Nomade Ou sédentaire ?

Dans le Survenant, l’auteur idéalise la vie sédentaire à travers la sécurité que ce mode de vie apporte aux habitants du Chenal Du Moine. En effet, il est clair tout au long du roman que la sédentarité apporte un sentiment de sécurité notamment parce qu’elle permet d’établir des liens forts et durables. L’extrait qui suit est très révélateur à ce sujet : « Quelque chose de grand et de nostalgique à la fois, quelque chose qu’il n’avait jamais ressenti auparavant remuait en lui, qu’il eût aimé partager, même dans le silence, soit avec Didace Beauchemin, soit avec Angélina Desmarais […] » (P.64) Puisqu’il s’agit de quelque chose qu’il n’avait jamais ressenti auparavant, on peut croire que l’émotion que ressent le Survenant découle de sa nouvelle vie et non de son passé nomade. De plus, le désir de partager cette émotion avec Didace et Angélina démontre qu’une vie sédentaire permet de créer des liens forts avec les gens ce qui permet de partager plus aisément ses émotions et de pouvoir compter sur les autres dans des moments difficiles. De plus, la possession d’une terre permet la production de nourriture et par le fait même d’être en mesure de subvenir à ses besoins. Tout au long du roman, il est possible de voir l’importance de la terre et de l’agriculture : « Il se retourna et jeta un lent regard au bien des Beauchemin. De ses petits yeux bridés à la façon du renard en contemplation devant une proie, il en mesura la richesse : vingt-sept arpents, […] ». (p.25) La comparaison que fait l’auteur entre le regard que porte Pierre-Côme Provençal à la terre des Beauchemin à celui du renard qui contemple une proie permet de mettre en évidence l’importance de la terre qui est source de nourriture. Dans le même ordre d’idée, la possession d’une terre permet d’assurer la lignée familiale en léguant la terre à ses enfants. L’extrait qui suit montre l’importance de la terre : « […] Didace, a fait sa large part pour la famille d’un amour bourru et muet, mais robuste et jamais démenti. Les bâtiments neufs, solides, de belle venue, qui les a érigés, sinon lui? La pièce de sarrasin qui l’a ajoutée à la terre?[…] »(p.29-30) Il est clair dans cet extrait que Didace ressent une fierté et un sentiment du devoir accomplis avec tout le travail qu’il a fait pour améliorer la terre qu’il lèguera à son fils qui lui procurera travail et nourriture.

En conclusion, il est possible d’affirmer que dans Le Survenant, la vie sédentaire est effectivement idéalisée. En effet, ce mode de vie apporte une sécurité en établissant des liens forts et durables entre les habitants en plus de permettre une certaine autonomie alimentaire et d’assurer l’avenir familial en léguant la terre. De plus, l’idéalisation de la sédentarité se fait par la dévalorisation de la ville et du mode de vie nomade. En ce sens, la ville est considérée comme une tentation de tomber dans les vices que sont l’alcool et l’endettement, alors que les nomades sont dévalorisés par le manque de racines, et la dépendance aux autres. Bien que la sédentarité était bien ancrée et présente en 1946, date de parution du roman, le personnage du Survenant reflèterait-il le désir de changement et de liberté du peuple québécois?

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