Capitalisme et esclavage dans les colonies européennes au 18e siècle

Capitalisme et esclavage dans les colonies européennes au 18e siècle

Selon l’historien Eric Williams, auteur de Capitalism and Slavery paru en 1944, la traite des Noirs, « forme la plus avancée du capitalisme marchand », aurait été « une des principales sources de l’accumulation du capital qui, en Angleterre, a financé la révolution industrielle ». En effet, si on a l’habitude d’attribuer la révolution industrielle aux innovations techniques, l'esclavage soit l’exploitation d’un individu privé de sa liberté et le grand commerce y ont joué un rôle majeur. De fait, lorsque les Européens découvrent la traite négrière au 15° siècle, ils organisent le commerce triangulaire dont les grands bénéficiaires sont les puissances coloniales: l'Espagne, le Portugal, le Royaume-uni et la France.  L’Espagne a des colonies en Amérique du Nord, en Amérique centrale, en Amérique du Sud et à Cuba. La France en a au Canada, en Louisiane et dans les Antilles. Tandis que le Royaume-uni obtient les 13 colonies d'Amérique du Nord, le Canada (Baie d'Hudson) et la Jamaïque. Enfin, le Portugal occupe le  Brésil. L'âge d’or de ce commerce est le 18° siècle qui correspond également à la naissance du capitalisme. Le capitalisme est caractérisé par: l'entreprise privée, la liberté des échanges, le pouvoir des actionnaires, la recherche de profit considéré comme une contrepartie au risque encouru et l'accumulation du capital.  Son père fondateur, Adam Smith, statuait que l’enrichissement des nations reposent sur la division du travail et l’accumulation préalable de capital.

Ainsi, il sera intéressant de se demander en quoi l’esclavage dans les colonies européennes du 18° siècle a contribué à l’essor du capitalisme.

Après avoir démontré que l’esclavage est un outil économique de production de richesses, il conviendra d’exposer que l’esclavage est une forme de capitalisme marchand qui contribue à la première révolution industrielle et à l’essor du capitalisme en Europe.

Dans un premier temps, l’esclavage est un objet économique, producteur de richesses.

D’abord, l’esclavage au 18° est un objet économique. À la suite des Grandes Découvertes, les puissances européennes coloniales ont besoin de main d’oeuvre pour exploiter les ressources de leurs territoires. Seulement, ne trouvant plus ces ressources chez les Amérindiens et face à l'épuisement au 17° siècle du vivier des “engagés sous contrat”, européens qui travaillent dans des plantations pour un temps donné et qui au terme sont dotés d’un lopin de terre, les puissances coloniales ont recours à la traite négrière. Ils achètent des esclaves d’Afrique noire en échange de pacotilles venues d’Europe pour cultiver les plantations. Plus de 11 millions d’esclaves sont déportés vers les Amériques entre 1450 et 1869 et échangés contre du sucre, du tabac, du chocolat et du café envoyés vers Europe. C’est le commerce triangulaire. Quand tout ce passait bien, les bénéfices de ces voyages pouvaient frôler les 80%. Donc, l’esclavage est utilisé pour faire fructifier les colonies et augmenter la production de richesses de ces territoires.

        Par ailleurs, l’attrait économique de l’esclavage est la raison pour laquelle les États le soutiennent originellement. L’Europe a depuis le 15° siècle jusqu'à la Révolution française en 1789 une politique économique mercantiliste. L’une des grandes thèses du mercantilisme est l’accumulation des métaux précieux notamment dans les caisses de l’État. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir une balance favorable en exportant des produit de valeurs manufacturées et en s’assurant d’avoir des matières premières à bas prix. Ainsi, afin de s’enrichir et conformément à l'étymologie du mot (de l’italien mercante, marchand), les mercantilistes développent le grand commerce aussi dit le commerce extérieur. Le commerce triangulaire est de loin le plus fructueux. Au 18° siècle, le grand commerce est dominé par le Royaume-Uni, secondé par la Hollande suivie de la France. Le commerce international principal en France est avec les Antilles et notamment Saint Domingue qui constitue ¾ du grand commerce français dans les années 1780. Des monopoles géographique et lié au bien transportés sont également développés par le biais des compagnies de commerce afin de se fournir en matières premières tout en étant exonéré de taxes. De ce fait, les États supportent les compagnies de commerce par le biais de subventions et de privilèges. L’esclavage est ainsi soutenu et encouragé par les États européens du fait de son apport économique indéniable.

L’esclavage est donc perçu comme un outil économique au service de l’enrichissement des nations coloniales. De fait, celui-ci va produire un  capital de richesses important et va fournir à moindre coût des matières premières. Le commerce dans les colonies devient majeur et une forme de capitalisme marchand émerge alors.

Deuxièmement, l’esclavage est une forme de capitalisme marchand.

        D'une part, on constate que les compagnies commerçantes, premières actrices du grand commerce, ont une manière de commercer et d’exister qui peut sous certains aspects être qualifié de capitaliste. De fait, si on caractérise le capitalisme comme l'entreprise privée, la liberté des échanges, le pouvoir des actionnaires, la recherche de profit et l'accumulation du capital. Les compagnies de commerce répondent aux trois dernières caractéristiques. En effet, elles sont constituées sous forme de société de capitaux et émettent parfois des actions. Par exemple, la Compagnie hollandaise des Indes orientales ou Verenigde Oost Indische Compagnie (V.O.C.), créée en 1602 dont s'inspirent les compagnies de commerces européennes est divisée en 2200 actions. Ensuite, étant des compagnies commerçantes, la recherche de profit est capitale. Le profit est si important qu’il importe peu qu’il soit fait sur des vies humaines. Enfin, étant de nature mercantiliste, ce profit sert l’accumulation du capital. De plus, ces institutions disposent de privilèges et de pouvoirs comparables à un Etat comme battre la monnaie quand elles sont à l’autre bout du monde.

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