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Arthur Rimbaud, Cahiers de Douai, Le dormeur du val

Fiche : Arthur Rimbaud, Cahiers de Douai, Le dormeur du val. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  27 Mai 2024  •  Fiche  •  1 233 Mots (5 Pages)  •  116 Vues

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Arthur Rimbaud, Cahiers de Douai, 1870

« Le Dormeur du val »

C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

 Octobre 1870

INTRODUCTION 

        En 1870-1871, Arthur Rimbaud, âgé de seulement 16 ans, écrit vingt-deux poèmes lors de deux fugues. Répartis en deux liasses et envoyés à un ami Paul Demeny, ils deviendront les Cahiers de Douai. Recueilli par son professeur de rhétorique Georges Izambard puis par le poète Paul Démeny, Arthur Rimbaud est, en 1870, un adolescent en pleine révolte. Issu du mouvement littéraire du symbolisme évoquant les choses au moyen des sensations et des impressions qu’elles provoquent, pour en montrer l’essence naturelle. Le sonnet en alexandrins descriptif et tragique « Le Dormeur du val » chante la beauté de la nature au sein de laquelle un jeune soldat se repose. En quoi ce poème dénonce-t-il, de façon originale, les atrocités de la guerre ? Pour ce faire, nous étudierons des vers 1 à 4, un tableau serein, des vers 5 à 8, un soldat paisiblement endormi, des vers 9 à 11, l’émergence d’ambiguïtés et des vers 12 à 14, une chute tragique.

I/ Des vers 1 à 4 : Un tableau serein

  • Le 1er quatrain en alexandrins à rimes croisées peint un endroit naturel de paix où la nature est omniprésente comme le prouvent le champ lexical de la nature « verdure » « rivière » « herbes » « soleil » « montagne »
  • La couleur verte domine « trou de verdure » « herbes » « petit val »
  • La lumière apparaît à travers les termes « le soleil » « des rayons »
  • Le lecteur est ébloui par cette explosion de couleurs « D’Argent » « Luit » placés en rejet.
  • Lieu idyllique mêlant l’eau (rivière), la terre (herbes) et le feu (soleil)
  • Nature personnifiée « où chante une rivière » + « Accrochant follement »
  • Une sensation de bonheur et de sérénité se dégage de ce premier quatrain

II/ Des vers 5 à 8 : un soldat paisiblement endormi

  • Irruption d’un personnage qui marque un contraste avec le premier quatrain : un soldat
  • Le déterminant indéfini « Un » apporte une portée universelle au destin du soldat qui n’est pas individualisé
  • Les adjectifs qualificatifs épithètes « jeune » et « pâle » décrivent le soldat
  • Le groupe nominal « bouche ouverte » rapproche le soldat d’un enfant endormi
  • Le travail sur la couleur oscillant entre « la lumière », le vert de l’herbe et le bleu du cresson = tableau doux et harmonieux
  • Abandon physique du soldat (sieste) = tranquillité de ce dernier
  • Le rejet du verbe « Dort » au présent d’énonciation met en évidence cette tranquillité
  •  Le champ lexical du sommeil « étendu » « lit » « dort » assimile la nature à un refuge rassurant pour le soldat.
  • Personnification de la nature « dans son lit vert » « la lumière pleut »
  • Au vers 8 = changement de tonalité, plus tragique, l’adjectif « Pâle » suscite l’interrogation du lecteur.
  • La métaphore « la lumière pleut » illustrerait le faisceau de lumière divin le corps du soldat

III/ Des vers 9 à 11 : la naissance des ambiguïtés 

  • Reprise de trois éléments de la strophe précédente : le corps du soldat « les pieds », la nature « les glaïeuls » et verbe au présent d’énonciation « dort »
  • La répétition du verbe « dort » rappelle le titre du poème « Le Dormeur du val »
  • La référence aux « glaïeuls »= plantes dont les feuilles sont en forme de glaives suggère le destin tragique du soldat
  • Le poète semble se rapprocher de lui(zoom) car il le voit sourire « Souriant comme// Sourirait un enfant malade »
  • La comparaison « comme un enfant malade » ternit le tableau serein = le lecteur commence à se questionner quant à l’état du soldat
  • Le champ lexical du sommeil reste toutefois omniprésent « il dort » « un somme » « berce-le »
  • Le poète s’adresse directement à la Nature qu’il personnifie, il l’assimile à une mère protectrice en lui disant à l’impératif « berce-le »
  • L’antithèse « chaudement » « froid » accentue les ambiguïtés renforcées par la sensation de cassure à la lecture « Nature//berce-le//chaudement//il a froid »

IV/ Des vers 12 à 14 : Une chute tragique

  • Ce tercet prépare la chute du poème. Le lecteur est peu à peu confronté à un tableau tragique
  • La négaton totale « Les parfums ne font pas frissonner sa narine » = négation de la vie humaine
  • Les allitérations en [f] et en [S] « Les parfums ne font pas frissonner sa narine » = heurtent l’oreille comme une mise en garde
  • Les ambiguïtés demeurent poussant le lecteur vers la fausse piste d’interprétation du jeune soldat paisiblement endormi
  • La répétition du verbe « Il dort » au présent d’énonciation rappelle l’attitude sereine du soldat
  • Cette attitude est confirmée par la position physique du jeune homme comme le prouve le complément circonstanciel de manière « la main sur sa poitrine » et mise en valeur par l’adjectif « Tranquille » au vers suivant
  • « dans le soleil » = complément circonstanciel de lieu illustrant l’installation paisible du confort
  •  Le rejet de l’adjectif « Tranquille » souligne une immobilité anormale du soldat dans la nature
  • La proposition indépendante finale « il a deux trous rouges au côté droit » frappe le lecteur par sa simplicité et sa violence
  • La mort n’est pas nommée, elle est montrée de façon picturale par la référence à la couleur rouge
  • Euphémisme « Les deux trous rouges » désigne pudiquement la blessure mortelle
  • Dénonciation subtile et indirecte des conséquences de la guerre
  • La chute brutale invite le lecteur à relire le sonnet à la lumière de ce dernier vers
  • Les « deux trous rouges » font écho au « trou de verdure » ce qui invite à une relecture du tableau bucolique et serein
  • La mort était en réalité déjà présente dans le sonnet « les pieds dans les glaïeuls » peuvent être compris comme les débuts d’un enterrement, la froideur du soldat, sa pâleur sont plusieurs indices

Conclusion : EN DEFINITIVE.

  • Le sonnet « Le Dormeur du val » instaure des contrastes frappants entre les couleurs, le chaud et le froid, entre la vie et la mort
  • Le lecteur passe d’une nature luxuriante et idyllique à une nature conçue comme le dernier lit d’un soldat tué à la guerre
  • Peu à peu, Arthur Rimbaud instaure des ambiguïtés : le soldat dort-il paisiblement ? Se repose-t-il tranquillement ? Est-il mort ?
  • Le dernier vers consacre la critique de la guerre avec force et humilité.
  • Il serait pertinent d’émettre un parallèle entre ce sonnet et « Le Mal » évoquant également la violence de la guerre franco-prusienne.

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