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L'égalité des chances au collège

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Par   •  31 Mars 2024  •  Dissertation  •  3 520 Mots (15 Pages)  •  94 Vues

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         L’idée de créer une Ecole qui accueillerait les élèves de toutes origines sociales et qui unifierait structures et enseignements naît au début du XXe siècle à travers les revendications de Ferdinand Buisson et celles des Compagnons de France. C’est la loi du 11 juillet 1975 relative à l’éducation, appelée « réforme Haby » qui instaure le collège unique en France. L’objectif est de scolariser au sein d’un même type d’établissement tous les élèves de la 6e à la 3e et de leur offrir un enseignement identique.
La réflexion menée dans ce devoir concernera ce thème majeur de l’Histoire de l’Education et s’appuiera sur une citation d’un article de Pierre Merle « Collège unique, collège mythique ? », paru en 2016 dans l’ouvrage
Le collège unique, Eclairages socio-historiques sur la loi du 11 juillet 1975, sous la direction de Laurent Gutierrez et Patricia Legris.
En quoi le collège unique éprouve-t-il des difficultés à rendre effective l’égalité des chances entre les élèves malgré l’ouverture de l’instruction à tous ? Quels sont ses enjeux et dans quelle mesure le CPE ainsi que la communauté éducative peuvent-ils les redynamiser ?
Il s’agira dans un premier temps de mettre en avant le contexte historique, social et politique de la création du collège unique, la définition de ses enjeux par la réforme Haby et les critiques qui lui sont adressées. Dans un second temps, un bilan de ses réussites et de ses limites sera dressé ainsi qu’un point particulier fait sur le socle commun de connaissances et de culture. Pour finir, nous analyserons le rôle du CPE et de l’équipe éducative dans ce cadre, notamment en termes d’accompagnement humain et de travail en partenariat.



        A la fin de la III République, des tentatives émergent en faveur de la création d’un enseignement unique. Nous pouvons noter également l’idée féconde de la mise en place d’un socle commun.
Dans le cadre du collège unique, nous porterons plus particulièrement notre attention sur trois réformes : la réforme Berthoin (ordonnance du 6 janvier 1959), la réforme Fouchet Capelle (décret de 1963) ainsi que la réforme Haby (loi du 11 juillet 1975).
        Sur ordonnance, la réforme Berthoin du 6 janvier 1959, réorganise le système éducatif en transformant les centres d’apprentissage en collèges d’enseignement technique -CET- et en créant les collèges d’enseignement général -CEG-. La réforme ne touche pas à la répartition entre les collèges et les petits lycées. Les élèves des classes défavorisées ont toujours peu d’espoir de passer d’une structure à l’autre et donc leur orientation demeure déterminée dès leur entrée en 6
e. La mixité au sein des établissements est rendue systématique.
La réforme porte l’obligation scolaire à seize ans (quatorze ans auparavant), et crée les cycles d’observation en deux ans (6
e-5e). Par la suite, la scolarité sera sans cesse prolongée. Nous pouvons citer la Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 dont l’objectif est de mener « 80% d’une génération au niveau bac et 50% d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur ». Le 26 juillet 2019, avec la Loi pour une école de la confiance, le Ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer, instaure la formation jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Quel sens peut-on donner à cette scolarité obligatoire prolongée pour tous ?

