s’attarder : J’ai voulu tuer, je dois être tué Le monologue intérieur de Julien concerne d’abord sa situation de condamné puis il s’élargit à une réflexion sur sa vie. On le voit changer radicalement : il considérait toute chose sous un nouvel aspect, il n’avait plus d’ambition. La phrase Il pensait rarement à Mlle de La Mole est intéressante car ce personnage est l’incarnation de son ambition, c’est en l’épousant qu’il a obtenu un nom aristocratique, une fortune, un statut social. Donc oublier Mlle de La Mole c’est oublier toutes les choses brillantes qu’il convoitait, ne plus leur accorder aucune importance. L’emploi du nom au lieu du prénom Mathilde renforce la distance prise par Julien avec la jeune fille. L’image de Mathilde s’éclipse au profit de celle de Mme de Rênal qui revient en force comme le montrent les adverbes beaucoup, souvent, surtout (antithèse : souvent / rarement). Ses remords l’occupaient beaucoup, et lui présentaient souvent l’image de Mme de Rênal. Pour Mathilde une phrase courte, pour Mme de Rénal, une phrase longue qui traduit le retour d’une obsession. L’image est assez puissante à cause du fond noir et silencieux sur laquelle elle se détache (surtout pendant le silence des nuits troublés seulement par le chant de l’orfraie). Comme dans la grotte du Jura, Julien se retrouve absolument seul et dans l’obscurité mais cette fois il ne songe pas à une femme fantasmée, mais à une femme réelle, Mme de Rênal. Il y a bien une évolution du personnage. |
Synthèse : On constate dans cet extrait une évolution du personnage. | |
Il remerciait le Ciel de ne l'avoir pas blessée à mort. Chose étonnante ! Se disait-il, je croyais que par sa lettre à M. de La Mole elle avait détruit à jamais mon bonheur à venir, et, moins de quinze jours après la date de cette lettre, je ne songe plus à tout ce qui m'occupait alors... Deux ou trois mille livres de rente pour vivre tranquille dans un pays de montagne comme Vergy... J'étais heureux alors... Je ne connaissais pas mon bonheur ! Dans d'autres instants, il se levait en sursaut de sa chaise. Si j'avais blessé à mort Mme de Rênal, je me serais tué... J'ai besoin de cette certitude pour ne pas me faire horreur à moi-même. | Le monologue intérieur se poursuit de manière un peu décousue avec les points de suspension qui donne un côté naturel et spontané aux pensées de Julien. Elles s’orientent vers les questions du bonheur et de l’honneur. Le roman Le Rouge et le Noir pose la question du bonheur, on trouve le mot dans ce mouvemnt. Qu’est-ce que le bonheur ? Julien répond à cette question dans ce paragraphe. Avant cela, il fait allusion à la lettre envoyée par Mme de Rénal et qui précipite le héros vers sa fin. Mme de Rênal, manipulée par son confesseur, a rédigé une lettre à l’intention du marquis de la Mole dénonçant Julien comme un cynique séducteur de femmes de l’aristocratie. Cette lettre ruine toute la réputation et la réussite sociale de Julien. C’est pourquoi Stendhal précise les pensées de Julien ainsi : je croyais que par sa lettre à M de La Mole elle avait détruit à jamais mon bonheur à venir. Or Julien découvre à quel point il est détaché désormais de cette ambition je ne songe plus à tout ce qui m’occupait alors, et à quel point ce détachement s’est opéré rapidement moins de quinze jours après la date de cette lettre, d’où l’exclamation Chose étonnante! Ensuite il énonce ce qui aurait dû le combler de bonheur et qui est à l’opposé de ce qu’il recherchait jusqu’alors deux ou trois mille livres de rente opposés à une fortune, vivre tranquille opposé à ses rêves d’héroïsme militaire, de gloire, dans un pays de montagnes opposé à la ville pleine d’intrigues qu’est Paris). C’est son ami Fouché qui avait raison, puisque c’est son mode de vie que Julien décrit ici. Julien s’est trompé de chemin, il reconnaît implicitement qu’il aurait dû rester à sa source. Et cependant pas de ton élégiaque, pas de déploration, seulement un constat J’étais heureux alors… Les deux dernières lignes posent la question de l’honneur. Le personnage examine sa conscience et perd le calme qui constitue l’atmosphère de ce passage. Il y a de la brusquerie dans son geste : il se levait en sursaut de sa chaise. Le jeune homme est au bout d’une trajectoire au cours de laquelle il a risqué de perdre ses convictions et son honneur: Julien est dans le Livre premier un révolté, sensible à l’injustice sociale, dégoûté par la grossièreté des riches, sincèrement amoureux de Mme de Rênal. Dans la seconde partie du roman, il pactise avec une société qu’il déteste, s’y intègre, et tire sur Mme de Rênal. J'ai besoin de cette certitude pour ne pas me faire horreur à moi-même. → Question de l'estime de soi |
Synthèse : De quoi se faire horreur à lui-même. C’est donc la question essentielle de l’estime de soi, de l’honneur qui refait complètement surface quand Julien se retrouve seul en prison, face à sa vérité. |
Conclusion
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