Les îles Kouriles : un lieu de tension entre la Russie et le Japon
Étude de cas : Les îles Kouriles : un lieu de tension entre la Russie et le Japon. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mehdi AEF • 13 Mars 2016 • Étude de cas • 1 951 Mots (8 Pages) • 1 719 Vues
Les îles Kouriles : un lieu de tension entre la Russie et le Japon
Les conflits territoriaux occupent une part centrale dans les relations internationales. Ils mettent en place des rapports de force et ordonnent dès lors une implication des responsables politiques. Parmi la diversité des lieux sous tension, notre étude porte ici sur les espaces maritimes. Sur ces derniers repose près de 80% du commerce mondial en incluant les fonds marins. Ces régions attirent donc la convoitise des États qui, selon les enjeux, peuvent porter ceux-ci jusqu'au conflit. Ce sont justement ces enjeux qui pilotent la géopolitique des océans de certains pays pour imposer leurs conditions, au service de leurs intérêts sur l'échiquier international. La géopolitique des océans se définit comme l'expression de la volonté clairement affirmé d'une nation d'exercer une influence mondiale par sa puissance maritime à laquelle on inclut la marine commerciale et la flotte de guerre du pays.
C'est par cette approche que l'on peut appréhender le conflit qui oppose la Russie et le Japon sur la question des îles Kouriles, archipel qui s’étend sur 1200 km de la péninsule russe de Kamchatka à l’île japonaise d’Hokkaïdo, qui se trouve pourtant être l’un des endroits les plus inhospitaliers au monde. Une opposition qui aujourd'hui en vient, par période, à empoisonner les relations entre les deux puissances économiques depuis l'accaparement de ces territoires jusqu'à la définition actuelle des enjeux géoéconomiques.
En quoi est-ce que les îles Kouriles concentrent au fil des siècles les ambitions d’expansion territoriale par les espaces maritimes au sein du conflit russo-japonais et de quelle manière les protagonistes du litige usent-ils de l’outil géopolitique pour proclamer une certaine puissance voire la légitimité de leurs démarches ?
Il est question dans un premier temps de l’origine d’un contentieux aujourd’hui bien plus que centenaire. Par la suite, notre raisonnement nous porte sur les enjeux économiques et stratégiques et enfin sur l’engagement des puissances impliquées pour faire valoir leur force et leur autorité dans la rivalité.
I. La genèse d’un conflit
Les origines de ce profond désaccord entre Russie et Japon soulève une interrogation sur l’occupation progressive opérée par les deux pays sur l’archipel des Kouriles, autrefois peuplé par la culture des Aïnous aujourd’hui disparus. La question reste entière et occupe une place centrale dans les arguments agités par chacune des deux puissances. Ce n’est finalement qu’à partir du XIXème siècle que la confrontation avec l’URSS débuta concrètement avec les ambitions expansionnistes du géant soviétique. Suite à ce contact territorial, les Russes font prévaloir leur statut d’État “découvreur” qui remontrait bien avant le début des conflictualités pour justifier une prédominance sur les Japonais. Le Japon répond à cette version en appuyant son raisonnement sur ses habitudes ancestrales : les activités halieutiques répandus tout au tour de l’île sous souveraineté japonaise la plus au nord, Hokkaïdo.
Dans le but de trouver une solution au litige, un partage circonstanciel et improvisé est établi : l’Union soviétique occupe les îles du nord, pendant que l’Empire du Japon s’établit sur les territoires du sud de l’archipel. La dissension démarre alors avec la capture de ressortissants des deux pays : ces évènements au caractère exceptionnel débouchent dès lors sur des négociations entre les deux États pour fixer des frontières davantage rigoureuses et officielles.
Malgré cette volonté commune d’apaiser les relations entre Moscou et Tokyo, les délimitations frontalières dans la région sont toujours discutées par les deux protagonistes. Aujourd’hui encore, l’État nippon base ses revendications territoriales sur les traités de paix russo-japonais, notamment le traité de Shimoda de 1855 qui, selon lui, sont bafoués par la conférence de Yalta, où Staline obtient, pour avoir déclarer la guerre au Japon, des droits sans précédents sur les terres des Kouriles : l’Empire japonais, à genoux face aux États-Unis à la sortie de la guerre, se voit non seulement être sous la tutelle des Américains mais doit, dans le même temps, faire face à une douloureuse défaite territoriale face aux Soviétiques dans laquelle l’archipel des Kouriles lui échappe ainsi que la moitié sud de l’île de Sakhaline. L’URSS de Staline a su ainsi profité de sa position de vainqueur moral de la Seconde Guerre mondiale à Yalta, face à un État japonais dévasté par les attaques nucléaires américaines de septembre 1945, ne faisant pas parti des conférences conviant les puissances d’après-guerre et où des découpages territoriaux leurs étant favorables ont été décrétés. Les conventions et autres accords concluent pour mettre fin aux hostilités sont ainsi utilisés par les deux partis pour imposer leur vision respective sur l’annexion de ces îles.
Dans la phase contemporaine de l’antagonisme, le Japon revendique toujours la possession de quatre des îles Kouriles (Kunashiri, Habomai, Shikotan et Etorofu), la Russie, quant à elle, conserve son intransigeance et ne souhaite accéder à aucune des demandes à la communauté internationale formulées par le gouvernement nippon. Des motifs viennent expliquer cette insoluble bataille territoriale de plus d’un siècle.
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Les différentes délimitations frontalières entre Japon et Russie (ex-URSS) de 1855 à nos jours (source : nnm.ru)
II. Les intérêts autour des territoires disputés : enjeux économique et géostratégique
De telles conflictualités traduisent de réelles attentes pour les deux États sur une zone qui ne se résument pas seulement en une succession d’îles mais qui renferme des ressources et surtout qui relève d’une importance géostratégique d’envergure. Les réserves naturelles en ressources énergétiques estimées dans l’archipel des Kouriles sont considérables : pour les hydrocarbures, 364 millions de tonnes d’équivalent pétrole sont évalués, pour l’exploitation minière, 15 à 20 tonnes de production annuelle de rhénium (métal rare servant à la fabrication d’alliages, principalement dans l’aéronautique) sont possibles dans la seule île d’Itouroup. C’est sans parler de la mer d’Okhotsk, qui renferme elle aussi d’importantes réserves de gaz et de pétrole et qui se trouve être une zone très poissonneuse.
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