Comment les mémoires influencent-elles les politiques actuelles aux Philippines?

Comment les mémoires influencent-elles les politiques actuelles aux Philippines?

Introduction:

        Après avoir remporté les élections présidentielles à une écrasante majorité, Ferdinand Marcos Jr, connu aussi sous le nom de “Bongbong Marcos”, prononce la phrase suivante: “Ne me jugez pas sur mes ancêtres mais sur mes actions”. Effectivement, en 1972 Ferdinand Marcos, le père de ce dernier, déclare la loi martiale et devient le dictateur du pays. Ainsi, les Philippines connaissent l’une des périodes les plus sombres de son histoire, marquée par une corruption généralisée et des violations importantes des droits humains. La victoire de Bongong Marcos est un véritable choc pour les millions de Philippins traumatisés par la violence de la dictature. Si ces derniers voient le retour de la dynastie Marcos comme une menace à la démocratie, d’autres considèrent celui-ci comme une chance pour le pays de retrouver sa gloire perdue. Comment les mémoires influencent-elles les politiques actuelles aux Philippines? Dans un premier temps, nous verrons que Bongbong Marcos doit en partie son succès à la nostalgie de la population pour l’ère Marcos. Ensuite, nous verrons que l’image d’un âge d’or durant Ferdinand Marcos n’est qu’un mythe, créée dans le contexte d’une guerre des mémoires.

I. Le règne de la famille Marcos, l’âge d’or des Philippines?

        Tout d’abord, si de nombreuses personnes voient Ferdinand Marcos Senior comme un violent tyran, d’autres le considèrent comme une figure clé dans la modernisation des Philippines et dans le succès du pays. En effet, sous le règne du dictateur, les Philippines ont connu une croissance économique importante, passant de 55 milliards de PIB à 193 milliards en environ 8 ans. Cette croissance a été stimulée par les prêts massifs des banques commerciales, représentant 62% de la dette extérieure. Une grande partie de l’argent a été dépensée afin d’améliorer les infrastructures et de promouvoir le tourisme.

L’ère Marcos fut aussi marquée par une période de paix illustrée par une baisse de la criminalité au sein du pays, due à un renforcement de la présence des forces de l’ordre et une fréquente mobilisation de l’armée. Aujourd’hui, de nombreux Philippins regrettent ce qu’ils appellent l’âge d’or du pays. En effet, il y a 50 ans, les Philippines étaient l’un des pays les plus riches de la région. Actuellement, l’archipel est à la traîne, loin derrière la Corée du Sud, la Thaïlande, voire même l’Indonésie.

II. Une guerre des mémoires

        Ensuite, les élections présidentielle en 2022 ont été marquées par une désinformation flagrante, peignant les Marcos comme les sauveurs de la nation. En effet, la campagne électorale de Ferdinand Marcos Jr se caractérise par une vaste et souvent abjecte campagne de désinformation, passant sous silence les dizaines de milliers d'opposants arrêtés, torturés ou tués, ou encore les milliards de dollars volés par le clan Marcos dans les caisses du pays pour leur enrichissement personnel. Depuis des années, des comptes pro-Marcos Junior ont envahi les réseaux sociaux, notamment Tiktok, faisant passer auprès des jeunes Philippins les vingt ans de régime de son père (1965-1986) comme une ère dorée. Cependant, cette image des Philippines de Marcos n’est qu’une façade, une révision de l’histoire du pays au profit de la famille. La soi-disant paix lors de la dictature n’est pas une paix réelle, mais une paix illégitime, obtenue douloureusement par la mort et la répression. La réalité, c’est que la stabilité économique et sociale que les populations et les Marcos applaudissent est le résultat d’une gouvernance violente et une suppression systématique des droits politiques et civils des citoyens. Avec 3 257 victimes d’exécution extrajudiciaire, 35 000 victimes de torture, 77 personnes disparues et 70 000 personnes incarcérées, le règne de la famille Marcos a été un véritable âge de la terreur aux Philippines.

...