L'exotisme
Dissertation : L'exotisme. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar clairehildyard • 1 Avril 2024 • Dissertation • 1 462 Mots (6 Pages) • 79 Vues
Les conteurs ont souvent privilégié la relation de voyages réels ou imaginaires dans leurs fictions. De nombreux auteurs ont voulu séduire leurs lecteurs par la magie de régions lointaines très différentes des lieux dans lesquels ils vivent habituellement. Mais, au-delà de ce désir de plaire, nous pouvons nous demander aussi en quoi l’évocation de mondes très éloignés du nôtre permet à ces auteurs de nous faire réfléchir sur la réalité qui nous entoure. À quelles fins ces écrivains ont-ils utilisé l’exotisme ou la description de contrées mythiques ? Il s’agit d’abord d’examiner pourquoi il est important d’aller à la découverte de contrées qui font rêver, puis comment ces lieux deviennent le support de l’utopie afin de permettre, par comparaison, la critique de la réalité contemporaine.
Les auteurs qui évoquent des lieux éloignés ont avant tout pour but de faire rêver les lecteurs.
En effet, le voyageur qui parcourt au loin des terres étrangères est d’abord surpris par tout ce qui est nouveau ou différent. Paysages, végétation, habillement, architecture, coutumes ne cessent de l’étonner. Ces caractéristiques vont constituer la trame de son récit. L’écrivain qui invente un voyage ne procèdera pas autrement. Cependant, le romancier ou l’essayiste n’ont pas, le plus souvent, parcouru les étendues qu’ils vont devoir évoquer. C’est pourquoi ils vont utiliser un matériau préexistant. Montesquieu, Voltaire ou Diderot ne sont jamais allés en Orient, ils se sont donc servis des ouvrages de voyageurs comme Bernier, Tavernier ou Bougainville pour rédiger leur œuvre. Ils y ont puisé ce qui était le plus étonnant pour leurs contemporains afin de caractériser l’environnement de leur récit. Ainsi, Diderot dans le Supplément au voyage de Bougainville s’est servi du récit de Bougainville, premier homme à avoir fait le tour du monde pour évoquer les sociétés d’Amérique du Sud où il situe son récit. Ces références visent bien évidemment à rendre le récit réel, à attirer le lecteur et à lui permettre d’imaginer un cadre fort différent du sien.
Par ailleurs, quand la réalité étrangère ne permet plus de dépayser assez le lecteur, l’écrivain peut recourir à l’éloignement temporel synonyme souvent de merveilleux. Nous sommes emmenés par le conteur au pays du « il était une fois ». Ce recours à une époque passée indéterminée permet de faire ressurgir les vieux rêves de l’humanité, des aspirations fondamentales au bonheur, à l’égalité des chances, à la symbiose avec un univers apaisé. Fénelon a puisé dans l’Odyssée pour situer les Aventures de Télémaque ; Montesquieu a inventé la légende des Troglodytes. Fénelon avoue que la Bétique « semble avoir conservé les délices de l’âge d’or ». Cette expression renvoie à une période mythique de l’humanité qu’Hésiode, Ovide et Virgile ont développé dans leurs œuvres. Dans tous les cas, l’objectif reste d’étonner, de faire rêver à un possible situé forcément ailleurs et d’autant plus enviable qu’il est situé plus loin. Il faut que la césure avec les aspérités du quotidien soit particulièrement marquée.
Ainsi, les lieux éloignés provoquent le rêve et dépaysent le lecteur, mais ils sont également des laboratoires de l’utopie.
Insensiblement certains auteurs nous font passer d’une réalité estompée par l’éloignement au lieu de nulle part, c’est-à-dire l’utopie. Le conteur crée alors un monde sur mesure, épargné par les vicissitudes et conforme en tout point à ses désirs. Il travaille à la manière du jardinier qui ente son porte-greffe pour obtenir le meilleur de plusieurs espèces voisines en retranchant au passage leurs imperfections dans l’union des sèves. Le démiurge social ou politique invente une société ou un gouvernement idéal. Débarrassé des contingences, faisant fi de l’histoire, il élabore un système neuf, né adulte et parfait. Voltaire a décrit dans Candide son utopie avec Eldorado. Là règnent la sagesse des anciens, l’égalité, le mépris des richesses, le culte de la raison et des vraies valeurs, la paix. Mais Candide, à la poursuite de son bonheur personnel qui a nom Cunégonde, ne peut rester dans ce monde préservé et doit poursuivre son périple qui s’achève dans les environs de Constantinople. Parvenu au bout de son errance, le héros philosophique va expérimenter une forme de l’utopie ramenée à de plus justes proportions, et donc nettement moins enthousiasmante : la société familiale de la métairie qui vit repliée sur elle-même, tâchant d’ignorer la folie meurtrière des puissants. C’est le prix à payer pour que « le travail éloigne de nous
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