Analyse de la scène d'exposition de l'Avare de Molière
Commentaire de texte : Analyse de la scène d'exposition de l'Avare de Molière. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ornella Batteur • 17 Avril 2024 • Commentaire de texte • 2 795 Mots (12 Pages) • 117 Vues
Analyse de la scène d’exposition de l’Avare de Molière
Acte 1, scène 1
L’Avare est une pièce de théâtre en prose écrite en 1668 et représentée pour la première fois par la troupe du roi à Paris en septembre 1668. Son auteur, Jean-Baptiste Poquelin ou plus communément appelé Molière est un célèbre comédien et dramaturge né le 15 janvier 1622 à Paris et décédé le 17 février 1673. Déniant récupérer l’affaire familiale qui le destinait à une vie bourgeoise, il se tourna vers le théâtre et fit le bon choix puisqu’il fonda en 1643, « L’Illustre Théâtre ». Quelques années plus tard, l’auteur commença à rédiger ses premières œuvres : L'Étourdi (comédie, 1653-1655) et Le Dépit Amoureux (comédie, 1659). C’est en 1658, que Molière joua devant le roi Louis XIV qui lui prêta fidélité. Grâce au soutien de son souverain, les premiers grands succès du comédien virent le jour notamment les Précieuses ridicules (comédie, 1659), L’École des femmes (comédie, 1662) ou encore Tartuffe (comédie, 1664). La majorité des œuvres de l’auteur appartiennent au registre de la comédie. C’est le cas du Bourgeois Gentilhomme (1670), des Femmes savantes (1672) ou encore, bien entendu, de L'Avare (1668). En 1666, Molière tomba gravement malade (mais se montra tout autant productif que les années précédentes et mourut, 7 ans plus tard, à l’issue de la quatrième représentation du Malade imaginaire. Pour ne pas vous fatiguer d'une description trop prolixe, fermons cette parenthèse et débutons l’analyse de la scène d’exposition de l’Avare.
Pour commencer, la scène d’exposition est l’une des scènes fondamentales d’une pièce de théâtre. En effet, elle permet d’informer le spectateur ou le lecteur sur des faits passés, de mettre en place l’intrigue, de présenter les personnages en exposant leurs sentiments, leurs projets ou encore les relations qui les unissent ainsi que d’installer le ou les conflits qui constitueront le nœud de l’action dramatique.
Pour savoir si une scène d’exposition est réussie, il est nécessaire que celle-ci valide trois fonctions essentielles : donner les premières indications au spectateur ; susciter son adhésion et indiquer les thèmes et les enjeux de l’action. Nous pouvons formuler ses fonctions sous forme de question. Questions : Quelles sont les premières indications données au spectateur ? Comment l’adhésion du spectateur est-elle susciter ? Quels sont les thèmes et les enjeux annoncés ? En nous posant ces questions, nous évaluerons l’efficacité de la scène 1, acte I de L’Avare de Molière.
Commençons par déterminer les premières indications fournies par le texte au lecteur. Cela permettra au lecteur – nous nous plaçons dans la posture du lecteur – de l’aider à la compréhension du déroulement des évènements ainsi que de l’intrigue. Les premières informations sont divulguées, par le texte, grâce à une didascalie initiale : la liste des personnages. En analysant cette liste, le premier élément qu’il est nécessaire voire formel de souligner est l’égalité entre les comédiens masculins et féminins. En effet, à l’époque de Molière, les femmes étaient considérées comme inférieures aux hommes et étaient, généralement, chez la majorité des auteurs du siècle, placées à la fin de cette didascalie signe d’infériorité. Molière, lui, décide de bousculer ses codes en siégeant les rôles féminins à égale niveau des rôles masculins, une avancée, certes mineure mais bien réelle, pour l’égalité des deux sexes. Cependant, les rôles masculins restent omniprésents.
Deuxièmement, Harpagon, le personnage principal, est bien sûr situé en tête de liste. Nous remarquons, également, que plus nous descendons dans la liste, moins le rôle des personnages est important. De plus, en cherchant l’étymologie du nom Harpagon, nous découvrons que ce nom désigne un homme avare et avide. Ce nom correspond donc parfaitement au personnage principal (l’Avare) qui possède ces traits de caractère. Ce personnage ou du moins le caractère de ce personnage est éponyme.
Ensuite, nous pouvons remarquer que le chant lexical de l’amour est fortement présent : « amoureux », « amant(e) », « aimée ». En recherchant la signification du mot « amant » au 17ème siècle, nous trouvons que « amant » désigne celui qui aime et est aimé en retour, sans qu’il n’y ait obligatoirement de relations sexuelles (les relations des amants sont donc extrêmement fortes). De plus, cela donne un premier aperçu des deux intrigues amoureuses (Élise et Valère / Cléante et Marianne).
Puis, nous devinons que les personnages désignés par leur titre ou par un surnom permettent, uniquement, de servir l’intrigue. Notons l’expression « femme d’intrigue », qualifiant Frosine et désignant une personne agissant secrètement dans les relations entre les personnages. De plus, nous pouvons remarquer qu’Élise se méfie de celle-ci : « Mais que ne tâchez-vous pas aussi de gagner l’appui de mon frère en cas que la servante s’avisât de révéler notre secret ».
