Question d'interprétation : Comment Wilde parvient-il à affirmer le rôle créateur de l'art, seul capable de rendre la nature existante ?

DM HLP :

Sujet : Comment Wilde parvient-il à affirmer le rôle créateur de l'art, seul capable de rendre la nature existante ?

Dans un passage du Côté de Guermantes, Marcel Proust compare le peintre original à un oculiste dont l’opération nous fait brusquement voir le monde d’une façon entièrement nouvelle : “ Quand le traitement est terminé, le praticien nous dit : « Maintenant regardez. » Et voici que le monde (qui n'a pas été créé une fois, mais aussi souvent qu'un artiste original est survenu) nous apparaît entièrement différent de l'ancien, mais parfaitement clair.”, et que subitement les femmes sont des Renoir, des Renoirs où nous nous refusions jadis à voir des femmes.  Les choses naturelles prendraient donc vie et ne nous paraisseraient belles que parce que nous les voyons au travers du prisme des œuvres d’art. C’est la réflexion que développe également O. Wilde dans un passage d’Intentions, in Le déclin du mensonge, dans lequel il affirme que seule l’intervention artistique permet à la nature d’exister en tant qu’objet esthétique. Wilde confère ainsi à l’art un rôle créateur, en ce sens qu’il anime et fait prendre forme à la nature.

Ainsi, comment Oscar Wilde, par un jeu d’idées paradoxales et ironiques, affirme la primauté de l’art sur la nature, qu’il présente comme une création dépendante du regard artistique ?

Nous tenterons de répondre à cette question en étudiant dans un premier temps que l’art est présenté comme révélateur de la nature, puis que la réflexion est poussé jusqu’à affirmer que la nature imite l’art, et enfin la critique des conventions esthétiques que propose Wilde avec l’idée de l’obsolescence de la nature.

En premier lieu, Oscar Wilde débute son texte par une remise en cause totale de la conception traditionnelle de la nature comme source originelle de beauté, en introduisant l’idée de la nature comme construction de l’esprit humain.

En effet, dès les premières lignes, l’auteur pose une thèse radicale : la nature, loin d’être une réalité première ou une « mère féconde », est une construction issue de notre esprit. Ainsi, l’affirmation « Ce n’est pas une mère féconde qui nous a enfantés, mais bien une création de notre cerveau » induit un renversement de la perspective naturaliste. En substituant à l’image de la nature maternelle une nature inventée par l’intelligence humaine, O. Wilde renverse le postulat romantique selon lequel la nature serait l’origine et le fondement de l’art.

Cette idée est renforcée par une réflexion sur la perception humaine, grâce à laquelle O. Wilde distingue le regard brut de la vision esthétique : « Les choses sont parce que nous les voyons. » La perception, dans cette optique, n’est donc pas un acte passif, mais une création active. O. Wilde va plus loin en affirmant que « On ne voit une chose que lorsqu’on en voit la beauté. » Ce glissement de la simple observation à la contemplation esthétique souligne que l’existence même des objets est conditionnée par leur intégration dans un système de valeurs artistiques.

L’auteur affirme que, paradoxalement, ce n’est pas la nature qui fonde la beauté, mais l’art qui lui donne une existence esthétique. En liant la réceptivité esthétique à l’éducation artistique, Wilde affirme que la forme et le contenu de notre regard sont influencés par les arts : « La réceptivité aussi bien que la forme de notre vision dépendent des arts qui nous ont influencés. » L’art devient ici une médiation indispensable entre le réel et l’expérience esthétique, annulant l’idée d’une beauté naturelle universelle et immédiate.

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