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Un prince du Xe siècle : Guillaume d'Aquitaine (993 – 1030)

Commentaire de texte : Un prince du Xe siècle : Guillaume d'Aquitaine (993 – 1030). Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  18 Juin 2018  •  Commentaire de texte  •  5 069 Mots (21 Pages)  •  2 175 Vues

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Texte 23 : Un prince du Xe siècle : Guillaume d'Aquitaine (993 – 1030)

Introduction

Le Xe siècle est le siècle de l’émergence des principautés sur le territoire français, avec notamment l’Aquitaine, région ayant vu passer des personnages importants et ayant eu un rôle majeur au fil des siècles. Nous allons nous intéresser tout particulièrement à Guillaume V, comte de Poitiers devenu duc d’Aquitaine de 993 à 1030. Il a tenu cette fonction lors du règne de Robert II dit « Robert le Pieux », souverain du royaume de France de 996 à 1031. Fils d'Hugues Capet, Robert II défie l’Église en se mariant à plusieurs reprises ; il sera excommunié par le pape en 998, auquel le souverain se soumettra en 1003. A partir de là, il affermit son pouvoir en se portant garant de la paix de Dieu. Cela ne l'empêche cependant pas de laisser libre cours à des persécutions contre les juifs et au brûlage d'hérétiques en 1022, contre l'avis de l’Église. Ce roi non apprécié de la Sainte Église est ainsi en position inférieure lorsqu'il est comparé à Guillaume d'Aquitaine, homme très pieux et très respectueux de l’Église, aspect qui sera développé au cours de notre commentaire. Plusieurs ouvrages ont été écrits à son sujet, dont l’un d’eux a été soumis à notre étude : Chronique, d’Adhémar de Chabannes paru en 1897 et publié d’après ses manuscrits. Comme son nom l’indique, cette œuvre est une chronique, c’est-à-dire qu’elle fait partie des genres historiques du Moyen-Âge servant à reconstruire la chronologie du passé ; elle n’a cependant aucune force juridique. L’auteur, Adhémar de Chabannes, né en 989 et mort en 1034, est le père de l’histoire du Limousin et l’un des premiers chroniqueurs connus : il fait preuve d’exactitude dans les faits, d’une élégance et d’un cachet de style dans sa manière d’écrire. Prêtre, il était un des plus influents personnages du monastère de Saint-Cybard à Angoulême, où il composa diverses poésies et sermons dédiés à Saint-Martial. Il est notamment connu pour l’œuvre étudiée ici, très célèbre. Divisée en trois livres, le dernier est basé sur l’Aquitaine. C’est dans ce troisième livre que nous étudierons un passage sur le Duc d’Aquitaine, dans lequel les faits sont enregistrés dans un ordre chronologique. C’est au début du XIe siècle qu’il commence le portrait de Guillaume V dit « Le Grand ». Dans ce passage, Adhémar nous dresse un véritable portait glorificateur du duc Guillaume d’Aquitaine, un personnage très important grâce à sa puissance et son prestige. Il nous fait part d’un duc très puissant au sein de son territoire avec beaucoup de pouvoir et de relations. Il fait de cet extrait une sorte de panégyrique où on a l’impression qu’Adhémar vénère le duc et nous en fait la louange.

Nous pouvons ainsi nous demander de quelle manière ce texte, malgré un parti pris évident de l’auteur, nous renseigne-t-il sur le personnage de Guillaume d’Aquitaine et l’organisation du pouvoir en France au Xe siècle ?

Dans un premier lieu, nous verrons que ce duc a plus l’image d’un roi avec de nombreuses qualités ainsi qu’une grande autorité qui s'étend au delà de son territoire. Dans un second temps, nous étudierons sa stratégie politique, notamment à travers ses relations avec l’Église, les rois et les comtes. Enfin, nous mettrons en avant les conséquences de ce pouvoir au sein des grandes familles d'Aquitaine, et la recontextualisation des faits énoncés dans le texte par un auteur à parti pris.

