La prise de Constantinople par les Croisés (avril 1204)
Dissertation : La prise de Constantinople par les Croisés (avril 1204). Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar MshanaC • 3 Novembre 2017 • Dissertation • 3 871 Mots (16 Pages) • 1 777 Vues
La Prise de Constantinople par les Croisés (avril 1204)
Les sources de la Quatrième Croisade sont abondantes. Cela illustre le fait que cette croisade joue un rôle important dans l’esprit des contemporains. En effet, elle est atypique et ne relève pas du schéma traditionnel des croisades. On voit des chrétiens combattre d’autres chrétiens et cette croisade n’atteint jamais la Terre Sainte. De nombreux artistes ont évoqué le siège de Constantinople pendant la croisade ou après. C’est le cas par exemple d’Eugène Delacroix dans son tableau La prise de Constantinople par les croisés (1840). À travers ce tableau, le peintre représente le chaos provoqué par les croisés aux chrétiens de Constantinople, capitale de l’Empire byzantin, qui sont en grande partie massacrés. Ce tableau traduit l’horreur engendrée par cette croisade.
Les croisades sont les expéditions militaires entreprises du XIe au XIIIe siècle par les chrétiens d’Occident. Cela se fait sur ordre de la papauté et a pour but de délivrer les lieux saints occupés par les Musulmans tels que Jérusalem. La ville sainte a été prise par Saladin en 1187. Cela est un choc pour la papauté et la Chrétienté. La Quatrième Croisade est entreprise après l’échec de la troisième, qui s’achève en 1192. Cette croisade est inachevée. Le roi d’Angleterre, Richard Cœur de Lion et le roi de France, Philippe Auguste rentrent sans avoir repris le Saint-Sépulcre, le tombeau du Christ. La Quatrième Croisade semble nécessaire et se situe dans ce contexte. Elle a encore pour objectif de reprendre la Palestine et l’Égypte. C’est le pape Innocent III qui en est à l’origine. Mais elle ne se passe pas comme prévu, notamment à cause des Vénitiens, qui sont en mauvais termes avec l’Empire byzantin depuis la mort de Manuel 1er Comnène en 1180.
Du côté de l’historiographie, on trouve une controverse concernant l’expédition de 1202-1204 menant à la prise de Constantinople. Les historiens se sont demandés si cette expédition constituait une croisade à part entière ou non. Hans Mayer, dans son ouvrage Geschichte der Kreuzzüge paru en 1965, définit une croisade comme une expédition appelée par le pape et ayant pour but de reprendre la Terre Sainte aux Musulmans. La Quatrième Croisade, de son point de vue, n’est donc pas une croisade. Mais une deuxième tendance avec Jonathan Riley Smith (What were the Crusades ? de 2002) et Jean Richard (Histoire des croisades de 1996) aboutit à la conclusion que cette expédition à Constantinople répond toutes les caractéristiques qui lui permettent de constituer une croisade. Ils adoptent une définition plus large de la croisade.
En quoi la Quatrième Croisade marque-t-elle une rupture dans l’esprit des croisades et quelle en est la conséquence ?
Dans une première partie, il sera question des modalités d’appel et d’initiative de la Quatrième Croisade. Puis dans une seconde, nous étudierons la prise de Constantinople lors de cette croisade. Enfin, dans un dernier point, nous définirons les conséquences de la mise à sac de Constantinople par les croisés en avril 1204.
