A-t-on raison de penser que Saint-Denys Garneau et Émile Nelligan présentent, dans Cage d'oiseau et Les Corbeaux, une même vision de la fatalité ?
Dissertation : A-t-on raison de penser que Saint-Denys Garneau et Émile Nelligan présentent, dans Cage d'oiseau et Les Corbeaux, une même vision de la fatalité ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Justin111 • 18 Février 2024 • Dissertation • 777 Mots (4 Pages) • 289 Vues
Devoir 3C – Dissertation critique
Sujet de dissertation critique
A-t-on raison de penser que Saint-Denys Garneau et Émile Nelligan présentent, dans Cage d'oiseau et Les Corbeaux, une même vision de la fatalité ? Discutez.
Dans « Cage d’oiseau », Saint-Denys Garneau aborde la fatalité avec une profonde introspection, illustrée par la métaphore d'un oiseau en cage : « Je suis une cage d’oiseau / Une cage d’os / Avec un oiseau » (v.1-3). Cette métaphore symbolise une cohabitation intime et inévitable avec la mort, évoquant une acceptation résignée de sa présence constante. Cette perspective s'inscrit dans les thèmes existentialistes, popularisés par des auteurs comme Jean-Paul Sartre et Albert Camus, qui mettent l'accent sur l'importance de l'acceptation de la mort comme un élément central de la condition humaine. L'existentialisme, avec sa focalisation sur les choix individuels et la responsabilité personnelle face à l'inéluctabilité de la mort, trouve un écho dans cette œuvre de Garneau, reflétant une profonde compréhension de la nature éphémère de l'existence. Émile Nelligan, dans « Les Corbeaux », présente une interprétation de la fatalité où la mort est perçue comme une force extérieure envahissante et menaçante. La mort est personnifiée par des corbeaux, des créatures souvent associées au mauvais augure : « J’ai cru voir sur mon cœur un essaim de corbeaux » (v.1). Cette représentation dramatique est ancrée dans le romantisme noir, un mouvement littéraire qui explore les aspects sombres et tourmentés de l'existence humaine. Cette tradition, incarnée par des poètes comme Edgar Allan Poe, se retrouve dans la manière dont Nelligan personnalise la mort, la dépeignant comme une lutte contre des forces obscures et oppressantes. Toutefois, la façon dont Garneau et Nelligan abordent la fatalité dans leurs poèmes révèle des perspectives profondément différentes. Dans « Cage d’oiseau », Garneau offre une vision de la fatalité empreinte de résignation et de mélancolie, écho des thèmes chers aux poètes symbolistes comme Charles Baudelaire. La métaphore de l'oiseau en cage, « L’oiseau dans ma cage d’os, C’est la mort qui fait son nid » (v.4-5), symbolise une forme d'acceptation tranquille de la fatalité. Cette représentation suggère une cohabitation presque pacifique avec la mort, un élément inévitable mais intégré dans la trame de l'existence. Cette acceptation, loin d'être passive, traduit une compréhension profonde de la condition humaine, où la mort n'est pas tant un ennemi à combattre qu'une réalité à embrasser. En contraste saisissant, Nelligan dans « Les Corbeaux » dépeint la fatalité comme une entité extérieure, presque hostile, qui s'abat sur le sujet. Les corbeaux, symboles de mort et de désolation, sont décrits comme des agresseurs implacables : « Déchirant à larges coups de bec, sans quartier » (v.11). Cette imagerie violente et tourmentée s'inscrit dans la veine du romantisme noir, où la lutte contre des forces extérieures oppressantes est un thème central. Cette approche contraste fortement avec la résignation tranquille de Garneau, reflétant une perspective où la fatalité est moins une composante intrinsèque de l'existence qu'une force brutale et destructrice à laquelle il faut résister. Cette divergence entre les deux poètes met en lumière la variété des interprétations humaines de la fatalité. Chez Garneau, la fatalité est une réalité intérieure, une composante de l'âme à laquelle il faut se résigner. Chez Nelligan, elle est une force extérieure, un assaut sur l'esprit et le corps, contre lequel il faut lutter. Ces perspectives différentes enrichissent la compréhension de la fatalité dans la littérature québécoise, offrant une vision nuancée de la manière dont les êtres humains perçoivent et réagissent face à l'inévitable. Malgré ces divergences, les œuvres de Garneau et Nelligan convergent dans leur traitement de la fatalité comme une expérience inévitable de la vie humaine. Tous deux personnifient la mort à travers des oiseaux, bien que de manière différente. Chez Garneau, l'oiseau est un captif intérieur, une partie intégrante de son être : « c’est un oiseau tenu captif » (v.13). Chez Nelligan, les corbeaux sont des forces extérieures menaçantes : « Ils planaient au frisson glacé de nos ténèbres » (Nelligan, v.7). Ces représentations offrent une illustration de la diversité des réponses humaines face à l'inéluctabilité de la mort. En somme, « Cage d’oiseau » et « Les Corbeaux » illustrent la richesse et la complexité de la littérature québécoise en matière de traitement de la fatalité. Tandis que Garneau s'inscrit dans une tradition existentialiste, intégrant la fatalité comme un élément inévitable de la condition humaine, Nelligan adopte une approche plus dramatique et conflictuelle, en résonance avec le romantisme noir. Ensemble, ces œuvres mettent en lumière la multiplicité des façons dont la fatalité peut être perçue et exprimée, reflétant la diversité et la profondeur de l'expérience humaine. |
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