La Révolution de 1917 et la Révolution française dans l’historiographie
Dissertation : La Révolution de 1917 et la Révolution française dans l’historiographie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar camillejsrd • 5 Mars 2023 • Dissertation • 2 563 Mots (11 Pages) • 197 Vues
La Révolution de 1917 et la Révolution française dans l’historiographie
Jacques Godechot affirme que « l’étude critique des historiens, c’est-à-dire l’historiographie, n’est pas une seulement une science ‘auxiliaire ‘ de l’histoire, elle en est partie intégrante et même préalable ». L’historiographie, dans un premier temps, consiste à exposer les principaux historiens / auteurs ayant publié un ouvrage marquant sur la Révolution française. Pour autant, elle est loin d’être une succession chronologique ordonnée d’historiens et de penseurs politiques utilisant telle analyse, telle idée pour exprimer leur point de vue. L’historiographie, dans un second temps, consiste à examiner l’enchevêtrement de multiples références antérieures que les auteurs n’hésitent pas à utiliser pour appuyer un propos présent. De même, l’historien subit en lui-même diverses influences comme le contexte de son époque (période de guerre, période apaisée, période de crise politique, économique ou sociale, etc.) qui modèle nécessairement ses intentions.
Événement majeur de notre histoire nationale, la Révolution française de 1789 a justement fait couler beaucoup d’encre par des auteurs qui ont tenté de la penser, de la comprendre et de l’interpréter dans un certain contexte. Par ailleurs, même si la Révolution française peut être considérée comme « terminée » car passée depuis plus de deux siècles, des événements postérieures à elle peuvent lancer à nouveau le débat et contribuer à la construction de nouvelle grille de lecture.
La Révolution russe de 1917 est un exemple d’événement majeur ayant considérablement influencé l’historiographie française. Même si tout semble les opposer (dates, pays, contexte socio-économique, contexte politique, etc.) les auteurs que nous allons étudier voient en cet événement « présent » un lien indéniable avec 1789.
Pourquoi la Révolution de 1917 marque-t-elle des bouleversement succins majeurs dans l’historiographie française ?
I – L’historiographie entre 1889 et 1917 : commémorer, prolonger ou dépasser 1789 ?
- Alphonse Aulard et la tradition républicaine
L’école historiographique de A. Aulard est marquée par un engagement républicain fort, un ancrage universitaire et la valorisation de l’érudition.
Ses travaux historiques sont marqués par les enjeux modernes, notamment la réconciliation républicaine. Ainsi, il se spécialise dans les aspects politiques de la Révolution française voyant là une opportunité de défense de la consolidation du régime républicain. De plus, face à son interprétation de la Révolution se dressent de nombreuses oppositions qui contribuent à renforcer l’unité de la vision républicaine.
Il incarne une gauche qualifiée de radicale (proximité avec Clémenceau) mais finalement plutôt modérée avec l’avènement du socialisme au même moment.
La lecture aulardienne, bien que militante, permet l’entrée de l’étude de la Révolution au sein du monde universitaire.
Il obtient de la ville de Paris en 1885 l’ouverture d’un cours sur l’histoire révolutionnaire, transformé en 1891 en chaire à la Sorbonne (poste permanent d'enseignement et de recherche universitaire attribué à un enseignant) qu’il occupera sans interruption jusqu’en 1922.
Il prend également en 1888, à la veille du centenaire de la Révolution, la direction de la Société de l’histoire de la Révolution française qu’il gardera jusqu’à sa mort en 1928.
- Jean Jaurès et l’Histoire socialiste de la Révolution française
Jean Jaurès va bousculer l’historiographie française, jusque-là habituée à un même discours strictement politique et parlementaire, en publiant Histoire socialiste de la Révolution française entre 1900 et 1903. Cet ouvrage de 2 600 pages est l’un des premiers à ouvrir de nouvelles perspectives de recherches, en s’inscrivant dans un courant politique déterminé : Jaurès est, avant d’être un historien, un homme politique « socialiste ». Pour autant, il est considéré comme le cadet d’une nouvelle histoire révolutionnaire puisqu’il livre une dimension économique et sociale de la Révolution française, novation historique qui sera le socle de très nombreux successeurs (G. Lefebvre).
Autre novation : le lien indissociable que Jaurès établit entre la Révolution française, la République, le socialisme et le peuple. Jaurès veut offrir « aux ouvriers, aux paysans » une Histoire de la Révolution française. Même s’il n’est pas le premier à proposer une grille de lecture socialiste (Louis Blanc), l’introduction de la dimension économique et sociale l’affile aux références historiographiques de tradition « jacobino-marxiste ».
De même, Jaurès revendique plusieurs sources : Michelet pour le lyrisme, Plutarque pour le rôle des grandes figures et Marx pour souligner la puissance des forces sociales. Ainsi, le projet jaurésien visant à contrebalancer l’histoire politique avec le versant économique et sociale de l’Histoire se rapproche naturellement d’une lecture marxiste de la Révolution française.
II – La Révolution russe dans l’analyse de la Révolution française (1917 – 1945)
- Albert Mathiez (1874 – 1932) et l’émergence du communisme révolutionnaire
La Révolution russe d’octobre 1917 marque un tournant décisif dans l’historiographie française. En plus de bouleverser l’ordre politique européen, elle affecte les grilles de lecture de 1789 et fait de la Révolution française une forme de miroir temporel. Octobre 1917 est pensé, que ce soit pour valoriser ou dénigrer le bolchévisme, en lien avec la Révolution française. C’est ce que nous allons voir avec Albert Mathiez.
Ce qui domine chez Mathiez et qui en fait sa caractéristique première, c’est son enthousiasme assumé pour la révolution russe – d’abord en février mais surtout lors de l’épisode bolchévique d’octobre. Il est le premier en France à établir une forte analogie entre 1793 et 1917 et publie deux articles « Le bolchévisme et le jacobisme », ainsi que « Lénine et Robespierre ». Il propose une nouvelle interprétation historiographique, faisant de 1793 le début d’une révolution sociale et 1917 une relance de cette même révolution, un siècle plus tard.
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