La conscience est-elle la source d’un statut métaphysique privilégié de l’homme ?
TD : La conscience est-elle la source d’un statut métaphysique privilégié de l’homme ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar teilharddechardi • 14 Janvier 2024 • TD • 1 985 Mots (8 Pages) • 161 Vues
La conscience est-elle la source d’un statut métaphysique privilégié de l’homme ?
Ce débat autour de la nature et de l’importance de la conscience est capital si l’on souhaite se prononcer sur le statut de l’homme dans l’univers. Voilà ce que Kant écrit à ce propos :
Maintenant, nous allons nous focaliser sur un autre aspect de la conscience : son unité, c’est-à-dire ce qui fait que je suis un sujet. Jusqu’à maintenant, on a pu insister sur divers « caractères » de la conscience :
- La conscience, c’est avoir accès au sens de ce qu’on dit (J. Searle)
- La conscience, c’est l’expérience vécue de quelque chose (T. Nagel)
- La conscience, c’est aussi faire retour sur son expérience vécue.
Je veux insister sur ce dernier point : être conscient c’est « faire retour sur son expérience vécue », c’est quand « Je » me vois en train d’avoir faim, ou d’avoir peur, ou d’avoir telle pensée. C’est ce que nous avions appelée la conscience réfléchie, qui est le propre de l’Homme contrairement à la conscience immédiate que l’on prêterait volontiers aux animaux (par exemple). La conscience réfléchie, c’est quand « je » fais retour sur les expériences que je vis pour essayer de les réfléchir (la réflexion, c’est ce retour du contenu de la conscience sur elle-même).
On voit qu’instinctivement, dans cette description, je ne me contente pas de parler d’un retour de « la » conscience sur elle-même mais j’y ajoute un élément central « Je ».
- Je sens que j’ai des sentiments pour quelqu’un
- Je me demande ce que cela veut dire
- Je me demande si je devrais vraiment me complaire dans ces sentiments ou si
- Je ne devrais pas les chasser
- Je me rends compte que je n’arrive pas à faire taire mes sentiments
- Je décide donc de confesser mon amour
On voit bien que le « Je », c’est quelque chose de très intéressant. Pourquoi ? Parce qu’il révèle une certaine continuité dans tous mes états mentaux, un élément permanent dans le fonctionnement de la conscience réfléchie dans l’ordre des opérations qu’elle entreprend face à ce sentiment de « l’amour » : prêter attention, s’interroger, remettre en question, considérer des options d’action, prendre à nouveau conscience de la réalité de mes affections et enfin, se résoudre à agir. Tous ces « états mentaux » dans lesquels je me trouve, ça n’arrive pas « dans le vide » ou tout simplement dans la « conscience », ça arrive à moi. La conscience humaine a ceci de spécial qu’elle possède une unité. Je me sens être le même que j’étais hier, avant-hier, ou il y a un an. Certes, je change au cours du temps mais justement, c’est moi qui change.
Par conséquent, la conscience ce n’est pas simplement
- Avoir des représentations subjectives (conscience immédiate ; ce qui me distingue d’une pierre ou d’une I.A) ; càd, chez Nagel, avoir une « expérience vécue » (« ça me fait quelque chose » de percevoir du bleu, etc.)
- Faire retour sur son expérience vécue pour essayer de la réfléchir (ce qui me distingue d’un animal)
- C’est aussi « Posséder le « Je » dans sa représentation » écrit Emmanuel Kant dans l‘Anthropologie d’un point de vue Pragmatique. Intéressons-nous maintenant à ce qui fait de nous les sujets d’une expérience vécue.
Texte 5.
« Posséder le « Je » dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne ; et grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c’est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise ; et ceci, même lorsqu’on ne peut pas encore dire le Je, car il l’a cependant dans sa pensée.
Il faut remarquer que l’enfant, qui sait déjà parler assez correctement, ne commence qu’assez tard … à dire Je ; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher, etc.) ; et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je ; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l’autre manière de parler. Auparavant il ne faisait que se sentir ; maintenant il pense »
Anthropologie d’un point de vue pragmatique, Emmanuel Kant.
Voici donc la thèse du texte de Kant : « posséder le « je » dans sa représentation » c’est être « une personne », c’est posséder une « unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir ». Et en effet, on se rend bien compte que la conscience ce n’est pas simplement un ensemble d’états mentaux disjoints, séparés les uns des autres flottant dans un « vide », c’est un ensemble d’états mentaux pour un sujet (« moi »). Imaginez-donc l’état des choses si nous ne possédions pas cette faculté extraordinaire de se ressaisir soi-même comme étant le même à travers les différents moments de l’existence (j’ai eu faim puis j’ai décidé d’aller me faire un sandwich puis j’ai trop mangé et j’ai eu mal au ventre). Il est assez compliqué d’imaginer une telle chose tout simplement parce que cela demande de notre part de sortir, en imagination, des conditions normales de la représentation mentale : tout cela arrive à moi. Imaginer qu’il n’y a pas de « moi » c’est une chose presque impossible.
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