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Le Trait, Lydie Dattas

Commentaire de texte : Le Trait, Lydie Dattas. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  18 Mai 2024  •  Commentaire de texte  •  1 800 Mots (8 Pages)  •  73 Vues

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Lydie Dattas a écrit Le Trait, c’est une poétesse contemporaine des 20ème et 21ème siècles, elle s’inscrit dans le courant romantique au niveau poétique (et féministe au niveau sociétal). Le Trait fait partie du recueil Carnet d’une allumeuse, sorti en 2017, qui raconte le regard des hommes à travers les yeux d’une adolescente qui devient une femme et qui découvre la sensualité et les pouvoirs de son corps. Ce recueil, écrit en une nuit après une dispute, est une réplique féminine d’Une saison en enfer de Arthur Rimbaud, poète par lequel Lydie Dattas est fascinée.

Tout au long de cette analyse, nous nous intéresserons à la manière dont Lydie Dattas transforme une jeune femme se maquillant en un étrange spectacle et une réflexion atypique. Le nom du poème est simple et mystérieux. Sans l’avoir lu, nous n’imaginons pas qu’il va s’agir ici de maquillage. Il s’oppose à de nombreux autres poèmes grâce à cette effet de surprise entre le nom et le contenu du poème. Le Trait est écrit en vers libres, sans rimes, sans strophes ordonnées et sans isométrie. Nous pourrions supposer que ce poème et ce recueil sont semi-autobiographique.

Le Trait décrit une jeune fille se maquillant. Au vers 4, nous pouvons lire « Quel ange résisterait à la messe basse du maquillage ? » , qui introduit cette séance de maquillage comme une chose tout à fait normale. C’est une jeune femme qui se maquille, représentée par le mot « ange », créature surnaturelle entre enfant et adulte. Le décor est planté. La fille se maquille dans une salle de bain triste, presque lugubre : « fenêtre grillagée des toilettes » , « déprimante mosaïque grise » (v.3 -4). La scène a lieu dans un espace dissonant par rapport à l’action précise et intime de se maquiller. Le poème prend une autre tournure lorsqu’elle croise son regard dans le miroir, et qu’elle reçoit « la détonation de [son] regard »(v.6). Puis suit une métaphore qui compare « l’œil fardé » à un « saut dans le vide » (v.7) qui nous montre qu’elle est surprise, choquée par son propre regard.      

L’auteure effectue un parallèle avec le monde égyptien à différents vers, grâce à cette poudre arabe qu’est le khôl et qui renforce le regard. Ce « trait hiéroglyphe », qui représente évidemment ce trait de khôl, qui la heurte comme il « heurte le miroir » (v.8).  Elle ne s’arrête pas là, puisqu’elle écrit « Des yeux égyptiens percèrent mes yeux. » au vers 10. Nous avons bien sûr cet adjectif « égyptiens ». Ce vers souligne le fait qu’elle ne se reconnaît littéralement pas, ces yeux ne sont pas les siens. Ce qui est étonnant est le fait que ce vers fait écho à la phrase de Rimbaud dans sa lettre à Paul Demeny « Je est un autre. » L’auteure voudrait-elle « se faire voyante » ? Puis elle évoque la « civilisation amarnienne » (v.11), cette période de l’Egypte ancienne qui renaît et « remonte des abysses » qui nous montre une fois de plus qu’elle se compare à une égyptienne.

Au cours de cette lecture, nous remarquons que dans la première moitié du poème, les filles sont comparées à des poètes avec ce premier vers : « L'adolescente qui se farde en cachette de ses parents tente le poème absolu. » Se pourrait-il que le « poème absolu » soit le fait de se transformer et de modifier son apparence à l’aide de son inspiration et faire de soi un poème ? Lydie Dattas compare l’écrivain Mallarmé à un maquilleur qui rajouterait « du khôl à sa phrase » (v.3), comme pour montrer que la frontière entre maquillage et poésie n’est pas aussi large qu’on ne le pense. De plus, la présence du verbe laisser à la deuxième personne du pluriel ajoute un aspect solennel à la scène. Puis les vers 8 et 9 racontent que toute fille est appelée à être un poème. De manière générale, toute fille est appelée à être une femme. La formulation remplace « poème » par « femme » et nous fait croire qu’en quelque sorte, une femme est un poème. Cela renvoie directement à cette célèbre citation de Lydie Dattas elle-même : « Les filles sont des poèmes lus par des imbéciles. » Nous pouvons supposer que les poèmes qui méritent d’être lus sont les femmes...

Ce poème comporte de nombreux côtés sombres. Il y a d’abord l’obscurité de Mallarmé qui caractérise le khôl, élément sombre en lui-même. Que ce soit dans le poème ou bien sûr dans le nom du recueil, la nuit est présente, partout. Dans ce texte, on la retrouve à travers deux citations. La première se trouve au vers 9 : « Ici commence la nuit. » La nuit fait peur. Mais cette nuit c’est aussi l’obscurité qui permet d’épanouir le rêve, pas une obscurité macabre et morbide, une nuit en tant que telle est libératrice et fondatrice de grands projets. La nuit c’est la Genèse, c’est avant le jour. La nuit où l’on trouve plus de légitimité à dire et à parler. Et cette adolescente se plaît dans cette nuit, elle ne veut pas qu’on l’extirpe de celle-ci, comme le montre cette seconde citation : « Qu’un garçon m’aborde et je le repoussais violemment : Ôte-toi de ma nuit ! » Elle ne veut pas qu’on la courtise, pour elle la nuit est une période de sérénité et de paix.

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