Territoire Marocain
Mémoires Gratuits : Territoire Marocain. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar khoukhati1990 • 25 Octobre 2014 • 2 208 Mots (9 Pages) • 856 Vues
Le territoire, un vaste enjeu pour la gouvernance
Entretien. Avec Nadia Bernoussi, Professeur de droit constitutionnel à l'ENA, à l'ISA et à l'Ecole de perfectionnement des cadres du ministère de l'Intérieur à Kenitra.
Vice-présidente de l'Académie internationale de droit constitutionnel, membre du Comité exécutif de l'Association internationale de droit constitutionnel.
Quelle Région voulons-nous ? Pour quelles fins ? Va-t-on alourdir davantage les structures territoriales déjà en place avec un échelon de décentralisation administrative supplémentaire, un autre étage de gestion ou allons-nous réfléchir en termes de rupture, de réforme structurelle de fonds préconisé par le Souverain, de différence de nature et non plus de degré, allez on va le dire en termes de limitation de souveraineté ? En d'autres termes, sommes-nous prêts à nous engager dans une logique de régionalisation politique ? Telles sont quelques-unes des questions importantes posées par Nadia Bernoussi dans son intervention. Le colloque de l'Amicale des ingénieurs des ponts et chaussées a été l'occasion de débats passionnants de praticiens et de spécialistes de droit constitutionnel. Pour partager l'information sur une question d'avenir majeure pour le Maroc, nous avons fait appel à Nadia Bernoussi. Entretien
LE MATIN ÉCO : Dans votre intervention qui a servi de note préparatoire au colloque des ingénieurs des Ponts et chaussées vous vous êtes posé, dès le départ, une question de fond, la régionalisation induit-elle une forme nouvelle d'Etat ou une forme transitoire entre Etat unitaire décentralisé et Etat fédéral, stade, étape intermédiaire que l'on pourrait qualifier Etat autonomique ou Etat des autonomies ?
NADIA BERNOUSSI : Ma réponse était claire, il fallait régler avant tout débat, la forme juridique de cette étape en rappelant que l'Etat régional reste un Etat unitaire, indivisible, mais qu'il se distingue de l'Etat décentralisé par la dualité de sources normatives débouchant sur un véritable pouvoir législatif régional. Il faut aussi indiscutablement mentionner le rôle important joué par les cours constitutionnelles dans le règlement des conflits inévitables entre le centre et la périphérie. Ensuite, il est loisible de souligner que l'Etat régional reconnaît une autonomie politique au profit des régions qu'il dote d'institutions quasi politiques. Cependant, il s'agit d'une autonomie somme toute relative, dans la mesure où elle est encadrée par les juges et qu'elle est justiciable d'une seule constitution car le pouvoir central comme on dirait garde la main ou pour reprendre une célèbre formule de Kundera, on pourrait parler à cet égard de l'insoutenable autonomie du politique.
Le territoire constitue, tout le monde en convient, un vaste enjeu pour la gouvernance. Elément constitutif clé de l'Etat, l'espace territorial jugule les passions et concourt à donner un sens à l'idée de nation, et à celle de patrie. Aujourd'hui un simple regard sur la scène internationale met en exergue deux situations fréquentes et apparemment paradoxales ;d 'une part des regroupements, fusions ou intégrations d'Etats( tels que l'Union européenne) d'autre part des mouvements irrédentistes, autonomistes pouvant aller jusqu'à la sécession.(Tchétchénie, Basque, Kurdistan, Kosovo..).
Qu'en est-il pour le Maroc ?
Le Maroc n'est pas resté en marge de cette dialectique en regardant sans succès du côté de l'UMA et en expérimentant avec détermination mais à son propre rythme la régionalisation. Consolidée par les réformes constitutionnelles et législatives intervenues en 92 et 96, la question régionale se repose au Maroc aujourd'hui avec force, portée par trois mouvements :un mouvement international qui fait la connexion entre la proposition marocaine du plan d'autonomie du Sahara dans le cadre de la souveraineté du Royaume et son prolongement interne lié à une redéfinition constitutionnelle des statuts et pouvoirs de la région, un mouvement interne récurrent tendant à faire le lien entre régionalisation, démocratie et subsidiarité et un mouvement local qui fait la jonction entre le centre et la périphérie dans le cadre de la territorialisation des politiques publiques exigence qui s'exprime en contre-pieds de l'ancien modèle jacobin fortement centralisé.. Par «territorialisation des politiques publiques», il faut entendre non seulement des efforts de péréquation spatiale ou un renforcement des compétences des entités territoriales, mais surtout des «diagnostics inclusifs» qui devraient faire la part des atouts, déficits, besoins et attentes des toutes les parties prenantes, un des mérites de la gouvernance étant d'avoir éclaté la notion d'acteur de développement qui englobe désormais les communautés de base, l'associatif, les médiateurs de développement (institutions locales comme l'Agence du Sud, etc.)
Ces évolutions impliquent elles un désengagement de l'état ou un changement dans ses prérogatives ? Moins d'état, mieux d'état ?
Si la logique régionale implique un Etat central humble, les choix développe mentalistes ont leur exigence dont l'engagement dans une mise à niveau juridique économique et sociale qui implique un Etat dynamique, interventionniste, stratège, régulateur et développeur, à l'opposé de l'Etat frêle, discret ou svelte défendu par l'école classique de l'Etat de droit. Par ailleurs et la question n'est pas secondaire, la régionalisation a un seuil au-delà duquel l'unité territoriale risque d'être remise en cause. La gestion de ce risque est à prendre en considération.
Il est topique de constater qu'au Maroc, ce n'est qu'à l'aune du mémorandum de 96 que la Koutla évoquera la région en tant qu'outil de consolidation de la démocratie locale dans son paragraphe 5, dernier tiret et que ce n'est pas rien non plus de souligner que la loi sur la région a été votée à l'unanimité. En somme, si la filiation idéologique reste difficile à cerner, le concept séduit aujourd'hui tous les courants et traverse l'ensemble des familles politiques qui y ont perçu toute la charge légitimatrice et démocratique. Bien plus, tout le monde s'accorde sur le fait que l'efficacité et l'équilibre régional ne peuvent être atteints que si l'on
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