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Jour gris, Colette, Sido

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Par   •  22 Juin 2023  •  Commentaire de texte  •  2 496 Mots (10 Pages)  •  300 Vues

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                                        COLETTE, SIDO

                                              Jour gris

INTRO :

Ce texte publié en 1908 dans le recueil Les Vrilles de la vigne a été écrit en 1907. Colette passe alors quelques jours en baie de Somme avec son amante Missy. À son retour, elle écrit un ensemble de trois textes autobiographiques dédiés à Missy. Elle y décrit son sentiment amoureux, mais aussi sa mélancolie. En effet, dans « Jour gris », Colette évoque un jour venteux et triste au bord de la mer. Elle se réfugie alors dans l’évocation de sa Bourgogne natale. L’extrait prend la forme d’un dialogue avec l’être aimé, reposant sur l’hypothèse de la venue de Missy dans le pays natal de Colette. Ce texte narratif s’apparente également à un poème en prose par sa disposition en paragraphes courts, sa structure répétitive, ses effets de musicalité et sa tonalité lyrique

[Projet de lecture] En quoi ce texte propose-t-il une célébration originale du pays natal ?

Premier mouvement (l. 1 à 5) : une nature singulière

Deuxième mouvement (l. 6 à 13) : le pays des songes

Troisième mouvement (l. 14-20) : la forêt enchantée

Quatrième mouvement (l. 21 à la fin) : le retour au réel

Premier mouvement (l. 1 à 5) : une nature singulière

Colette partage avec son amante des souvenirs liés au pays de son enfance désigné par le groupe nominal « mon pays » (l. 1).

Elle est en vacances en été au bord de la mer, mais elle se réfugie dans un tout autre paysage.

Elle invite son amante à partager ses souvenirs à l’aide d’une proposition subordonnée hypothétique : « Et si tu arrivais » (l. 1).

Ce dispositif, qui consiste à imaginer la venue de son amante dans son pays d’enfance, structure tout le texte.

On retrouve en effet de manière répétée la conjonction de subordination « si » pour envisager les différentes étapes de la découverte de ce pays.

Ce dispositif est déjà en soit assez étrange car Colette est censée profiter de son séjour avec son amante au bord de la mer, or elle passe son temps à s’évader ailleurs et malgré l’apparent dialogue avec Missy, on comprend qu’elle s’enferme et s’isole dans une rêverie solitaire.

Le pronom personnel « tu » (l. 1, 2, 4) est un masque car en fait Colette est en train de définir son ressenti et ses désirs : « tu m’oublierais et tu t’assoirais là pour n’en plus bouger jusqu’au terme de ta vie » (l. 5).

La formulation hyperbolique célèbre le pouvoir presque magique d’un lieu qui fait tout oublier, même l’être aimé.

Cela n’a bien sûr rien d’appréciable pour Missy. En outre, ce paysage ne paraît pas si idyllique : « un jardin noir de verdure et sans fleurs » (l. 2).

Ici, l’adjectif « noir » et la préposition privative « sans » donnent l’impression d’un lieu triste. La montagne ellemême est caractérisée dans un rythme ternaire où seuls les papillons apportent une touche de légèreté et de beauté, mais ils sont encadrés par des éléments plus rudes : « les cailloux, les papillons et les chardons » (l. 3). L’azur est « mauve et poussiéreux » (l. 4).

Colette ne cherche pas à idéaliser ce paysage et, pourtant, l’évocation se fait poétique dans cette première phrase ample qui mêle les rythmes binaires, ternaire et effets d’assonances en [on] créant une chaîne sonore pour définir les éléments de ce singulier paysage « au fond » (l. 1), « montagne ronde » (l. 3), « les papillons et les chardons » (l. 3).

On a également une symphonie visuelle dans des teintes un peu mélancoliques qui reflètent l’humeur de Colette : « noir de verdure » (l. 2), « bleuir » (l. 3), « azur mauve et poussiéreux » (l. 4). Le regard poétique se manifeste également dans la manière dont la fusion entre la couleur du ciel et des éléments du paysage est exprimée.

Deuxième mouvement (l. 6 à 13) : le pays des songes

Le deuxième paragraphe reprend dès la première ligne le groupe nominal « mon pays ».

Cela devient un motif poétique qui donne l’impression d’une célébration.

Colette, dans un mouvement qui ne semble pouvoir s’arrêter, comme l’exprime l’adverbe « encore », ajoute des éléments à sa description.

Elle transforme le paysage vallonné de son enfance en un lieu magique et merveilleux.

Dans ce tableau nocturne, tout est fait pour inviter le lecteur à une rêverie mélancolique.

Les défauts éventuels du paysage sont métamorphosés à l’aide d’images mélioratives : la « vallée étroite » devient « un berceau » protecteur (l. 6), le brouillard est un « gracieux spectre de brume » (l. 8).

Les nuages créés par la brume prennent des formes fantaisistes qui renvoient à un monde imaginaire et fantastique : « femme endormie, serpent langoureux, cheval à cou de chimère… » (l. 9-10). Le brouillard est comparé à la fin à une âme : « vivant comme une âme » (l. 11).

Les rythmes accumulatifs utilisés dans ce paragraphe semblent mimer le déploiement du brouillard. Ainsi, on a d’abord un groupe ternaire d’adjectifs pour caractériser ce brouillard personnifié (« ténu, blanc, vivant », l. 7), suivi d’une expansion plus longue (« un gracieux spectre de brume couché sur l’air humide… », l. 7-8).

Les points de suspension donnent l’impression que cela se répand, mais invitent également le lecteur à s’imaginer ce brouillard.

Dans la phrase suivante, ce brouillard vivant est encore évoqué à l’aide de quatre compléments de plus en plus longs qui se terminent encore une fois par des points de suspension. Le lecteur a l’impression d’être lui aussi entouré par le brouillard dans ces phrases amples où les jeux d’allitérations et d’assonances produisent une prose très musicale (en [B] : « brouillard », « berceau » « brume », « blanc » ; en [Y] « ténu », brume » « humide »…).

Colette reproduit dans ce paragraphe la même structure que dans le précédent et la dernière phrase s’adresse donc à l’interlocutrice dans une subordonnée hypothétique, « Si tu restes » (l. 10), complétant deux propositions principales coordonnées : « un frisson te saisira […] et tes songes seront fous… » (l. 12).

 Notons toutefois que les temps verbaux ont évolué. L’utilisation du présent et du futur (dans le premier paragraphe, on avait l’imparfait et le conditionnel) donne davantage vie à cette hypothèse et on comprend que Colette est sans doute davantage en train d’évoquer sa propre expérience plutôt que d’imaginer la venue éventuelle de sa compagne dans la vallée de son enfance un soir d’été. De manière très sensuelle, elle évoque l’effet produit par ce paysage en s’appuyant sur le goût et le toucher (« à boire l’air glacé » l. 11, « frisson » l. 12).

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