Colette Beaune, Naissance de la nation France, 1985
Commentaires Composés : Colette Beaune, Naissance de la nation France, 1985. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Vannicoloy • 10 Janvier 2015 • 3 399 Mots (14 Pages) • 1 365 Vues
Colette Beaune, Naissance de la nation France, 1985, Folio Histoire
Colette Beaune n'a pas, ici, écrit un livre sur la nation France mais sur son « grand légendaire ». A une histoire politique s’oppose ici, dans sa nouveauté revendiquée bien que quelque peu passée, une histoire imaginaire qui s’écarte de l’événement. L'auteur l'affirme, la France a toujours été vue comme la fille de l'événement. Or, Colette Beaune invite à inverser la perspective : la France doit-être étudiée en tant que construction imaginaire, qu'assemblage de représentations religieuses et symboliques qui ont donné naissance à l’idée de la France. Une des spécificités de ce livre est que l'auteur mène une étude véritablement historique des mythes : ils ne sont pas étudiés dans un temps arrêté, on les voit se faire et se défaire sous nos yeux au rythme des nécessités de la société. L'auteur se concentre sur la période allant de 1300 à 1500, période de naissance puis d'affirmation de l'idée de nation, laquelle ne prendra cependant sa pleine ampleur qu'au cours du Moyen Âge. Cette période est majeure car elle est marquée par une véritable crise des valeurs aux origines diverses : défaite militaire de la noblesse, conflit entre l'Empire et la Papauté, contestation de la légitimité royale... En cette période troublée surgit la « valeur nation » dont le rôle fédérateur est légitimant est à prendre en considération. En 1300, la célébration de la nation est une chose assez récente : le haut Moyen Âge n'avait connu que la célébration des peuples et le terme de nation désignait toute sorte de groupements ethniques, religieux, universitaires... A ce titre, tout le vocabulaire national est moderne et l'imprécision des termes règne au Moyen Âge. Ainsi, le territoire national fut longtemps désigné par des termes très flous. Le terme de « France » ne désignait alors le plus souvent que l'Ile-de-France, lieu où se cantonnait de fait l'exercice du pouvoir royal. C'est à partir du XIIe siècle que le terme de France est utilisé, certes sporadiquement, pour designer 'ensemble du royaume. C'est pourquoi l'auteur cherche à définir avec attention le vocabulaire utilisé à l'époque pour louer la nation. Une des thèses défendue par Colette Beaune est que l'imprécision du vocabulaire n'est que le reflet de la difficulté éprouvée à saisir une notion neuve dans un panel de valeurs dominé par la chrétienté. L'idée de “nation” est une catégorie nouvelle de la pensée. A ce titre, elle mit des siècles à prendre une place de choix. Ce ne fut pourtant pas, et c'est un des apports majeurs du livre de Colette Beaune, en rupture avec la chrétienté que la France pris naissance mais au sein même de ce système de valeurs. Le livre de Colette Beaune donne une place importante à la recherche des origines. Mais c'est que cette dernière est très amplement investie, intellectuellement et affectivement, dans les sociétés étudiées. La nation s’inscrit dans une écriture de l’histoire qui remonte jusqu’à la chute de Troie ainsi que dans un sacré chrétien marqué par de grands saints : Denis, Clovis, Louis, Michel… La nation récupère en outre tout un ensemble de pratiques, de symboles religieux et historiques pour les ordonner et élaborer en eux et par eux une culture nationale.
L'ouvrage de Colette Beaune se divise en trois livres. Le premier livre traite des rapports entre la nation et l'histoire. L'auteur étudie ce qu'on pourrait qualifier de « bricolage des origines », c'est-à-dire les diverses combinaisons d'origines troyennes, gauloises, helléniques ou bibliques. Le deuxième livre étudie le culte des saints grace auxquels s’établit un lien privilégié entre la France et son Dieu. Le troisième livre, enfin, est consacré aux rapportes qu'entretiennent nation et symboles ainsi qu'à la culture nationale, au sentiment national et à la langue.
Selon Colette Beaune, dès qu'elle prit conscience d'elle-même, la France voulut justifier son présent par son passé. Elle avance que ce sont les historiens qui, en un sens, ont créés la nation. Pourtant, elle montre qu'on ne croyait pas que la France fut fondée par l'histoire. En un sens, elle lui préexistait, elle était, éternellement, fruit d'une volonté divine et remontant à des ancêtres glorieux auxquels elle devait des qualités inaltérables. On le voit, la nation se pense comme une race, ce qui n'est d'ailleurs pas spécifique à la France. Race qui s'illustre dans de nombreux exploits qui portent haut la qualité de son sang. Dès le VII ème siècle apparaît une légende des origines troyennes des Francs, les faisant ainsi remonter à la race la plus noble et la plus ancienne qui soit. Colette Beaune montre, et c'est une des richesses de l'ouvrage, l'ampleur des versions qui ont pu être écrites à divers moments, cohabiter même, et tenter de s'imposer avec toujours comme objectif de fonder la pureté de la nation. L'auteur examine plusieurs points de variations : le nom des chefs troyens ancêtres des Francs (Francion, Anténor), leur lieux d'établissement (Sycambria), la signification du terme “Franc” (libre d'impôt, vaillant) et la façon dont ils sont entrés en Gaule (pacifiquement, par la conquête). Or, dès le XV ème siècle, la découverte de nombreux textes ramène au premier plan les Gaulois, considérés désormais comme un peuple courageux, cultivé et bien mieux attesté historiquement. Malgré les erreurs historiques évidentes, on ne chercha pas à évincer le mythe des origines troyennes mais bien plutôt à le remanier en fonction des nouveaux éléments. Jean Lemaire de Belges, à la fin du XV ème siècle, fit des Troyens les héritiers des Gaulois. Ces derniers étaient partis en Orient fonder Troie, qu'ils quittèrent ensuite en direction de la Gaule. Ce remaniement correspond à une nouvelle exigence : l'indigénat, lequel était devenu préférable à des origines glorieuses. Cette première naissance de la nation, “naissance selon la chair”, devait être complétée par une “naissance selon l'esprit”. Colette Beaune compare ainsi la naissance de la nation avec celle d'un chrétien. L'histoire de France avant Clovis est celle d'un enfant avant baptême et le sacre du premier roi chrétien constitue cette naissance à la chrétienté. La conversion chrétienne du royaume était, elle aussi, objet de multiples interprétations. On chercha à la placer au plus proche de la vie du Christ. On fit de Saint Denis l’apôtre évangélisateur
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