I – Guillaume d'Aquitaine, l'image d'un roi

A – Un portrait glorificateur

Ce portrait du duc d'Aquitaine par Adhémar de CHABANNES est un encensement : le duc y est magnifié. On retrouve en effet les termes « très glorieux », « admirable par sa sagesse » et «  très puissant » l.1 à 3. Ces vertus sont attendues chez un roi, or Guillaume d'Aquitaine n'est qu'un duc. Le terme « glorieux » renvoie au domaine militaire ; la gloire militaire est l'un des atouts qu'est censé présenter le « roi parfait », à savoir un roi militaire. Le terme de « sagesse » quant à lui nous renseigne sur le comportement du prince et sa manière de penser ; c'est un mot fort de sens à connotation philosophique, qui laisse supposer que le duc est de nature raisonnable et est modéré dans ses désirs. Là aussi, c'est une vertu attendue chez un roi. D'ailleurs, on retrouve explicitement ce parallèle entre le duc et un roi à la ligne 6 : « […] il donnait l'impression d'être un roi plutôt qu'un duc, par l'honneur et la gloire illustre dont sa personne était couverte. ». L'honneur et la gloire sont des termes, comme nous l'avons précédemment expliqué, qui renvoient principalement au domaine militaire ; le roi parfait étant un roi militaire, le duc est digne de ce titre selon l'auteur, et peut-être même selon une partie des habitants du royaume de France. En effet, toujours selon l'auteur, il remporte chaque bataille qu'il entreprend ou à laquelle il est confronté, comme il est illustré à la ligne 21 : « Les seigneurs aquitains qui, à maintes reprises, tentèrent de se révolter contre ce comte, furent tous domptés ou écrasés. ». De plus, il est dit que le duc est ami avec plusieurs rois de royaumes voisins : « […] le roi des Francs l'avait en grande amitié. Bien plus que le roi d'Espagne Alfonse, le roi Sanche de Navarre, et aussi le roi des Danois et des Angles [...] » l.8-9. Cette relation que le comte entretient avec les souverains sera développée plus tard dans le commentaire, mais nous pouvons d'ores et déjà affirmer que cela traduit une certaine puissance de Guillaume d'Aquitaine. L'auteur présente également ce dernier comme « plein d'une libérale générosité, défenseur des pauvres, père des moines, bâtisseurs de sanctuaires, ami des églises » (l.2-3). Cet aspect généreux du duc montre, une fois encore, la perfection de ce personnage.  Le placer comme défenseur des pauvres laisse penser qu'il est aimé de la majorité populaire ; de plus, il fait construire des églises, ce qui le rend populaire dans un royaume catholique.

B – Un grand pouvoir au sein de son territoire, mais pas seulement

Outre une personnalité glorieuse et proche de la perfection, comme nous venons de l'expliquer, le duc possède un grand pouvoir, qui s'étend sur la totalité de son royaume et même au delà. Cela est explicitement dit à la ligne 1, lorsque Adhémar de CHABANNES le décrit comme « très puissant ». Cela se traduit notamment lors des révoltes desquelles il est victime, comme il est expliqué à la ligne 21 : « Les seigneurs aquitains qui, à maintes reprises, tentèrent de se révolter contre ce comte, furent tous domptés ou écrasés. ». Sa puissance militaire est inégalée au sein de l'Aquitaine. Son territoire est d'ailleurs cinq fois plus grand que celui du roi de France Robert II. C'est un donc un prince qui concurrence le roi par sa puissance et l'étendue de celle-ci, bien que, selon le texte, il soit apprécié par le souverain. Guillaume d'Aquitaine a même de l'influence sur les monastères français et italiens ; c'est en effet un prince très pieux, comme il sera développé dans la seconde partie du commentaire. Sa puissance et son influence sont telles que, à la mort du roi d'Allemagne Henri II en 1024, l'Italie, sous domination allemande, demande au comte de prendre le pouvoir dans le royaume, après un refus du fils de Robert II, afin de marquer son indépendance vis-à-vis de l'Allemagne. Lui aussi refusera, de peur d'entrer en conflit avec le nouvel empereur d'Allemagne, Henri III. Il lui donnera même sa fille en mariage, en gage d'amitié. Cet épisode sera développé dans la seconde partie du commentaire. Le duc d'Aquitaine crée un réseau vassalique à travers tout le royaume de France grâce à ses châteaux ; cela témoigne encore une fois de sa puissance,  qui, en certains points, surpasse celle du roi. Le duc d'Aquitaine, également comte de Poitiers, exerçait une domination sur ses vassaux. Pour maintenir cette domination, il faisait preuve d'une véritable présence physique afin d'être respecté ; ces liens de vassalité entraient dans un contexte de féodalité qui se mettait en place, et qui permettait de montrer le jeu de force ainsi que le jeu politique du duc. Ce dernier, à l'aide de son grand ami le comte Guillaume d'Angoulême, entreprit également le siège du château de Rochemaux en 1001, près de Charroux, dans le centre de la France. Ce château appartenait au comte Boson, qui répliqua violemment à cette attaque en engageant le combat. Cependant, la force militaire du duc étant plus importante, il remporta la victoire et le comte Boson fut fait prisonnier avec sa femme. Cet épisode, expliqué des lignes 22 à 24, est à mettre en parallèle avec l'attaque que le duc a lancé avec l'aide du roi de France en personne au château de Bellac en 997. Ce siège ayant été une défaite, apparemment due au manque de vivre pour les soldats, nous pourrions en déduire, d'un point de vue personnel, que le duc est plus puissant seul qu'avec l'aide du souverain, ce qui prouve, là encore, son extrême puissance qui concurrence celle du roi. La stratégie qu'il a mis en place pour le second siège s'est en effet avérée plus efficace que celle du premier aux côtés du roi de France.

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