Dissertation Arthur Rimbaud

Dissertation

   « La poésie est élément. Elle est irréductible, incorruptible et réfractaire. Comme la mer, elle dit chaque fois tout ce qu'elle a à dire ». Ces lignes de Victor Hugo nous invitent à voir dans la poésie bien plus qu’un code littéraire mais un vaisseau qui nous sort de nous-mêmes, et qui donne sens à nos vies. Les Cahiers de Douai, écrits entre 1870 et 1871 mais publiés en à partir de 1884, rassemblent parmi les plus célèbres des vers du jeune Arthur Rimbaud (1854-1891). Le temps passant, ce recueil parait toujours être une nouveauté et le poète toujours jeune, les cahiers peuvent se lire et relire à toute époque. Nous allons nous demander si les Cahiers de Douai permettent à Rimbaud de s’émanciper. L’émancipation correspond à la cessation d'une contrainte. Dans un premier axe, nous nous intéresserons à l’ode à la liberté qu’est son recueil, dans un second axe nous nous intéresserons à la tempête au milieu du cadre, puis dans un troisième nous nous attacherons à relire les Cahiers de Douai comme un ouvrage de transitions pour l’auteur.

   Dans un premier axe, nous nous intéresserons à l’ode à la liberté qu’est son recueil. On donne facilement à Rimbaud l’étiquette d’un jeune poète fougueux et hors cadre, nous pouvons nous intéresser dans cette première partie au désir d’émancipation du poète.

   Tout d’abord, en parcourant le recueil de Rimbaud, on est surpris par sa poésie qui nous emmène loin des modèles classiques ; pour le poète, la rébellion participe à une dynamique créatrice. Les aspirations élevées des romantiques et parnassiens laissent place à la réalité du quotidien mais surtout à une poésie qui peut tout décrire sans censure ni retenue. De plus, Rimbaud a reçu une éducation religieuse très stricte. Il prend des libertés avec la poésie, et le plus bel exemple est « Vénus anadyomène ». Rimbaud y tourne en dérision le tableau La naissance de Vénus de Botticelli, il brosse un portrait dévalorisant de cette référence traditionnelle et mythologique. Les mots soulèvent le dégoût chez le lecteur, qui a une attente très lisse, il transgresse ainsi le mythe de l’idéal de beauté : « Belle hideusement d’un ulcère à l’anus. » Malgré une mise en page classique, « Vénus anadyomène » est un sonnet, le poète prend des libertés quant au contenu du poème.

   De nombreux autres poèmes du recueil évoquent l’idée de liberté, et ce dans des domaines divers : politique, littéraire et social. Arthur Rimbaud écrit ses poèmes dans le but de se libérer de ses carcans. En effet, dans certains poèmes des Cahiers de Douai, Rimbaud dresse une critique des figures politiques de son époque ; il cherche à se libérer des dirigeants du Premier Empire et de la monarchie en les dénonçant. Par exemple, dans le poème « Rages de Césars », il critique ouvertement/caricature Napoléon III : « Car l’Empereur est soul de ses vingt ans d’orgie ! ». Le poète revendique ainsi sa liberté à tous les niveaux.

   Dans ce premier axe, nous avons vu l’ode à la liberté des Cahiers de Douai à travers la rébellion et la critique ; dans ce second axe, nous mettrons en évidence la tempête au milieu de cadre.

   Dans ce second axe, nous nous intéresserons donc à la tempête au milieu du cadre.

   Premièrement, Rimbaud investit un patrimoine littéraire ancestral. Il décrit le cadre et tous ses carcans mais ces vers n’existeraient pas s’il n’était pas l’héritier d’une certaine tradition littéraire. Si on regarde de près, le poète se sert de tous les codes de la poésie classique pour revendiquer son droit à l’émancipation. En analysant son recueil, l’on peut voir que sur vingt-deux poèmes la majorité sont des sonnets. Ceux-ci consistent en une forme de poésie, popularisée par Pétrarque au XIVe siècle puis appropriée par les poètes de la Pléiade, très traditionnelle ; comme si Rimbaud devait demander l’autorisation de ses pairs pour entrer dans la cour des grands poètes. De plus, il use d’alexandrins, une forme de métrique extrêmement traditionnelle. C’est le propre de la jeunesse de vouloir s’affranchir des règles édictées par les générations précédentes mais pour faire cela il est nécessaire de garder un certain cadre. Cette citation issue du poème « Roman » illustre parfaitement cette idée : « On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. ». Cela traduit aussi un certain recul par rapport à sa propre jeunesse, une prise de conscience.

   Rimbaud aborde aussi dans ses poèmes les thèmes de la nature ou encore de la mythologie grecque, des thématiques très chères aux poètes antiques mais aussi aux romantiques qui sont plus proches dans le temps. Il rassemble tout son poème « Soleil et Chair », une longue invocation aux dieux du Panthéon, par le vers « -Les Dieux écoutent l’Homme et le Monde infini ! ». Malgré ces ressemblances, Arthur Rimbaud se démarque des poètes de sa génération du fait de sa jeunesse et ses descriptions réalistes, terre-à-terre qui s’opposent à l’idéalisation du réel par ses pairs du mouvement romantique. Il se conforme ainsi au cadre de son mouvement littéraire malgré son originalité.

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