Le pape Innocent III lance l’appel pour la croisade le 15 août 1198 à travers l’encyclique Post miserabile. Elle a pour objectif de conquérir l’Égypte. Cette dernière est une des plus riches régions de l’Orient. La conquête de l’Égypte entraine pour les Musulmans une grande perte, la puissance musulmane est donc par cette prise mise à mal. L’appel est fortement ignoré par les grands souverains européens qui après l’échec de la troisième croisade six ans plus tôt, sont réticentes à s’engager militairement contre les Musulmans. De plus, les réticences sont accrues par le contexte européen. En effet, la France et l’Angleterre sont en guerre et l’Angleterre lutte contre le pouvoir papal. De cela découle donc une faible mobilisation des souverains européens. Néanmoins, grâce au prêche de Foulques de Neuilly qui est un prédicateur français, une armée croisée se constitue. Foulques est envoyé à la demande du pape Innocent III. Certains grands comtes répondent à l’appel, dont Thibaut III comte de Champagne qui organise en 1199 un tournoi à Ecry dans le but de rassembler une armée de croisés ; le comte Louis de Blois (1171-1205) ; le comte Baudoin de Flandres (1172-1205) et le duc Eudes de Bourgogne (1166-1218). Thibaut III est élu commandant de l’armée des croisés mais il décède en 1200. Son remplaçant est un comte italien, Boniface de Montferrat (1150-1207). Pour trouver de nouvelles aides, ce dernier envoie des émissaires dont l’historien Geoffroy de Villehardouin, à Venise, Gênes et dans d’autres villes-états, pour négocier des hommes prêts pour la croisade ainsi qu’un contrat de transport jusqu’à l’Égypte. Le pape donne pour but aux croisés de s'emparer des ports égyptiens, poumon du monde arabe, en vue de les échanger contre Jérusalem, que le sultan Saladin a reconquise quelques années plus tôt. Pour le transport, on décide de faire appel aux Vénitiens. En effet, les grands d’Europe ont acquis la conviction que l’Empire byzantin est hostile à leur cause, aussi préfèrent-ils dorénavant lancer leur croisade directement en terre musulmane, sans passer par Constantinople. Baudouin, Thibaud et Louis envoient six plénipotentiaires vers Pise, Gênes et Venise, les trois plus grandes cités maritimes italiennes, pour y négocier le passage de l’armée vers la Terre Sainte. Jugeant que c’est là qu’ils trouveraient le plus de bateaux, ces représentants, parmi lesquels se trouve Villehardouin, fixent d’abord leur choix sur Venise où ils sont reçus en grande pompe à leur arrivée en février 1201. Ils y négocient le Traité de Venise. Ce dernier est signé en 1201 entre les plénipotentiaires des croisés et la République. Il indique le prix du passage, énumère les diverses clauses du contrat notamment quant aux croisés, aux chevaux, aux bateaux et au ravitaillement, et renseigne sur les conditions de paiements et le partage de l’éventuel butin. On prévoit le transport et l’approvisionnement de 33 500 hommes et 4 500 chevaux pendant un an pour la somme de 85 000 marcs d’argent avec le doge Henri Dandolo ; la Sérénissime y contribuant cinquante galères en échange de la moitié des gains. Le départ doit avoir lieu à la Saint-Jean de l’année suivante, soit en juin 1202.
L’année 1202 marque le début de la croisade au service de Venise. En 1202, l’armée croisée se réunit sur le Lido de Venise (Lido di Venezia), qui est un fin cordon littoral qui s’étire sur une douzaine de kilomètres entre la lagune de Venise et la mer Adriatique dans la région de Vénétie en Italie du nord. L’armée des croisés est beaucoup moins nombreuse que prévue. Les Vénitiens sont dirigés par le doge de Venise, Enrico Dandolo. Ce dernier refuse que les navires quittent le port sans que les croisés aient versé la totalité du montant prévu. Les croisés ne peuvent verser que 51 000 ducats sur les 85 000 ducats d’argent prévus. Le doge Enrico Dandolo propose alors aux croisés un moratoire sur leur dette soit un délai accordé par le législateur à un débiteur dont le paiement des dettes est impossible. Si les croisés arrivent à reprendre le port de Zara (actuellement Zadar en Croatie), Dandolo accepte de reporter la dette. Zara est une ancienne possession Vénitienne en Dalmatie placée alors sous la protection du roi de Hongrie Émeric, dont les terres étaient sous protection pontificale depuis sa prise de croix en 1195 ou 1196. Le doge Enrico Dandolo, lors d’une cérémonie à la basilique Saint-Marc de Venise, prête allégeance à la croisade. Cette cérémonie a un grand retentissement et met en avant le doge de Venise. Une fois la cérémonie passée, Dandolo prend le commandement de la flotte et la dirige contre la ville portuaire hongroise. Les forces en présence ainsi que les forces catholiques sont contre cette prise de Zara par Venise. En effet, le roi hongrois Emeric est catholique et accepte de rejoindre la croisade. Cette lutte fratricide entre chrétiens entraine des désistements pour le projet de croisade notamment une division commandée par Simon IV de Montfort. Ce dernier est le comte de Montfort-l’Amaury. Celui-ci et ses alliés refusent d'ailleurs d'attaquer la ville et restent dans leur campement pendant l'assaut. De plus, la ville est chrétienne et le pape ne tolère pas qu’une ville chrétienne soit attaquée par des soldats du Christ. Le pape menace d’excommunier si l’attaque sur Zara se fait. Or, la flotte arrive au large des côtes dans la nuit du 11 novembre, l’attaque est lancée. Le 24 novembre 1202, la ville capitule. Les habitants ont la vie sauve mais leurs biens sont partagés entre croisés et Vénitiens. Le pape, indigné, adresse une bulle d'excommunication aux uns et aux autres. Les Francs demandent alors le pardon au Saint-Père qui le leur accorde, mais les Vénitiens, impénitents, refusent tout acte de contrition et demeurent sous le coup de l’excommunication.
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