Composition d'Amers de Saint-John Perse
Commentaire d'oeuvre : Composition d'Amers de Saint-John Perse. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar IJJOU2023 • 24 Février 2024 • Commentaire d'oeuvre • 2 813 Mots (12 Pages) • 201 Vues
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Département de Langue et Littérature Françaises
SEMESTRE 6
Module : La Poésie contemporaine
Prof. Ijjou CHEIKH MOUSSA
Séance 3
Composition d’Amers de Saint-John Perse
- Introduction
Amers se présente comme un cérémonial, un rite sacrificiel d’initiation en l’honneur de la mer. Songeant au drame de la condition humaine, Saint-John Perse a choisi la mer comme lieu de convergence et de rayonnement, comme une illustration féconde de la quête infinie de l’esprit moderne. La mer est une sorte d’autel vers lequel se dirigent les fils de la terre. La mer permettra à l’homme d’approfondir la connaissance de la vérité et au poète, en particulier, de capter le feu poétique, le Verbe qui révèlera l’Être. C’est un lieu plein de signes : cf. le poème Correspondances de Baudelaire :
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers
Ce cérémonial scandé a pour but de révéler le sens secret de l’univers, car toute cérémonie est destinée à une présence qui dépasse l’homme. Le poète y jouera le rôle du prêtre, du « Maître d’Astres et de navigation ». Il va à la rencontre des signes qui permettent d’approfondir la connaissance et d’atteindre l’Être.
Pour aller à la rencontre de l’Être, du Sens premier, du Sens vrai, le poète doit se libérer de tout lien social, culturel, linguistique ; il doit devenir un Etranger, un navigateur (cf. le 8ème chant « Etranger dont la voile… »).
L’Être, qui est la manifestation divine dans les choses, se confond, chez Perse, avec la parole poétique qui ne peut être que d’essence divine venant d’un outre-mer, d’un autre réel. Chez Saint-John Perse, le poète n’est pas créateur du Verbe poétique, mais il va à sa rencontre avec les différents personnages du drame. Son rôle est l’attente de la révélation dans la nuit (car la nuit est le temps où l’Être se révèle au poète sous formes de paroles divines) et la transmission de cette révélation aux hommes : « Oh ! qu’un scribe s’approche et je lui dicterai… »
Le poète va survoler l’univers dans toutes ses dimensions, dans le sens humain de l’Histoire et dans le sens cosmique de l’espace. Par conséquent, l’écriture devient chez Saint-John Perse une sorte de palimpseste, où sur ce qui est effacé, il écrit du nouveau, car le passé contient le répertoire des hautes images, le recueil des grands signes qui guident toute quête ontologique vers l’avenir. La mémoire n’est pas opposée à la vie. Le poète va exhumer les civilisations enfouies pour nous persuader que nous sommes comme elles mémorables. Les inventaires archéologiques des civilisations passées sont des signes qui révèlent l’Être et que le poète doit déchiffrer. Toutes les traces humaines laissées par l’homme sur son itinéraire sont comme des amers dans l’océan qui guident les marins. Les obélisques ou les pyramides, par exemple, se dressent en signe de victoire pour l’homme et de défaite pour la mort. Si le poète a choisi d’explorer le passé, c’est parce que dans la société moderne, il ne voit rien qu’il puisse louer, seul le Cosmos est digne d’éloges.
Il faut souligner que cette quête de l’Etre est difficile car le poète doit pouvoir saisir les signes dont l’apparition est fugace. De plus, à la différence des grands mystiques, le poète ne peut saisir l’Être dans sa totalité, il est l’homme des illuminations et non de l’Illumination, l’homme des visions et non de la Vision (Lire à ce sujet le livre d’Albert Beguin, La Poésie de la Présence). Mais chacune des manifestations de l’Etre va augmenter sa soif d’Absolu et le pousser à aller toujours plus loin .
- Structure d’Amers
Amers est composé de 4 sections, à la manière d’une épopée antique : « Invocation », « Strophe », « Chœur », « Dédicace ».
- « INVOCATION»
Cette section est composée de 6 poèmes. Les 4 premiers sont une « ode », un chant unique jamais entendu, une gravitation hymnique en l’honneur de la mer. Ce chant exprime le règne de la mer sur le cœur de l’homme assoiffé d’Absolu : « et c’est la mer en nous qui le chantera ». C’est aussi une demande d’intercession pour la destinée humaine. Le poète qui est l’officient, celui qui parle au nom de la race humaine, au nom d’un nous, demande à la mer de l’éclairer, de l’aider à vaincre le Néant et à retrouver le Réel.
Le 5ème poème nous présente la narration de la genèse du poème, du chant. Le poème y est présenté comme une fusion interne entre les différentes éléments de l’univers, comme un moyen d’expression, un état extatique, une fulgurance, difficile à posséder : « Or il y avait un si long temps que j’avais goût de ce poème… ». Le poète est l’être élu par « vocation » ; il est désigné par « l’assemblée des Donateurs » pour révéler ce qui est caché et le transmettre par écrit aux hommes : « Moi j’ai pris charge de l’écrit, j’honorerai l’écrit, Comme à la fondation d’une œuvre votive, celui qui s’est offert à rédiger le texte et la notice ; et fut prié par l’Assemblée des Donateurs, y ayant seul vocation… ». Dans ce 5ème poème, la mer n’est pas seulement invoquée mais elle est aussi source de poésie et matière du poème. Elle est en même temps monde intérieur, domaine de l’Etre et « intumescence » du langage, du verbe poétique.
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