A. Mayer : La persistance de l’Ancien Régime, L’Europe de 1848 à la Grande Guerre
Commentaire de texte : A. Mayer : La persistance de l’Ancien Régime, L’Europe de 1848 à la Grande Guerre. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Dominique Mpanda • 3 Mai 2016 • Commentaire de texte • 3 048 Mots (13 Pages) • 1 588 Vues
A. Mayer : La persistance de l’Ancien Régime,
L’Europe de 1848 à la Grande Guerre
Résumé de l’œuvre :
En 1887, c'est-à-dire 17 ans avant le début de la Première Guerre mondiale et avant la constitution du système des alliances, Engels prévoyait qu’un futur conflit entre les grandes puissances ne saurait être autre chose qu’une « guerre mondiale d’une ampleur et d’une intensité insoupçonnées jusqu’ici ». La Première Guerre mondiale débute à la suite de l’assassinat de l’héritier du trône des Habsbourg, l’archiduc François-Ferdinand et de sa femme, à Sarajevo en juillet 1914. Mais les causes de la Grande Guerre ne peuvent pas être réduites à cet évènement : le premier conflit mondial du XXème siècle fut l’aboutissement d’un contexte de crise, tant international qu’interne aux pays belligérants et non la simple réaction à l’assassinat de François-Ferdinand d’Autriche. Pour beaucoup d’historiens la Première Guerre mondiale fut le résultat de l’ascension de la bourgeoisie en Europe, de la volonté des industriels et des financiers d’étendre leur pouvoir grâce à un conflit. Arno Mayer soutient au contraire que c’est l’Ancien Régime qui fut responsable de la Grande guerre, c'est-à-dire que la Première Guerre mondiale fut le résultat de la permanence contestée mais réelle des structures politiques, sociales et culturelles de l’Ancien Régime.
L’analyse d’Arno Mayer se construit autour de trois hypothèses initiales : la première hypothèse voit la Première Guerre mondiale reliée comme par un cordon ombilical à la Seconde Guerre mondiale, ces deux conflits constituant la guerre de Trente ans de la crise générale du XXème siècle. La deuxième hypothèse développée par Arno Mayer considère la Grande Guerre, phase initiale et embryonnaire de cette crise générale, comme la conséquence de la remobilisation des Anciens Régimes d’Europe. Elle serait de plus l’expression de la décadence et de la chute de l’ordre ancien plutôt que la manifestation du capitalisme industriel. Enfin la troisième hypothèse d’A. Mayer décrit l’ordre ancien en Europe comme étant essentiellement pré-industriel et pré-bourgeois. Le but de Mayer poursuivi tout au long de son ouvrage est de démontrer par des chiffres et par l’étude des pays qui s’opposeront lors de la Première Guerre mondiale, que jusqu’en 1914 les forces d’inertie et traditionnelles de l’ordre ancien ont contenu cette nouvelle société en expansion dans les limites des Anciens Régimes qui dominaient le paysage historique de l’Europe.
Mayer entreprend pour cela un panorama de la situation sociale, politique et culturelle de l’Europe en général mais aussi séparément de chaque pays qui sera impliqué dans la Grande Guerre.
Il commence par étudier les économies des différents pays d’Europe dans le but de prouver la permanence de l’Ancien Régime dans les trois secteurs de l’économie c'est-à-dire dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Dans le secteur primaire tout d’abord, il évoque la prédominance de l’agriculture jusqu’en 1914. L’agriculture et la terre représentent encore en Europe une plus grande proportion du PIB que tout autre secteur sauf au Royaume-Uni et elles seraient certes en perte de vitesse face à l’industrie et aux capitaux mobiliers mais ne seraient pas menacées de disparition. Les gros propriétaires gardent l’ascendant sur tous les plans et la propriété foncière reste la principale source de revenus et de fortune mais aussi du prestige social et de la prééminence culturelle et politique de la noblesse, qui représente la majorité des grands propriétaires, excepté en France. Dans le secteur secondaire, Mayer évoque la permanence de la manufacture traditionnelle des biens de consommation (composée des quatres branches du textile, de l’alimentation, du cuir et du bois), celle des biens d’équipement étant certes en expansion mais encore dominée jusqu’en 1914. Enfin dans le secteur tertiaire, c’est le petit commerce qui prévaut encore sur les grands magasins dans l’Europe d’avant 1914.
Arno Mayer continue sa démarche en étudiant les classes dominantes dans les sociétés européennes avant 1914. Il démontre que la noblesse conserve son hégémonie face à la bourgeoisie des affaires, certes montante, mais manquant d’une assise sociale et culturelle cohérente et solide. Ainsi la noblesse de fonction et la noblesse terrienne, unies par des liens étroits, dominent encore jusqu’en 1914 les sociétés européennes, la classe bourgeoise se décidant à les imiter en attendant et en espérant s’y faire admettre.
A. Mayer se penche ensuite sur les classes dirigeantes et la société politique des pays d’Europe. Il reprend et utilise les thèses de penseurs tels Marx et Engels pour qui la société est devenue de plus en plus bourgeoise tandis que l´ordre politique est resté féodal. Citant Schumpeter également, les noblesses terrienne et de fonction préserveraient leur suprématie politique c'est-à-dire leur rôle dirigeant alors que la classe dominante serait une symbiose active entre noblesse terrienne et bourgeoisie. Ainsi, il y aurait une disparition juridique de la féodalité mais une survivance des forces sociales, des coutumes et de l’influence politique de la noblesse et de l’Ordre ancien. La permanence de l’Ancien Régime avant 1914 se traduit également par la continuité des rituels publics et royaux à travers des cérémonies fastueuses, tels des couronnements, des funérailles ou encore des jubilés. Les Chambres hautes quant à elles sont un élément de plus dans la conservation de l’Ordre ancien dans la mesure où elles constituent un frein à la modernisation. En effet, à l´exception de la France, aucune n´est élective : les pairs sont nommés par le roi. Et les Chambres basses quant à elles, destinées à promouvoir une meilleure représentation, comportent de graves défauts et se trouvent en état de siège. La domination des Chambres hautes aboutit alors à un poids et à une représentation disproportionnés des zones rurales, principaux bastions du conservatisme et de la noblesse terrienne. Mais la permanence de l’élément féodal se situe également dans les bureaucraties civiles et militaires : certaines branches du service de l’Etat demeurent en effet dominées par les vieilles noblesses, la petite noblesse convoitant d´autant plus les hautes charges publiques qu´elle perd progressivement son emprise terrienne. Ainsi, le déclin relatif de la noblesse et de la société terrienne serait compensé par le soutien de la société politique à travers la prédominance de la noblesse au sein de l’administration centrale et grâce au Roi et à la Cour qui, excepté en France qui devient une République en 1871, constituent un point de ralliement entre les noblesses terrienne et de fonction et le pouvoir politique.
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