Apollinaire, Le Pont Mirabeau
Commentaire de texte : Apollinaire, Le Pont Mirabeau. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Timothée Raimbaut • 4 Juin 2023 • Commentaire de texte • 808 Mots (4 Pages) • 181 Vues
G. APOLLINAIRE, Alcools, LECTURE LINÉAIRE 6, « LE PONT MIRABEAU »
Introduction :
Guillaume Apollinaire est un poète, romancier et est l’auteur de calligrammes et de nouvelles érotiques. Il est à l’origine du mouvement littéraire appelé le surréalisme en 1917. Il publie son recueil Alcools en 1913, qui regroupe des poèmes rédigés entre 1898 et 1912. Dans son recueil, Apollinaire s’inspire de la ville, du rythme de la musique et de la peinture cubiste, supprimant la ponctuation de tous ses poèmes. Toutefois, il respecte une certaine tradition poétique. Effectivement, le critique littéraire Pierre Brunel caractérise Apollinaire poète « entre deux mondes ». Le poème qui fait l’objet de notre étude se nomme : « Le pont Mirabeau », écrit après sa rupture avec l’artiste peintre Marie Laurencin. Ce texte aborde un célèbre topos littéraire, la tristesse ressentie après une rupture amoureuse, Apollinaire la traite de manière original. En effet, le titre qui prend pour décor le pont Mirabeau, construit en 1893 et dont la structure est en fer, annonce un poème moderne.
Problématique : Comment le poète décrit-il le deuil de son amour avec Marie Laurencin dans de poème ?
Mouvements du texte :
Vers 1 à 12 : L’évocation d’un amour partagé
Vers 13 à 24 : Une rupture amoureuse
- Le poème se présente sous la forme de quatrains et de distiques en alternance. Les vers utilisés dans les quatrains sont des décasyllabes pour le premier et le quatrième vers. Apollinaire a décidé avant publication de couper en deux ce qui était à l’origine un décasyllabe. Visuellement, le poème peut évoquer grâce à ses vingt-quatre vers l’écoulement des heures sur une journée, ce qui nous renvoie au distique : « Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure »
- La structure du poème se rattache à la chanson grâce aux distiques qui figurent dans le refrain.
- Les thèmes abordés dans ce poème sont l’échec amoureux et la fuite du temps dont l’écoulement de l’eau est le symbole. Ces thèmes ont été extrêmement utilisés par les poètes, par exemple ceux de la Pléiade (16ème siècle), comme Pierre de Ronsard dans le second livre des Amours (1578). On peut aussi retrouver ces thèmes chez les Romantiques comme Alphonse de Lamartine se remémorant ses promenades avec Julie Charles dans « Le Lac »
- Il y a la première personne du pluriel que l’on peut déduire du verbe à l’impératif « restons » (vers 7) et des possessifs (« nos », vers 2 et 9) : c’est l’évocation du couple que le poète formait avec l’artiste, Marie Laurencin. A noter que le poème n’emploie jamais la deuxième personne du singulier (tu), comme si le poète ne pouvait se résoudre à évoquer la femme quand elle n’est pas liée à lui. A noter enfin que le « il » dans la formule « Faut-il qu'il m'en souvienne » est à chaque fois impersonnel, c’est-à-dire qu’il ne renvoie ni à une personne ni à une chose ; le poète choisit de dire « il m’en souvient » au lieu de « je me souviens », une manière peut-être de commencer à mettre la douleur à distance…
- Le temps verbal dominant est le présent. C’est d’abord un présent d’énonciation qui insiste sur la prise de parole du poète qui s’adresse à la femme aimée comme dans : « Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse » Le présent peut aussi avoir la valeur d’une vérité générale qui renvoie à la fuite du temps, inéluctable pour tout être humain. On peut citer ainsi : « Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent ».
- Une des idées de génie de G. Apollinaire est d’avoir supprimé la ponctuation de ce poème, entre autres. Ainsi, le lecteur a l’impression d’un flux continu, sans interruption, à l’image de la Seine dont l’eau ne cesse de s’écouler. La suppression de la ponctuation permet aussi de jouer sur le sens de certains vers. Par exemple, si l’on analyse la structure des vers « Sous le pont Mirabeau coule la Seine/Et nos amours/Faut-il qu'il m'en souvienne », on peut hésiter sur leur construction : « Et nos amours » peut être interprété comme le sujet de « coule », si l’on ne regarde pas l’accord sujet/verbe, alors on a le cœur du poème, la comparaison entre l’amour perdu et la fuite de l’eau.
Conclusion :
Ce poème est donc dans la tradition élégiaque romantique. On retrouve cette thématique du souvenir amoureux dans d’autres poèmes comme « le lac » de Lamartine. Mais cette écriture poétique moderne avec l’absence de ponctuation rend le texte original. Enfin, le fait que Marie Laurencin ne soit pas nommée et l’humanité de cette plainte lyrique assure une portée universelle au poème.
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