Après avoir étudié la liste des personnages, poursuivons notre analyse des premières informations fournies au spectateur grâce à une nouvelle didascalie. Celle-ci nous donne le cadre spatial de la scène en nous apprenant qu’elle se déroule à Paris. Poursuivons en découvrant les personnages jouant la scène de l’acte I avec une autre didascalie. Cette autre didascalie nous indique que Valère et Élise jouent cette scène. La pièce débute alors par un commencement in média res car l’absence de prologue nous installe d’emblée dans le cœur de l’action. Cela nous aide alors à comprendre la situation dramatique lorsque les personnages nous font part d'événements passés. La pièce débute, donc, par une conversation entre les amants, Valère et Élise. Dans ce dialogue, nous introduisons l’une des deux intrigues amoureuses (la deuxième étant celle de Cléante et Marianne). Nous apprenons les difficultés rencontrées par la famille d’Harpagon à cause de son avarice. En effet, dans les quelques premiers paragraphes, nous pouvons d’abord distinguer les obstacles à l’amour des deux amants grâce à une gradation ascendante : « […] l’emportement d’un père ; les reproches d’une famille ; les censures du monde » l.14-15. Le point du vue d’Élise sur les hommes, nous est également donné : « cette froideur criminelle dont ceux de votre sexe payent le plus souvent les témoignages trop ardents d’une innocente amour. […] Tous les hommes sont semblables par les paroles ; et ce n’est que les actions qui les découvrent différents. […] Hélas ! qu’avec facilité on se laisse persuader par les personnes que l’on aime ! » l.16-34. Nous pouvons noter l’omniprésence du pronom « vous » dans le discours de Valère désignant Élise. En revanche, c’est le pronom « je » qui est de multiples fois répétés dans le discours de la jeune Élise. En effet, Élise est principalement concernée par ce dialogue puisque celui-ci vise à trouver un moyen de confier à son père, Harpagon, qu’elle est amoureuse de Valère (une tâche qui se montre ardue car Harpagon est avare et son avarice risque de mettre en péril leur projet de mariage). Dans cette scène, Valère souhaite, également, convaincre Élise de l’aimer. Celle-ci est douteuse : « […] je crains fort de vous aimer un peu plus que je ne devrais » l.11. Pour la convaincre, le jeune homme utilise plusieurs arguments : « […] juger de moi par les autres […] attendez donc au moins de juger de mon cœur par elles […] et donnez-moi le temps de vous convaincre, par mille et mille preuves, de l’honnêteté de mes feux » l.19-32. Ajoutons que l’amour entre les deux amants n’est pas consommé mais ils sont déjà « engagés » (« engagement ») l.5, c’est-à-dire fiancés. Caché sous l’habit d’un domestique, nous pouvons remarquer que les origines de Valère sont mystérieuses et que son statut est incertain. Malgré la complexité de ce personnage, nous pouvons, tout de même, percevoir un caractère ambivalent lors du cynique plaidoyer fait à la belle Élise. Molière se montra ingénieux dans l’écriture dramatique de la scène car le personnage, Harpagon, est présenté par ses victimes tel un être redoutable, presque caricaturé, oscillant entre le grotesque et le pathétique. Il apparaît uniquement à travers les discours et les jugements des deux amants. Ce personnage est alors « mis en attente ». De plus, cette mise en attente s’étend à d’autres personnages notamment aux parents de Valère (C’est uniquement dans l’Acte V que le père de Valère, Anselme, entre dans la pièce). Avant de passer à la deuxième fonction d’une scène d’exposition, plaçons-nous dans la posture du metteur en scène de la pièce de théâtre. Après l’ouverture du rideau, la première information fournie au spectateur est le cadre spatial. En effet, le spectateur n’ayant aucun livre de la pièce en sa possession, il ne peut avoir d’indice sur les personnages et sur leurs relations (le lecteur, lui, prend connaissance des personnages dans la liste des personnages). Le décor est donc la première information perçue par le spectateur (cette information est donnée par une didascalie dans un livre). Dans l’Avare, la scène se déroule à Paris, nous pouvons donc en tant que metteur en scène placer, en fond de scène, une image projetée des rues parisiennes et de la tour Eiffel, par exemple. La scène peut alors commencer et les comédiens jouant Valère et Élise entrent alors en scène. Leurs costumes doivent coordonner avec le siècle où se déroule l’action, c’est-à-dire le 17ème siècle afin que le spectateur puisse se situer temporellement (la plupart des œuvres de Molière se déroule au siècle de l’auteur car il souhaitait dénoncer la société actuelle). Valère porte donc un costume traditionnel de valet. On peut ajouter le fait que son costume possède des trous, tâches et imperfections car Harpagon ne souhaite pas dépenser son argent pour payer de nouveaux vêtements. Élise peut-être vêtue d’une robe simple, mais elle-aussi, usagée. Le spectateur se fait alors une idée des conditions de vie des deux personnages. La manière de jouer des comédiens doit être la plus naturelle possible tout en respectant le caractère du personnage qu’il intègre. Le ton des comédiens doit être doux afin de créer une atmosphère de confidence. Leur gestuelle doit coïncider à la tonalité employée.
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