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Journal de lettre d'un soldat de la première guerre mondiale

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Par   •  24 Avril 2018  •  Dissertation  •  2 640 Mots (11 Pages)  •  1 318 Vues

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Lettres à ma fille

Ma chère fille,

Si tu vois cette lettre c’est que je ne suis plus de ce monde. Je regrette de ne pas t’avoir vu grandir, de ne pas t’avoir connu. Lorsque je me suis engagé en tant  que soldat de première classe dans le 279è  régiment d’infanterie tu n’étais qu’un bébé de deux ans. J’y ai retrouvé Auguste mon ami de toujours et frère d’arme. Je t’écris ces lettres mais je vais les cacher pour éviter que la censure ne les brule, je veux tout te raconter mon ange, je veux que tu saches pourquoi ton père ne t’a pas vu grandir, pourquoi il n’était pas là pour aider ta maman avec la ferme, pourquoi il vous a laissé toutes seules pendant toutes ces années. Si je meurs, Auguste les remettra à ta mère, elle te les lira quand tu seras en âge de comprendre. Si je survis alors je te raconterai tout de ma propre voix. Ma petite Alice l’histoire que je vais te raconter n’est pas comme les histoires que maman te racontait le soir avant de t’endormir, celle la est, je pense, l’histoire la plus meurtrière de toute l’histoire de la France, c’est l’histoire de ton père ma chérie. La première guerre mondiale.

Je t’aime

Ton père, Léon

Ma chère Alice,

Lorsque je suis arrivé au bureau de recrutement de Seine, j’ai donné mon nom, mon prénom, ma date et commune de naissance, enfin toutes les informations dont ils avaient besoin pour m’identifier. Une fois cet entretien fini ils m’ont amené dans une chambre où on trouvait 5 lits de camp tous occupés, le 6è était vide : c’était le mien. C’est la que j’ai retrouvé mon ami d’enfance Auguste, il était accompagné de Charles, Jules, Gaston, Tristan tous des hommes ayant abandonné leur famille pour s’engager dans la guerre sauf Jules, lui avait 17ans il sortait du petit lycée et n’avait aucune idée dans quoi il s’engageait. Aucun de nous ne le savait vraiment. Notre chef de régiment est arrivé afin de nous exposer les règles à suivre :

  1. Ne pas déserter sous peine de sanction
  2. Ne pas se mutiler sous peine de sanction
  3. Suivre coute que coute les ordres sous peine de sanction
  4. Ne pas chercher à éviter le combat sous peine de sanction
  5. Aucun message pacifique, aucune position précise, et aucune description des conditions de vie dans les tranchées ne devait apparaître dans les lettres sous peine de sanctions

Une fois ces règles données, il nous a tendu notre uniforme. Nous l’avons tous enfilé et nous nous sommes mis au garde à vous. Nous avons reçu nos armes puis il nous a laissé seuls. C’est la que Jules a fondu en larmes, le pauvre petit, il avait si peur. J’avais aussi peur que lui, nous avions tous extrêmement peur. C’est à ce moment que j’ai eu l’idée de tout t’écrire, pour toi, pour que tu saches ce que j’ai vécu.

        Le lendemain nous nous sommes retrouvés sur le front. Il n’y a pas pire endroit au monde, même l’enfer aurait été un endroit plus agréable. Notre uniforme pesait une tonne et nos jambes s’enfonçaient dans la boue. On entendait des coups de feu, des pluies d’obus, des cris, des pleurs. Jules, tremblant de peur, marchait à mes côtés, j’essayai de le rassurer tout en essayant de cacher ma propre peur. Je te jure mon trésor, je ne pense pas qu’il existe une peur plus grande : la peur de mourir est de loin la plus immense. Quand tu es sur le champ de bataille, chaque seconde compte, un seul pas peut te détruire. C’est à cause d’un faux pas que Gaston est mort. Il marchait devant nous, tirant sur tout ce qui bougeait, quand il a marché sur une mine. Son corps fut projeté dans les airs, je regardai ses membres disloqués, effaré, je sentais mon corps trembler, ma vue se brouiller, je m’approchai de Gaston, de ce qu’il restait de lui. Il me regarda dans les yeux, assembla ses dernières forces et me dit « Prends soin d’eux, Léon, faites attention à vous », il est mort dans mes bras. Je me suis retourné, j’ai regardé mes camarades, les larmes aux yeux, Jules s’est approché m’a pris par les épaules, me fixa quelques secondes et déclara « «Nous devons continuer, on ne peut plus rien pour lui. Les boches lui ont pris sa vie ne les laissons pas prendre la notre. », après ces quelques mots nous sommes repartis, toujours dans la boue.