Les collèges d’enseignement secondaire -CES- sont créés par décret en 1963, avec la réforme Fouchet Capelle. Ce sont des structures destinées à accueillir les élèves de la classe de 6e à la 3e. Il s’agit de constituer trois filières au sein d’un seul et même établissement : l’enseignement long et classique, l’enseignement général court qui peut être complété par l’enseignement professionnel en CET et le cycle de transition 6e/5e suivi d’un cycle terminal pratique. Les collèges d’enseignement secondaire cohabitent encore avec les collèges d’enseignement général. Toutefois, ils peuvent être considérés comme étant la matrice du collège unique que nous connaissons aujourd’hui.
Valéry Giscard d’Estaing arrive au pouvoir en 1974 à l’avènement des Trente Glorieuses. La génération du Baby-boom aspire à davantage de justice sociale et à un avenir prospère. C’est dans ce contexte socio-économique que la réforme Haby du 11 juillet 1975 institue le collège unique. Il se mettra en place dès la rentrée 1977. Par cette réforme, les CES et CEG sont unifiés ; et les filières supprimées.
        Nous verrons par la suite que le collège unique a connu un certain nombre d’autres réformes, parallèlement à l’émergence de la conception de l’élève en difficulté ainsi que de la mise en place d’un tronc commun en 2005 par la Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’Ecole.
        Comment le collège unique est-il pensé ? De par son contenu, la réforme Haby unifie les structures administratives du premier cycle en supprimant, nous l’avons souligné précédemment, la distinction entre les CEG et les CES. Sur le modèle anglo-saxon de la « comprehensive school » qui privilégie la voie générale et le passage automatique en classe de 3
e, l’orientation des élèves est repoussée de la 5e à la 3e. La réforme rompt également avec l’organisation de la scolarité en filières ; il y a désormais indifférenciation des sections. Le principe d’hétérogénéité des classes prévaut, les élèves ne sont plus répartis par niveaux. En revanche, des actions de soutien ou d’approfondissement peuvent être mises en place pour ceux qui en manifesteraient le besoin.
Deux enjeux principaux se dégagent de la réforme Haby. Le premier est d’unifier une même classe d’âge par un socle commun de connaissances, l’apprentissage de la citoyenneté et de la vie en société. Valéry Giscard d’Estaing a clairement affiché sa volonté d’élever le niveau de culture des Français, en donnant à chacun un « savoir minimal ». Le second grand enjeu  concerne le baccalauréat et l’enseignement supérieur.  Il s’agit d’en démocratiser l’accès notamment via le principe de méritocratie. Le but du collège unique est de cheminer vers l’égalité des chances ; la réussite et l’insertion professionnelle de chacun sont visées. Les origines sociales des élèves ne doivent plus être déterminantes dans leur cursus scolaire, comme en témoignait François Dubet dans son ouvrage
Les places et les chances. Le collège unique s’en donne la mission.
        Malgré ce cadre juridique fondateur, la mise en œuvre du collège unique s’est avérée compliquée. De nombreuses réformes se sont succédées pour tenter de pallier à des difficultés de terrain.
        En 1982, Louis Legrand publie un rapport sous la direction d’Alain Savary, alors ministre de l’Education Nationale. Son projet, « La rénovation du collège unique », vise à assouplir les structures et à donner davantage d’autonomie aux chefs d’établissements. Parallèlement, dans les années 80, sont créés les zones d’éducation prioritaire -ZEP- pour endiguer le phénomène de reproduction sociale au sein du système éducatif. En 1984, Jean-Pierre Chevènement affirme vouloir mener « 80% d’une classe d’âge au baccalauréat ».
L’hétérogénéité des classes commence à être remise en cause. Cela participerait à creuser davantage les écarts entre les élèves. François Bayrou propose « un nouveau contrat pour l’école » en 1994 mais ses propositions ne rencontrent pas de suite. Il qualifie alors le collège unique de « collège inique ».
La ministre Ségolène Royal confie la rédaction d’un autre rapport au sociologue François Dubet, « le collège de l’an 2000 ». A travers celui-ci, le principe de collège unique est réaffirmé. Toutefois, la nécessité d’un meilleur encadrement des élèves et d’un accompagnement des professeurs par la formation, est soulevée.
        Le collège unique devient au fil des ans, la cible de vives critiques dans le monde politique, dans le corps enseignants, à travers les médias…
La succession des réformes soulève une complexité de gouvernance. Or réformer n’est-ce pas accompagner dans la durée ? Un problème de définition semble émerger : de quel collège unique est-il question ? Tout cela concourt à l’idée que le collège est le « maillon faible » du système éducatif français.
Certains mettent l’accent sur le socle commun. Pour eux, instituer un « savoir minimal » ou un « savoir minimum » revient à minimiser les savoirs. On commence à s’interroger sur ce qui est important, essentiel d’apprendre dans le secondaire mais également comment l’enseigner.
La critique la plus vive et la plus persistante est celle que le collège unique ne participe pas à l’égalité des chances. Au contraire, pour l’opinion, il serait une institution qui reproduirait et même accentuerait les inégalités sociales au détriment des élèves issus des classes défavorisées.

        Quel bilan peut-on réellement dresser du collège unique ? Quelles sont ses réussites et ses limites ?

