Césaire : le surréalisme comme "arme miraculeuse"
Dissertation : Césaire : le surréalisme comme "arme miraculeuse". Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sara TOLBA • 31 Décembre 2023 • Dissertation • 4 678 Mots (19 Pages) • 181 Vues
Aimé Césaire : le surréalisme comme « arme miraculeuse ».
Aimé Césaire est-il un poète surréaliste ? A priori, ce n’est pas la première chose qui vient à l’esprit quand on prononce son nom, et l’on pensera plutôt au concept de négritude ou encore à son Discours sur le colonialisme. Pourtant, nous allons voir que son oeuvre poétique peut être, à bien des égards, qualifiée de surréaliste.
La question que nous traiterons au cours de cette présentation est donc de savoir si, malgré les procédés surréalistes que l’on retrouve dans la poésie de Césaire, le poète peut être qualifié de surréaliste.
Ainsi, dans une première partie, et afin de mieux comprendre l’écrivain et son oeuvre, nous présenterons quelques éléments biographiques, à savoir ses origines, ses études parisiennes et quelques revues de l’époque. Nous évoquerons rapidement ses oeuvres principales et son « passage » à la politique.
Dans une deuxième partie, nous parlerons de la rencontre entre Aimé Césaire et André Breton. Nous mentionnerons ainsi l’amitié qui naît alors entre les deux hommes, et nous parlerons de la revue Tropiques et de l’apport du surréalisme dans l’oeuvre de Césaire.
Enfin, nous lirons les premières lignes du Cahier d’un retour au pays natal, première oeuvre publiée de Césaire (en 1939) et montrerons les aspects surréalistes de l’extrait en question.
Partie 1 : éléments biographiques
1. Les origines
Il est important de comprendre d’où vient Aimé Césaire pour mieux comprendre sa poésie et le « paysage fondamental » dans lequel il grandit.
Il nait en 1913 en Martinique, sur un des versants de la montagne Pelée. Il est un « enfant du nord de la Martinique battu par les vents, {où} il y avait Basse-Pointe, les vagues immenses. C’était ça {s}on paysage vraiment fondamental. »[1]
Il faut également savoir que quelques années auparavant (en 1902), la Montagne Pelée a détruit plusieurs villages alentours suite à une éruption volcanique historique. Il ne s’agit donc pas de la Martinique telle qu’on l’imagine souvent, avec ses plages de sable blanc paradisiaques et la mer chaude et transparente des Caraïbes. Césaire nait au Nord de la Martinique, bordée par l’océan Atlantique, dans une nature dure, violente, et âpre… adjectifs que l’on utilisera parfois pour qualifier sa poésie.
Citons ici Césaire qui parle de son « paysage fondamental » :
« les Antilles ce n’est jamais que [...] de l’eau et de la montagne [...] Et puis très tôt la montagne est devenue pour moi le volcan [...] Nous sommes les fils du volcan. Et ça explique peut-être bien des choses. D’abord l’attente [...] de la catastrophe [...] si je voulais me situer [...] et peut-être situer le peuple martiniquais, je dirais que c’est un peuple péléen [...] ma poésie est péléenne [...] Cela signifie qu’elle s’accumule [...] on peut la croire éteinte et brusquement, la grande déchirure [...] l’éruption. »[2]
Cette poésie, dite péléenne, est un trait qui a frappé nombre de ses lecteurs. Ainsi, Sartre, dans L’Orphée noir (préface à l'Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, dirigée par Senghor et publiée en 1948), reprendra l’image volcanique pour caractériser la poésie de Césaire et « la densité de ces mots jetés en l’air comme des pierres par un volcan ».
2. A Paris
Après une scolarité brillante, Aimé Césaire obtient le bac et une bourse pour préparer le concours de l’ENS, rue d’Ulm à Paris. Il préparera donc Khâgne et Hypokhâgne au lycée Louis Legrand à partir de 1931. Il dira avoir quitté la Martinique « avec volupté », car l’esprit « petite colonie » de l’île dans laquelle il avait grandi l’« ulcérait »[3].
Dès le premier jour, en sortant du secrétariat du lycée parisien, il fait une rencontre qui va bouleverser sa vie, celle de Léopold Sédar Shengor. Il s’agit d’un étudiant sénégalais de 6 ans son aîné, arrivé en France quelques années auparavant (notons qu’il s’agit là du futur président du Sénégal, de 1960 à 1980). Une très longue amitié et un compagnonnage intellectuel vont naître ce jour-là entre elles deux hommes. Senghor va présenter Césaire à d’autres étudiants africains et il va « ouvrir » l’Antillais à l’Afrique. Il va lui donner la « clé de lui-même »[4].
C’est donc à Paris que Césaire découvre l’Afrique avec Senghor et ses amis africains. Parmi leurs fréquentations, on retrouve Léon Gontran Damas, étudiant guyanais, dandy et branché, connaissant Paris et le « monde » (il s’engagera lui aussi dans la politique en tant que député et enseignera à l’Université Georgetown, à Washington). Il est également poète et s’intéresse comme ses deux amis aux questions de l’identité et de l’aliénation des noirs. Ensemble, ils cherchent chez des auteurs tels que Montesquieu, Rousseau, Hegel, Marx, des armes pour leur combat, celui de la négritude, mouvement littéraire et culturel dont ils sont considérés tous trois comme les fondateurs.
« Pour revenir donc à la Négritude, Césaire la définit ainsi : « la Négritude est la simple reconnaissance du fait d'être noir, et l'acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture. »
Léopold Sédar Senghor, Liberté 3, Seuil, Paris, 1977.
3. Les revues
Pour participer à cette affirmation de l’identité noire, ils vont utiliser la revue. Il s’agit alors d’un support écrit très utilisé dans l’univers de la presse et qui jouera un rôle fondamental dans la définition, la diffusion et la promotion de la littérature dite afro-antillaise. Césaire, Senghor et Damas veulent se détacher du rapport exotique et paternaliste qui tient lieu de norme dans les textes coloniaux et y opposer une vision critique et réfléchie de la culture noire.
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