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Exposé, la fondation de Cluny

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Par   •  24 Janvier 2018  •  Commentaire de texte  •  3 051 Mots (13 Pages)  •  1 960 Vues

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LA FONDATION DE CLUNY

« Si la Providence de Dieu veut qu’il y ait des hommes riches, c’est afin qu’en faisant un bon usage des biens qu’ils possèdent de façon transitoire, ils méritent des récompenses qui dureront toujours », ainsi parle Guillaume le Pieux à travers la charte de donation et fondation constituant l’acte de naissance de Cluny, qu’il signe le onze septembre 909 (ou 910)* aux assises de Bourges dans le comté de Berry (une des possessions de celui-ci) en présence de son épouse Engelberge, son neveu Guillaume, l’archevêque de Bourges Madalbert, les évêques Adalard et Atton ainsi que trente-sept autres témoins. Guillaume le Pieux (né vers 875, mort en 918), surnommé ainsi du fait de sa générosité envers les églises et plus particulièrement en raison de la fondation de Cluny, duc d’Aquitaine et comte de Mâcon est un puissant aristocrate et possède donc une immense principauté qu’est ce qu’on nommait alors l’Aquitaine formée par son père Bernard Plantevelue en profitant de l’affaiblissement des monarchies. En effet, dès la fin du 9ème siècle, le pouvoir carolingien, qui doit faire face aux incursions scandinaves, hongroises et sarrasines, est en difficulté et peine à asseoir son autorité au profit de membres de l’aristocratie, dont les ancêtres ont reçu des charges comtales et parfois même des fonctions militaires (leur donnant le pouvoir sur plusieurs comtés) et qui possède en outre une richesse foncière considérable, qui concentrent entre leurs mains la réalité de la puissance. Ils rassemblent comtés et domaines, de « grandes principautés » qui sont en fait des Etats qui gardent les structures politiques carolingiennes. L’évolution de l’Eglise au Xème siècle est donc indissociable de ces transformations politiques. Ainsi la désintégration de l'ordre public provoque l'accaparement par les laïcs (ducs, comtes, seigneurs) des biens ecclésiastiques. Dans l'ensemble de l'Occident, souverains et seigneurs nomment eux-mêmes les évêques ou exercent de fortes pressions pour imposer leur candidat. D'où le relâchement des mœurs et les deux grands maux du temps : la simonie (trafic et vente des sacrements, des dignités et des objets ecclésiastiques) et le nicolaïsme (dépravation des mœurs du clergé, se manifestant notamment par le refus du célibat). Même une partie du clergé régulier tombe sous la tutelle du pouvoir laïc (c’est pourquoi les clercs s'insèreront dans le système féodo-vassalique afin de défendre leurs domaines fonciers). Tout cela ne prête pas au respect de la règle bénédictine, néanmoins, le début du 10ème siècle marque l’émergence de foyers réformateurs et certains Grands laïcs contribuent aux réformes de l’Église. En somme, on assiste à une montée en puissance de l’aristocratie, ces puissants se retrouvent à la tête de grandes principautés et s’accaparent les biens de l’Eglise qu’ils gèrent comme des domaines. Dans cette charte, Guillaume le Pieux justifie sa donation et établit le fonctionnement du domaine, qui se trouve dans le comté de Mâcon, en Bourgogne.

Nous allons nous demander quelles sont les clauses de la charte de donation et fondation de Cluny et en quoi font elles de l’abbaye de Cluny un model original ?

Dans un premier temps nous nous intéresserons à la donation du domaine de Cluny par Guillaume le Pieux, la donation en elle même ainsi que les motifs d’une telle donation (exprimés explicitement ou cachés). Puis nous nous pencherons sur les bases de la future abbaye, que sont la protection du Saint Siège, la règle de St Benoît ainsi que la nomination de l’abbé Bernon, stipulées dans cette charte.  

Le domaine de Cluny est une grande propriété rurale exploitée selon le mode carolingien. Une partie du terroir, cultivée ou simplement aménagée (pour la chasse, la pêche, le bois) au seul usage du maître, constitue le mansus indominicatus (manse du seigneur) ou réserve, avec un établissement qui en est le centre administratif : la cour ou le courtil. Le reste est réparti en tenures ou manses (terre cultivée par un affranchi) confiées, donc, à des paysans (libres ou serfs), qui les travaillent et donnent une part de leurs récoltes au propriétaire et en des pièces diverses, mises en culture ou non : bois, prés, chemins et routes. Il y de plus une église et des moulins. Guillaume le Pieux ne donne donc pas un territoire inhabité et inexploité, il n’entend pas y faire venir des moines pour que ceux-ci, au prix d’un très dur labeur qui les forcerait à vivre dans une rude austérité, défrichent et survivent. Il appelle des religieux à résider en propriétaires de domaines dont les produits et profits sont certainement importants et à diriger l’exploitation ainsi que ses habitants. Cluny ne comporte donc pas seulement prés, champs, vignes, bois, cours et plans d’eau, voies et chemins, terres vierges, moulins et chapelle, il comprend également des vergers et des terres fertiles et bien entretenues, situées près de la résidence du maître (appelée ouches). La donation est, de fait, largement suffisante pour que des moines construisent leur monastère sans avoir à surmonter de trop grandes difficultés matérielles. « le domaine de Cluny, qui m ‘appartient en propre, situé sur la rivière appelée Grosnes, il comprend les bâtiments d’exploitation et la réserve, ainsi que la chapelle établie en l’honneur de Marie la Sainte Mère de Dieu et de Saint-Pierre, prince des apôtres, avec toutes les dépendances, domaines, chapelles, serfs des deux sexes, vignes, champs, prés, bois, eaux et rivières, moulins, cultures et friches et tous accès, en totalité. » (l. 7 à 11)

On observe un réel désir de piété chez le duc des Aquitaines et les motifs d’une telle donation sont apparemment clairs. Il prend d’abord en considération le fait que ceux auxquels Dieu accorde la puissance et la richesse se doivent d’aider les moines et, à travers eux les pauvres (bien qu’on puisse ne pas comprendre de quelle manière il apprécie en conscience sa richesse et son aumône). Aussi, en demandant l’observance de la « meilleure » règle (bénédictine), le donateur se montre soucieux des obligations de la religion et des intérêts spirituels de la société chrétienne : il mérite dans un sens le qualificatif de pieux. Enfin Guillaume prouve pour le moins qu’il se préoccupe de son âme, en effet, parvenu à un certain âge (et sentant peut-être sa mort prochaine) il pense racheter ses fautes en accomplissant l’œuvre d’expiation et de charité, qui était regardée comme la plus méritoire de toutes, c’est à dire en fondant un monastère. Il précise dans la charte que sa donation doit servir à son salut et au salut des siens, de sa famille, de ses fidèles, donc il manifeste par là qu’en aidant l’Eglise et les hommes d’Eglise, en assistant les entreprises de christianisation, il espère obtenir la clémence de Dieu au Jugement dernier, obtenir la réduction grâce à ses œuvres du temps purgatoire. Car l’indulgence divine, ce n’est pas seulement Guillaume qui la sollicite par son geste de générosité, ce sont et ce seront bien davantage, espère-t-il, les moines intervenant par leur prière perpétuelle, prière qui sera susceptible, en outre, d’attirer la grâce divine sur tous les chrétiens de toute l’Histoire pendant leur vie terrestre (ce que l’on retrouvera dans la piété et spiritualité clunisiennes).

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