        La prise de conscience à la fois politique et sociétale quant au rôle important que le collège a à jouer s’avère plutôt positive. Soulignons une volonté de la part de tous de faire évoluer les choses. L’avenir du collège interpelle. Les valeurs républicaines et le désir de faire société sont réaffirmés. Philippe Meirieu dit à ce propos que « L’Ecole doit rester un lieu de découverte de l’altérité et de construction du collectif».
Les textes emploient le terme de « massification » pour évoquer l’arrivée au collège d’élèves de tous horizons. Dans son rapport de 1999, François Dubet estime que « Nous sommes loin de la catastrophe ». En effet, cette année-là, 89% des enfants d’ouvriers parviennent en classe de 3
e contre 58% en 1980. Une certaine démocratisation s’est donc opérée avec le collège unique.
Dans cet esprit, des tentatives pour apporter de l’aide aux élèves qui ne se retrouvent pas dans le système proposé ont vu le jour. La notion « d’élève en difficulté » émerge mais n’avait pas été pensée avant la création du collège unique. La volonté de pallier à ces problématiques de terrain se traduit par exemple par une autonomie plus large accordée aux chefs d’établissements. Des moyens financiers supplémentaires sont alloués aux zones les plus sensibles. Des dispositifs d’aide et de soutien sont mis en place ainsi que des missions de tutorat afin d’accompagner au mieux les élèves dans leurs apprentissages. On tente également de revaloriser l’enseignement technologique et l’alternance.
        Malgré cela, le collège unique fait face à quelques limites.
        Pierre Merle, dans son article « Collège unique, collège mythique ? », dont un extrait ouvre le sujet de ce devoir, évoque « une vision de l’école synthétisée ». Les multiples tâtonnements pour tenter de définir ce que doit être le collège unique conduisent à un manque de cadre et donc à un manque de repères.  Aujourd’hui, certains établissements sont en réelle situation de crise. On considère que pour 15 à 20% des élèves, le système a atteint ses limites et est en train d’exploser.
La ségrégation scolaire persiste et même s’amplifie. La mise en place de la sectorisation en 1963, notamment via la carte scolaire a accentué les inégalités entre les élèves. La ghettoïsation géographique existe toujours. Jean-Pierre Obin et Agnès Van Zanten montrent dans leur ouvrage
La carte scolaire, une énorme hétérogénéité selon les quartiers. Les collèges des centres-villes et les collèges des banlieues ne se valent pas. Les élèves issus des classes sociales privilégiées parviennent à échapper à la répartition de la carte scolaire en usant de dérogations ou en jouant sur le choix des options. Ils se trouvent toujours favorisés grâce au rapport de leurs parents à la culture, aux codes de l’école qu’ils maîtrisent mais aussi grâce à leur réseau. Alors que les élèves des classes sociales défavorisées semblent assignés à résidence. Les déterminismes sociaux sont maintenus dans le collège unique. On peut pour illustrer ce propos, faire référence au sociologue Pierre Bourdieu qui en 1964, dans Les Héritiers, a mis en lumière la reproduction des inégalités (ici inégalités de ressources) par le système éducatif lui-même.
        Le socle commun est souvent critiqué lorsqu’il est question du collège unique.
        Il est défini dans l’article 9 de la Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005. Il concerne tous les élèves. Il est question à travers ce socle commun, d’un rassemblement des filières à travers la maîtrise de la langue française, des mathématiques ainsi que d’une langue étrangère dans le but de faciliter l’orientation et l’insertion professionnelle de tous. Jules Ferry disait qu’il fallait « bien apprendre ce qu’il n’est pas permis d’ignorer ». Cette uniformisation des savoirs amène certains à qualifier le socle commun de « SMIC culturel ». En résumé, il participerait à tirer les élites vers le bas.
Un autre point faible du socle commun concerne les programmes. Ils seraient pensés exclusivement pour préparer les élèves à l’enseignement général. Le collège unique est en effet pointé du doigt et désigné comme « l’antichambre du lycée ». Certaines filières comme les classes technologiques finissent par devenir des classes de relégation pour ceux qui ne sont pas en capacités de suivre un enseignement général.
Le socle commun de connaissances et de culture doit-il être repensé et quel pourrait être son contenu ? Quelle doit être la place du collège unique en termes d’enseignements entre le primaire et le lycée ?

        Les réussites et les limites du collège unique ont été mises en exergue à travers cette seconde partie de développement. Constat est qu’aujourd’hui de nombreux élèves de collège sont en difficultés et en souffrance, le désarroi des professeurs face à ces problématiques est grandissant… Tout ceci entraîne une augmentation de la violence au sein des établissements et participe à creuser davantage les inégalités entre les élèves au lieu de favoriser la réussite de tous. Nous allons désormais analyser la manière dont le CPE ainsi que l’équipe de vie scolaire peuvent jouer un rôle actif dans ce cadre.

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