Chasse à l'ours

SCÈNE 1

Le rideau se lève, révélant le salon richement décoré du chalet de la famille Darville. On y découvre des meubles Napoléon III, ornés de sculptures délicates. Ils occupent l'espace avec une élégance intemporelle. La lumière du matin filtre à travers les fenêtres. Eugénie, en robe de chambre, déambule gracieuse mais agitée, ajustant chaque détail de la décoration. À côté d’elle, Simon, son mari, semble égaré, les yeux légèrement écarquillés, comme s'il était toujours en train de découvrir le monde qui l'entoure.

EUGÉNIE exaspérée : Simon, mon cher époux, seriez-vous capable, ne serait-ce qu’au moins le jour de notre anniversaire de mariage, de ne pas laisser traîner vos affaires à tout va dans le salon ?

Simon se retourne, toujours en ajustant maladroitement sa cravate et le tout avec un visage affichant un air inéluctablement candide.

SIMON : Mais ma chère Eugénie, je ne fais que préparer mes affaires pour notre expédition de chasse à l'ours ! Vous savez bien que c'est mon rêve depuis plus de quinze ans !

Eugénie lève les yeux au ciel, exaspérée.

EUGÉNIE : Encore cette fichue chasse à l'ours ! Simon, vous êtes incorrigible. Au lieu de vous lancer dans ce genre d’aventures, nous devrions comme il se doit célébrer notre amour et notre union. Quinze ans Simon, tout de même ça se fête ne crois-tu pas ?

Simon,n’écoute qu’à moitié sa femme et s'approche d’elle, les yeux brillants d'excitation, avec un enthousiasme naïf.

SIMON : Mais ma chère Eugénie, quoi de plus romantique que de partager un dîner autour d’une peau de bête ? Imaginez, nous traquant l'ours sauvage, unis dans l'adversité !

EUGÉNIE Soupirant, résignée, avec un sourire amusé étirant ses lèvres : Ah, Simon, vous êtes incorrigible. Mais avouez au moins que votre maladresse légendaire risque de transformer cette "expédition" en  une aventure des plus amusantes.

SIMON Légèrement agacé : Peut-être bien, ma chère Eugénie, mais c'est précisément ce qui rendra cette journée mémorable, n'est-ce pas ? Allons, ma chérie, permettez-moi d’aller à la chasse à l’ours, et je vous promets qu’à mon retour, nous aurons une soirée d'anniversaire digne de ce nom.

EUGÉNIE Résignée mais indulgente : Soit, mon cher Simon. Mais que cela soit clair, si vous rentrez avec un seul accroc sur votre costume, je vous assure que ce sera la dernière fois que nous parlerons de chasse à l'ours.

Sur ces mots, Simon, rayonnant de joie enfantine, se hâte vers la porte. Eugénie le regarde partir, amusée et affectueuse, tandis que le rideau se ferme lentement sur cette scène.

SCÈNE 2

Le rideau se lève sur une forêt enneigée. Simon, en costume de chasse, son fusil sur l'épaule, s'avance d'un pas déterminé, mais toujours à l’affût d’une éventuelle apparition d’ours.

SIMON : Allez montre-toi que je puisse retrouver ma chère Eugénie…

Soudain, coupant l’élan de Simon, un ivrogne, titubant et visiblement désorienté, surgit, une bouteille à la main. Il semble reconnaître Simon.

JACK L’IVROGNE d'une voix pâteuse : Papa ? C'est toi, papa ?

Simon s'arrête net, surpris par cette interpellation inattendue.

SIMON : Hein ? Mais je ne suis pas votre père, mon brave monsieur. Je suis Simon Darville, en route pour une expédition de chasse à l'ours.

JACK L’IVROGNE soudainement ému : Oh, mon pauvre papa ! Te revoilà enfin... Les années ont passé, mais ne crois pas que je t’ai oublié ! T’as toujours été un chic type pour moi, et je t’ai cherché toute ma vie mon papa adoré. Viens ici que je t’embrasse !

Alors que Jack tente d’embrasser Simon, ce dernier tente maladroitement de se dégager de l'étreinte de l'ivrogne, et est de plus en plus embarrassé.

SIMON : Écoutez, monsieur, je suis désolé, mais vous vous trompez . Je ne suis pas votre père.

JACK L’IVROGNE les larmes aux yeux : Tu dis ça pour me protéger, n'est-ce pas, papa ? Comme tu as toujours su le faire... Mais maintenant que tu es là, tout va redevenir comme avant.

Simon, dépassé par la situation, tente de s'éloigner, mais l'ivrogne s'accroche à lui avec une détermination croissante.

JACK L’IVROGNE : Tu ne te soucies pas de moi, papa. Tout ce que tu veux, c'est partir en chasse et me laisser seul.

SIMON : Mais enfin, je ne suis pas votre père ! Je me nomme Simon vous dis-je ! Simon Darville ! Vous devez me croire, je vous en prie.

JACK L’IVROGNE d'une voix plaintive : Pourquoi ne veux-tu pas reconnaître ton propre fils, papa ? C’est moi voyons ! Jack !

SIMON : Écoutez, monsieur, je dois vraiment y aller. J'ai une chasse à l'ours à accomplir.

JACK L’IVROGNE avec un air menaçant : Non, papa, tu ne partiras pas ! Tu resteras avec moi, comme au bon vieux temps.

Une dispute éclate entre les deux hommes, l'ivrogne pleurant et implorant "son père" de rester, tandis que Simon essaie désespérément de se libérer de son emprise. Soudain, dans un geste de frustration, l'ivrogne assène un coup à Simon, le faisant chuter au sol. Simon est sonné par le coup.

JACK L’IVROGNE : Au revoir, papa. Je vais retrouver maman au bar, mais ne t’inquiète pas, je prends ta casquette et ta veste il s’en vêtit et je te donnes les miennes.

L'ivrogne disparaît peu à peu dans les bois, laissant derrière lui un Simon assommé et dépouillé de son manteau et de sa casquette.

SCÈNE 3

Eugénie, restée seule dans le chalet, s'impatiente de plus en plus de l'absence prolongée de son mari. Ses pensées s'embrasent d'un mélange de colère et de suspicion.

EUGÉNIE à elle-même : Où peut-il bien être, ce Simon ? Voilà des heures qu'il est parti et toujours pas de nouvelles. Aurait-il osé... ? Non, Eugénie, ne pense pas à ça. C’est certainement qu’il a rencontré un imprévu...

C'est alors qu'une silhouette, enveloppée dans un manteau de neige, fait son apparition par la porte d'entrée.

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