Comment ce texte, en utilisant le discours misogyne d’un homme, parvient-il à défendre les droits des femmes ?
Compte rendu : Comment ce texte, en utilisant le discours misogyne d’un homme, parvient-il à défendre les droits des femmes ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Diego Brahmi • 12 Avril 2023 • Compte rendu • 2 008 Mots (9 Pages) • 743 Vues
PROBLEMATIQUE : Comment ce texte, en utilisant le discours misogyne d’un homme, parvient-il à défendre les droits des femmes ?
I. Le discours d’un homme qui critique les femmes : les femmes seraient des manipulatrices
Exemple d’introduction pour votre explication de texte à l’oral : les 4 étapes Le XVIIIe siècle est une époque où de nombreux bouleversements interviennent dans la société française, à l’image de la Révolution qui éclate en 1789 et qui chasse la monarchie du pouvoir. Ainsi, durant ce siècle des Lumières, on se met à lutter pour de nouveaux droits, comme le feront les femmes qui réclament un rôle plus important dans la société, et des lois qui puissent les protéger. Constance Pipelet fait partie de ces femmes-là puisqu’elle écrit en 1797 un texte en vers intitulé « Épître aux femmes », afin de moquer le discours que tiennent certains hommes à l’égard des femmes, mais aussi pour réclamer, en leur nom, de nouveaux droits.
Nous allons analyser ici un extrait de cette épître, c’est-à-dire une lettre écrite en vers, dans laquelle Constance Pipelet va exposer son avis sur la situation des femmes à son époque, et réclamer de nouveaux droits pour elle, en faisant parler un homme qui considère les femmes comme étant des manipulatrices. Cette lettre se construit donc en deux temps : on voit d’abord, du vers 1 au vers 9, comment Constance Pipelet donne la parole à un homme qui accuse les femmes de manipulation et de perfidie. Puis, on voit du vers 9 au vers 20 que Constance cherche à répliquer à cet homme, en prenant la défense de la cause féminine et en cherchant à conquérir de nouveaux droits. Nous verrons donc en quoi ce texte permet de critiquer une certaine image féminine, afin de mieux mettre en valeur la cause du droit des femmes.
Tout d’abord, ce texte est une épître : c’est une lettre écrite en vers, et les vers choisis sont des alexandrins (douze syllabes), avec des rimes suivies (AABB). L’alexandrin exprime une certaine grandeur, puisque c’est le vers réservé alors aux choses nobles. Ici, l’autrice est Constance Pipelet, dont le nom véritable était Constance de Théis (1767- 1845) : elle a écrit de nombreux textes sous le nom de son mari (Jean-Baptiste Pipelet de Leury), et c’est intéressant de le préciser puisque « pipelet », désignait, à l’époque, de manière péjorative, une personne bavarde et indiscrète. C’est un hasard de son mariage qui a fait donc prendre à l’autrice un nom péjoratif – mais elle l’a conservé pour signer ses œuvres ! Les 9 premiers vers sont donc les paroles du « sage » (v. 1), c’est-à-dire d’un homme qui va prendre la défense des hommes, et exprimer son point de vue sur les femmes. Elles vont être représentées comme des manipulatrices. Il s’agit ainsi d’un discours rapporté (plus précisément un discours direct) – c’est-à-dire que la personne qui parle [Constance] va citer les propos du « sage » : « Écoutons cependant ce que nous dit le sage ». L’utilisation de la première personne du pluriel (« écoutons » + « nous ») indique le pluriel des femmes à qui s’adresse Constance, et avec laquelle elle forme une communauté (= nous, les femmes)
Dès le vers 2, cette hypothèse est renforcée par l’emploi de l’apostrophe générique « Femmes » : le « sage » en question est donc un homme qui s’oppose au sexe féminin, dans son entièreté (emploi du pluriel). Il va enchaîner une suite de 4 questions rhétoriques (« est-ce bien vous qui parlez d’esclavage ? », v. 2 + « qu’avez-vous besoin de moyens superflus ? », v. 7) : sous l’apparence de poser des questions, dont il connaît en vérité les réponses, le sage a une double posture – il est en position de faiblesse (puisqu’il donne l’impression de ne pas savoir, en posant des question), mais en vérité il use de son pouvoir de parole (car il connaît les réponses) ! C’est une rhétorique perverse… L’enchaînement des « vous » et de l’ensemble de la deuxième personne du pluriel (« vous / vous / vos / vos / vos / vous / vous / vous », v. 2 à 8) va ainsi s’opposer à toutes les marques de la première personne du pluriel (« nous / nous / nous ») : deux communautés, irréconciliables, s’opposent – les femmes CONTRE les hommes ! L’emploi d’une anaphore aux vers 3 et 4 (« vous, dont… » + « vous, qui… ») et d’un groupe ternaire (répétition de trois formes identiques : « vos attraits, vos pleurs fins, vos perfides caresses », v. 5) montre cette insistance à créer deux communautés qui s’opposent. Mais comment ces communautés s’opposent-elles ? Elles s’opposent sous le champ lexical de la domination : « esclavage / subjuguer / enchainez / à vos genoux / maitresses / tyrannisez » (v. 2-8) ! Le « sage » (désigné ainsi plutôt par ironie par Constance) explique donc que les femmes seraient bien supérieures aux hommes : qu’elles auraient le pouvoir ! Étrange, non ? Les femmes se plaignent pourtant à cette époque de n’avoir aucun pouvoir, et aucun droit ! En vérité, cet homme utilise un argument misogyne : d’après lui, les femmes auraient le pouvoir sur les hommes grâce à… leur seule beauté physique, qui envoûte les hommes et les met sous leur domination ! Ainsi, en rusé, l’homme parvient à retourner la situation à son avantage : il avance même l’idée que les femmes seraient non seulement en position de domination… mais qu’elles en profiteraient pour manipuler les hommes ! L’emploi de deux adjectifs négatifs va le montrer : « fins » et « perfides », au vers 5 ! Ainsi, les femmes auraient déjà tous les pouvoirs, d’après ce sage, et cela grâce à peu de moyens : « le seul regard », « ne suffisent-ils pas », « moyens superflus » (v. 3, 6 et 7). Le sage termine donc son discours vicieux et rusé en assaillant les femmes de questions, et en utilisant une interjection (« Eh ! ») qui montre à la fois sa (fausse) surprise… et surtout son mépris à l’égard des femmes ! A l’écouter, les hommes paraissent bien faibles, bien isolés, bien seuls : « vous nous tyrannisez » (v. 8), « tremblants à vos genoux », v. 4, avec la ponctuation exclamative qui indique l’effroi, la peur de la communauté masculine…
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