Commentaire de Document sur les Laudes du sacre de Charlemagne
Commentaire de texte : Commentaire de Document sur les Laudes du sacre de Charlemagne. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar pepettekebab • 27 Septembre 2021 • Commentaire de texte • 2 010 Mots (9 Pages) • 444 Vues
Héloïse Fournier
Le texte étudié est extrait de l’œuvre: « Laudes regiae, Une étude de la musique des laudes avec des transcriptions musicales par Manfred F. Bukofzer », d’Ernst Kantorowicz (1895-1963), grand historien de la théologie politique du Moyen Age. Les laudes regiae, ou laudes royales, furent composés au VIIIème siècle, peut-être dès la fin du règne de Pépin; en 774 le pape Hadrien les fit chanter à Charles lors de son séjour à Rome. Elles s’inspirent des acclamations qui s’inscrivaient dans le culte impérial à l’époque de la Rome païenne puis qui ont persisté sous une forme christianisée dans la liturgie impériale byzantine. Elles étaient chantées au roi lors des grandes fêtes religieuses pour le faire apparaître comme l’image vivante du Christ. Les laudes gallo-franques ici étudiées sont une liturgie du sacre impérial de Charlemagne, elles ont donc été chantées la nuit du 25 décembre 800. C’est un texte liturgique récité pour acclamer Charlemagne lors de son sacrement : ces laudes atteste que le peuple reconnaît Charlemagne en tant qu’Empereur.
Depuis l’avènement de Charlemagne, le royaume franc ne cesse d’accroitre sa puissance. La guerre contre les Saxons, l’annexion de la Bavière et la soumission des Avars ont pour conséquence la « dilatatio regni », c’est à dire l’expansion territoriale du royaume. Le règne de Charlemagne est également caractérisé par une large entreprise de christianisation : la dilatio regni est donc avant tout une dilatio christianitatis, et avec la politique de Charlemagne une équation tend à s’établir entre Europe, Chrétienté et Latinité. L’idée d’Empire, sous-jacente depuis la disparition de l’Empire romain d’Occident, ressurgit alors. Ce chemin vers l’Empire se fait petit à petit. Très tôt, le pape a donné à Charles le titre de « patrice des romains », patrice étant le titre conféré par Constantin vers 315 à des rois barbares, faisant d’eux des dignitaires de l’empire romain. Puis, à partir de 775, le pape adjoint l’épithète impériale « Magnus » quand il écrit à Charles (Karolus Magnus = Charlemagne). De même, à partir de 790, la construction de la chapelle d’Aix entreprise par Charlemagne a une valeur symbolique puisqu’elle reprend des éléments de la salle du trône à Constantinople (chapelle impériale), du Saint Sepulcre à Jerusalem et de Saint Jean de Latran à Rome où a été baptisé Constantin, premier empereur chrétien. Enfin, à l’aube de l’an 800 il existe trois dignités suprême : le pape, l’empereur byzantin (basileus) et le roi des francs mais les deux premières sont défaillantes : seul le roi des francs peut apparaître comme celui à la tête du peuple chrétien. Ainsi, le 25 décembre 800 Charlemagne est couronné à la basilique Saint Pierre devant une assistance romaine et franque.
Nous allons étudier dans un premier temps la structure des laudes, puis les circonstances du rétablissement de l’Empire, et enfin l’inversion lourde de signification du temps de l’acclamation et de celui du couronnement au cours de la cérémonie par le Pape Leon III.
Les laudes regiae, (louanges royales en latin) sont un moment d’acclamations où l’on implore les apôtres, les anges et les saints en faveur du pape, puis du roi, puis de la famille royale et enfin de tous les « juges » (c’est à dire les prélats et les comtes) ainsi que de toute l’armée des francs. Le Christ est acclamé dans les premières lignes des laudes « Christ est vainqueur, Christ est roi, Christ est empereur. » ( Trois répétitions): dans ces acclamations de joie on attend le salut de la victoire du Christ. Après l’acclamation du Christ viennent donc les invocations pour le pape, pour le roi, pour sa descendance, pour ses comtes et pour son armée. Les invocations du pape et de la descendance de Charlemagne sont suivies de l’acclamation « Vie! », tandis que celle du roi Charlemagne et celle de ses juges et de son armée sont suivies de l’acclamation « Vie et victoire » leur attribuant ainsi un caractère conquérant.
L’ordre des invocations est prémédité et est lourd de significations, tout comme le sont le choix et la répartition des saints invoqués. Ainsi, si le pape est acclamé avant le roi, le sauveur du monde, les apôtres (Pierre, Paul, André) et quelques-uns des premiers évêques de Rome (Xyste et Clément) sont invoqués en son nom. Ces saints sont d’un ordre inférieur dans la hiérarchie céleste à ceux invoqués pour Charlemagne : la Vierge (« Sainte Marie »), les trois archanges (« Saint Michel (…) Saint Gabriel (…) Saint Raphaël »), c’est à dire les anges qui sont physiquement intervenus de la part de Dieu dans la société des hommes, Saint Jean et Saint Etienne. L’allusion au rôle ecclésial du roi est claire. Il fait le lien entre le Ciel et la terre. Dans les laudes, un parallèle est donc fait entre Charlemagne et le Christ : le roi apparaît comme le fils de Marie, comme la représentation vivante de ce dernier. On peut également mentionner la notion dans les acclamations « par Dieu couronné » qui montre l’origine divine du pouvoir impérial de Charlemagne.
Pour la descendance du roi, on invoque la Vierge et quelques saints parmi lesquels la Franque sainte Geneviève prend place. Pour les comtes, on se contente d’invoquer les saint, mais là encore on a tenu compte de l’Église franque: on prie saint Hilaire, saint Martin, saint Denis.
Afin de mieux comprendre le contexte du rétablissement de l’empire nous allons nous intéresser aux circonstances de ce rétablissement, soit à la vacance du titre impérial et à la restauration de la papauté après l’émeute du 25 avril 799.
Les raisons de ce rétablissement sont, selon les Annales de l’abbaye de Lorsch: « Parce que, chez les Grecs, le nom impérial disparaissait et que, chez eux, l’empire était tenu par une femme… » En effet, à la fin du VIII° siècle le seul empereur subsistant est le basileus, l’empereur byzantin, Constantinople étant la deuxième Rome. Mais en 797 il se produit à Constantinople une révolution de Palais : l’Empereur Constantin VI est détrôné par sa mère Irène. Les Francs mettent sa légitimité en doute en raison de la manière de son accession au pouvoir et car elle était une femme. Aux yeux des francs, le titre d’empereur est donc vacant et le roi des francs peut recevoir ce titre, malgré que les byzantins n’acceptent guère ces arguments puisque Irene a bien pris le titre de basileus (empereur) et pas de basilissa (impératrice).
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