Ma chère Alice,

Deux semaines après la mort de Gaston, aucun de mes camarades ne l’avait suivi. Nous nous étions découvert une petite routine : le matin nous nous réveillons dans les camps, nous mangions notre déjeuner composé de pain sec et de rhum, tous ensemble. On allait sur le front toujours avec la même peur au ventre. Tu dois surement te demander si j’ai tué. Et bien oui je l’ai fait mais tu sais la première fois que ça m’est arrivé, j’étais caché dans un trou d’obus, je faisais le mort, quand il a eu la même idée que moi. Nous nous sommes regardés dans le blanc des yeux, c’était lui ou moi. J’ai tiré le premier, j’ai vu ses yeux s’éteindre. C’est alors que j’ai réalisé que j’avais tué cet homme. Mais je ne pouvais rester, je devais partir. Je devais reprendre ce train-train quotidien : marcher, tirer, se cacher, marcher, tirer, s’allonger au milieu des cadavres, c’était devenu un automatisme. On ne réfléchissait même plus, nous étions devenus les pantins de nos généraux, tels les pions d’un jeu, un jeu mortel pour des pions si insignifiants. Une fois la journée finie, nous ramassions les corps, rentrions dans nos camps, nous mangions : toujours du pain sec et du rhum, de temps en temps nous avions des boites de conserves que nous mangions froides. Quand nous avions vraiment plus rien à manger il nous arrivait de manger les rats qui  vivaient dans les tranchées. Puis nous avions « quartier libre » pendant une heure, une heure de repos, une heure de liberté où l’on pouvait jouer au cartes, chiquer du tabac, écrire à nos proches, ce que je fais actuellement à toi mon cher enfant, toi ma petite Alice, le trésor de ma vie. Et la routine reprenait comme si on revivait  la même journée indéfiniment, une journée sans fin.

Ma chère Alice,

Charles et Tristan sont morts. Le 15 septembre 1916, nous étions à Verdun. Cette bataille a duré plus de 9 mois, je n’avais jamais vu autant de cadavres de toute ma vie. Il y avait tellement de corps qu’on ne voyait plus où on marchait. La fumée me brulait les yeux, les bruits d’explosion résonnait jusqu’au plus profond de moi. J’ai senti quelqu’un me tenir la jambe, je suis tombé, quand je levai la tête j’ai vu un obus passer à l’endroit où ma tête se trouvait trente secondes plus tôt. Je me retournai et découvris Charles étendu, il lui manquait une jambe. Son visage défiguré par la douleur, il me regarda les yeux brillants et  me supplia de lui porter le coup fatal. Je le regardai, étouffant un sanglot, pris une grande inspiration, fermai les yeux et lui tira une balle dans la tête. Je me sentais si vide, comme si une part de moi était partie avec lui. J’avais déjà tué quelqu’un mais c’était des personnes que je n’avais pas côtoyées quotidiennement pendant plus d’un an. Tuer un de ses camarades n’est pas la même chose que tuer quelqu’un dont on ne connaît ni le nom, ni l’histoire. Je connaissais la vie de Charles, je savais qu’il avait une femme et deux enfants qui espérait son retour plus que tout. Je regrettais tellement ce que j’ai fait, je sentais les larmes me monter aux yeux, je n’avais plus la force de marcher quand je sentis quelqu’un me relever, Jules. Ce cher petit, si brave, si courageux, la guerre l’a beaucoup endurci. Il m’emmena dans un bois, à l’abri de ce chaos. Il me donna à boire, me parla doucement avec des paroles d’hommes, réconfortantes, il me rassura, me dit que j’avais fait le bon choix, que c’était ce que Charles voulait, grâce à moi il n’avait pas souffert autant que si je l’avais laissé, qu’il n’aurait pas survécu de tout façon : sa blessure était beaucoup trop grave. Il semblait si mur que je me demandais lequel de nous deux avait 17 ans. Il m’aida à me relever et nous sommes repartis pour de nouveaux combats, de nouvelles morts, de nouvelles culpabilités…

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