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L’économie française de 1870 au début des années 1990 : permanence et mutations

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Par   •  11 Avril 2023  •  Dissertation  •  7 461 Mots (30 Pages)  •  293 Vues

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L’économie française de 1870 au début des années 1990 : permanence et mutations

Comment expliquer les difficultés et le temps mis par l’économie française pour se moderniser entre 1870 et le début des années 1990 et le poids des permanences alors que cette modernisation semble avoir été beaucoup plus rapide et radicale dans les autres pays industrialisés ?

  1. De 1870 à 1914 : en dépit d’un changement de régime politique, l’économie française poursuit son industrialisation et sa modernisation dans la voie des décennies précédentes et conserve une vision traditionnelle de l’économie acquise au libéralisme qui ne se dément pas jusqu’à l’arrivée de la guerre.
  1. Une économie qui poursuit sa modernisation et sa transformation dans un contexte de seconde révolution industrielle.
  1. À partir de 1870, la France entre dans la troisième phase d’investissement ferroviaire qui permet de compléter le réseau français (en particulier avec l’ambitieux plan Freycinet de 1978). L’investissement dans le rail devient un placement financier sécurisé et recherché par les stratégies d’épargne dites de « bon père de famille ». Le rail a permis de lancer (locomotives de Schneider, Cail ou Batignolles) ou de relancer (Le Creusot) un certain nombre de secteurs d’activité et d’entreprises grâce à une politique douanière favorable jusqu’en 1860, date à partir de laquelle l’industrie française en question est suffisamment mature pour subir les effets de la concurrence étrangère. Le secteur du rail a également permis l’embauche d’une main d’œuvre importante. Le plan Freycinet a conduit à la mise en réseau des différents territoires et a ainsi eu un impact massif sur l’économie française et ses transformations. Il a aussi amorcé le mouvement de centralisation vers la capitale. Le train a également conduit à la spécialisation agricole et donc à une sensibilité plus forte envers les marchés.
  1. À partir des années 1870 et 1880, on observe également un certain recul de la proto-industrie et de l’artisanat au profit de la grande industrie. Jusqu’ici la période d’expansion économique avait permis de sauver des entreprises à la productivité faible mais la décélération des années 1860-1870 leur est fatale. D'autre part, l'achèvement du réseau ferré et la baisse des coûts de transport permettent d'accroître les spécialisations régionales et soumettent les industries locales à une concurrence plus grande. Enfin, les crises de l'agriculture ébranlent le tissu rural et contribuent à accélérer un exode de ruraux non agriculteurs-exploitants, vers des villes où désormais l'industrie moderne plus développée leur offre un travail. À l’échelle des secteurs industriels, la France est caractérisée par une part importante de l’industrie dite « légère » avec production de biens de consommation mais les secteurs qui croissent le plus rapidement appartiennent à l’industrie lourde (mines, métallurgie, transformation des métaux…).
  1. L’après-1870 est enfin marqué par une différenciation de plus en plus nette des activités économiques et la naissance d’un marché de l’emploi moderne en lien avec l’augmentation de la population active (jusqu’à 89% d’augmentation entre 1891 et 1911) et ce malgré la perte de l’Alsace-Lorraine et le taux de natalité relativement faible de la France. Une population jusqu’ici sous-employée contribue à la transition vers un marché de l’emploi moderne.  À partir de 1896, le chômage devient anormal et non la règle (il commence à être comptabilisé à partir de cette date). Le secteur industriel se détache des campagnes et gagne le marché urbain où apparaissent les premiers pôles industriels. Jusqu’ici l’industrie fonctionnait pourtant encore largement en symbiose avec le monde agricole en transformant les produits agricoles et en utilisant une partie de la main d’œuvre rurale. On assiste par un mouvement parallèle à une « paysanisation » du monde rural.
  1. Ce qui n’empêche pas une certaine stabilité des structures et des mentalités
  1. L’agriculture est le secteur où les permanences se font le plus ressentir. La population active agricole demeure importante en relatif par rapport aux autres pays, ce qui pénalise la croissance potentielle de l’économie française. On observe une certaine continuité au cours de la période sur le plan statistique même si le poids du secteur industriel dans le PIB est plus faible en valeur qu’en volume en raison de la baisse du prix des produits industriels. Malgré des progrès des rendements du blé entre 1880 et 1910, la productivité du sol restait à la veille de la guerre relativement faible dans la grande culture. La permanence des structures agraires françaises et l'insuffisance de l'investissement constituèrent des obstacles à la modernisation. La grande exploitation de plus de 40 hectares, qui nécessitait le recours au salariat, restait importante par la concentration des terres qu'elle réalisait : 45 % des superficies en 1882. Mais le modèle était une petite exploitation de moins de 10 hectares qui se renforçait : 68 % du nombre total d'exploitations en 1852, 85 % en 1882, 84 % en 1908, dans leur cas, propriété et exploitation coïncidaient. L'évolution favorable des revenus paysans et des salaires agricoles jusque vers 1870-1880 fut mise à profit par des « micro-exploitants » pour racheter des terres et par des journaliers pour devenir propriétaires.
  1. En 1870, une partie de l’économie française est également encore marquée par la proto-industrialisation, c’est-à-dire le développement local d’un secteur d’activité dont la production n’est plus uniquement destinée à l’autoconsommation locale mais aussi à un marché extérieur, national ou étranger. Cette proto-industrialisation se caractérise par une mécanisation qui n’est pas encore majoritaire. La croissance du secteur textile a pour effet dans un premier temps d’augmenter le nombre de tisserands. À Roubaix, en 1870, encore deux-tiers des métiers à tisser la laine sont manuels, il en va de même en Anjou et dans la Sarthe pour le tissage du lin. En parallèle, les premières grandes manufactures mécanisées de Picardie se développent. Le secteur industriel français se déploie sur un modèle hybride. La proto-industrie et l’artisanat ne disparaissent pas tout à fait et connaissent même un regain avec les activités de confection. Les fermes-ateliers franc-comtoises par exemple qui allient agriculture, scierie, meunerie perdurent en lien avec une demande des Grands magasins pour ces produits faits à petite échelle. Si cette spécificité française est souvent considérée comme une cause des retards économiques du pays, elle a aussi largement atténué les coûts sociaux d’une industrialisation et d’un exode rural à marche forcée.

On pointe souvent du doigt la prévalence de petites entreprises en France (dans le secteur de l’alimentation ou du bois) qui aurait été responsable du retard français. En réalité, cette tendance est comparable à de nombreux autres pays y compris l’Allemagne. En revanche, la France possède sensiblement moins de grosses entreprises (par exemple dans le domaine de l’électrotechnique : Siemens et AEG étaient beaucoup plus capitalisées que leurs homologues Thomson-Houston et la CGE). Le marché français est donc sensiblement plus concurrentiel, seuls de rares secteurs mettent sur pied des ententes comme les Houillères du Nord en 1901.

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