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Commentaire La bulle Per Venerabilem, Innocent III, 1202 (J.-M. Carbasse, G. Leyte, L’État royal (XIIe-XVIIIe siècles). Une anthologie, Paris, PUF, 2004, p. 23-25)

Commentaire de texte : Commentaire La bulle Per Venerabilem, Innocent III, 1202 (J.-M. Carbasse, G. Leyte, L’État royal (XIIe-XVIIIe siècles). Une anthologie, Paris, PUF, 2004, p. 23-25). Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  1 Mai 2021  •  Commentaire de texte  •  2 824 Mots (12 Pages)  •  1 694 Vues

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D’après Jean François Lemarignier, un historien français du XXe siècle, la souveraineté royale peut être définit comme la « supériorité du roi dans le royaume à l’encontre de tous et à laquelle tous sont soumis; elle a le caractère d’une puissance suprême ne se limitant pas au monde des vassaux mais s’entendant à tous les habitants du royaume ». Ainsi, le pape dans cet optique va affirmer la plénitude de la puissance royale.

En 1202, le pape Innocent III promulgue une bulle ecclésiastique, un acte normatif de la papauté rédigé dans un style qui conservent les usages du bas-empire romain. Un texte traitant de la prérogative temporelle du roi relevant de sa compétence. Ici, le pape reconnait que le souverain est le roi, car nul ne lui est supérieur et nul autre que lui ne peut régler des questions de droit privé. En soi, ce texte est à destination du seigneur de Montpellier qui avait sollicité Innocent III d’une demande de légitimation de ses enfants. Cela en reprenant à titre de précédent la légitimation par le pontife des enfants du Capétien Philippe Auguste. C’est à cette occasion que le pape réaffirme la fonction et la supériorité de la royauté.

Un décrétale du pape qui caractérise sa volonté de s’immiscer dans les conflits d’autres États, tel que celui entre le Roi de France et Jean sans Terre. A travers ses lettres, ses sermons et ses bulles, se développe une doctrine théocratique cohérente de la plenitudo potestatis qui confère au pape une puissance illimitée. Née en 1160 à Gavignano en Italie il meurt en 1216, Lotario di Seni est élu pape le 8 janvier 1198 et prend le nom d'Innocent III. Un ancien étudiants de l’Université de Paris qui chercher à répondre sa pensé de la « République Chrétienne et universelle ». Considéré comme l’un des plus grands papes du Moyen-Âge, Innocent III ambitionne de soumettre les souverains à l'autorité pontificale par auctoritas et revendique la primauté de l'Église sur la société séculière. Innocent III limite l’intervention du pape dans le domaine temporel à trois cas : un grave péché des princes, la défense des biens ecclésiastiques et la nécessité de trancher dans un domaine où nulle juridiction n’est compétente. Ce dernier cas se retrouve dans la décrétale Per Venerabilem.

Par ailleurs, cette décrétale s’inscrit dans un contexte historique en concomitance avec la naissance du Saint-Empire germanique en 962. Très vite, va s’affirmer une idée virtuelle au sein de cet empire : il y a, en occident, un espace politique dirigé par un empereur. Ainsi, un projet de domination universelle prend place parmi les empereurs germaniques qui vont se succéder. Le roi de France va combattre ces prétentions en engageant une défense l’indépendance capétienne. S’amorce alors un combat doctrinal et juridique entre deux camps : les juristes du roi de France et les juristes de l’empereur germanique. Ce combat fait alors naitre un contexte juridique agité. En effet, les juristes de l’empereur du Saint-Empire germanique vont faire du projet de domination universelle des empereurs germaniques qui se sont succédés une réalité lorsqu’au XIIe siècle le droit romain est redécouvert. Cela va fournir aux juristes du Saint-Empire des outils doctrinaux afin de soutenir les ambitions impériales. Au final, ils en viennent à reconnaître une primauté de l’empereur sur tous les autres rois de l’occident (il est le « dominus mundi » et il est assimilé à la « lex animata »). Les juristes du roi de France vont répliquer pour défendre l’indépendance du royaume et celle de l’équivalence totale des dignités impériales et royales. Ils trouvent des alliés chez les canonistes qui souhaitent aussi mettre fin aux prétentions de l’empereur. La décrétale Per Venerabilem s’insère parfaitement dans ce contexte juridique. En effet, un passage de cette décrétale a permis aux légistes de France d’affirmer que le roi ne saurait en aucun cas être soumis à l’empereur.

Dans quelle mesure le traitement de la question de la légitimation par l’Eglise romaine, à travers la décrétale Per Venerabilem, rend-t-elle compte de la réalité du statut du roi de France face aux autorités impériales et ecclésiastiques au début du XIIIème siècle ? Dans cette décrétale, la réalité du statut du roi de France est donnée en filigrane par l’explication du fondement du traitement de la question de la légitimation par le Siège apostolique (I) puis elle est explicitée par la justification politique du pape sur le tranchement de la question de la légitimation (II).

I – Le fondement du traitement de la question de la légitimation par le Siège apostolique

Le traitement de la question de la légitimation par l’Eglise trouve son fondement dans l’exposition des situations à priori similaire du roi et du seigneur (A) puis par la révélation de différences canoniques entre les situations respectives du seigneur et du roi (B)

A – L’exposition des situations à priori similaires du roi et du seigneur

Le seigneur de Montpellier, Guilhem VIII (1157-1202) « par l’intermédiaire de [...] l’archevêque d’Arles » (l.1) supplie le Siège apostolique, lieu où siège le pape, évêque de Rome, et où il exerce l’autorité suprême sur l’Eglise catholique, de « décerner à [ses] fils un titre de légitimité » (l.2). Ainsi, le seigneur de Montpellier souhaite obtenir du Siège apostolique la légitimation de ses fils dits batârds car nés d’un mariage considéré comme adultère. Pour justifier cette demande, l’archevêque d’Arles a non seulement fait valoir les mérites du seigneur et ceux de ses prédécesseurs (l.15) - la dynastie des Guilhem est en effet à l’origine de la fondation de la ville de Montpellier et est reconnue pour sa tolérance - mais il fait également référence à un précédent similaire relatif au roi de France.

De ce fait, le pape explique que « notre très cher fils dans le Christ Philippe, illustre roi des Français ; a renvoyé notre très chère fille dans le Christ Ingeburge, et il a eu ensuite d’une autre femme des fils et des filles » (l. 18-19). Ici, le pape fait référence à l’épisode où Philippe Auguste (1165-1223), après avoir répudié Isembour de Danemark (1174-1236), sa deuxième femme, avait épousé en troisième noces Agnès de Méranie (1172-1201) de laquelle il a eu des fils et des filles qu’il a cherché à légitimer. De prime abord, la situation du seigneur peut paraître similaire comme l’explique le pape : « toi, de la même façon, tu as répudié ta femme légitime pour en prendre une autre, dont tu as eu des fils ». (l. 20-21).

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