Tribunal des Conflits, 3 juillet 2023, Commune de Baie-Mahault
Dissertation : Tribunal des Conflits, 3 juillet 2023, Commune de Baie-Mahault. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar Grégoire LEPROUST • 28 Mars 2025 • Dissertation • 1 933 Mots (8 Pages) • 22 Vues
LEPROUST Grégoire,
Double Licence Droit-Géographie, L2
Droit administratif
Tribunal des Conflits, 3 juillet 2023, Commune de Baie-Mahault
La décision commentée est une décision du Tribunal des conflits du 3 juillet 2023 sur le juge compétent pour connaître d’un contrat passé entre une commune et une personne privée.
En l’espèce, une propriétaire, personne privée, a conclu un contrat de bail avec la commune de Baie-Mahault pour la location de locaux. Mais, à la suite de l’inéxécution du contrat par la commune, la propriétaire des locaux assigne celle-ci devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, pour qu’il constate la résiliation du bail, et condamne la commune à payer les loyers en retard, une indemnisation et des dommages-intérêts.
Néanmoins, par une ordonnance du 19 février 2021, le juge des référés s’est déclaré incompétent pour connaître du recours. Le demandeur a alors saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe sur les mêmes fondements. Dans un jugement du 16 mars 2023, le juge administratif s’est également déclaré incompétent, et a renvoyé la question au Tribunal des conflits, sur le fondement de l’article 32 du décret du 27 février 2015.
Le juge administratif n’étant compétent que pour connaître les contrats administratifs, et le juge judiciaire ne l’étant que pour connaître des contrats de droit privé, le Tribunal judiciaire devait se prononcer sur la nature du contrat passé entre la propriétaire des locaux et la commune.
Le Tribunal des Conflits juge que le contrat de bail est un contrat de droit privé, et qu’en conséquence il appartient au juge judiciaire de connaître du recours de la propriétaire. Il prononce donc la nullité de l’ordonnance rendue par le juge des référés du 19 février 2021 et renvoie le litige devant le tribunal judiciaire de Pointe à Pitre.
Afin de commenter la manière dont le Tribunal des Conflits a apprécié les caractères du contrat administratif pour exclure la compétence du juge administratif, nous verrons d’abord que le conflit de compétence à l’origine du renvoi est dû à l’insuffisance de la seule présence d’une personne morale de droit public pour la qualification du contrat administratif (I). Ensuite nous étudierons la manière dont la décision rattache le contrat est cause au droit privé, en raison de l’absence de critères nécessaires à la qualification jurisprudentielle et légale du contrat administratif (II).
- L’insuffisance du critère organique pour la qualification du contrat administratif comme source du conflit de compétence
La juridiction compétente pour connaître du recours dépend de la nature du contrat. Le juge administratif n’étant compétent que pour juger les contrats administratifs (CE,1903, Terrier), il s’agira d’abord de montrer que le critère organique, soit la présence d’une personne publique en tant que partie au contrat, s’il constitue un indice de la nature du contrat, n’est pas suffisant pour qualifier un contrat d’administratif ou non (A). Ensuite nous verrons que c’est cette insuffisance qui a mené à la saisine du tribunal des conflits, pour prévenir le conflit de compétences (B).
- L ’insuffisance du critère organique
Le critère organique est relatif à la qualité des parties à un contrat, c’est-à-dire savoir si celles-ci sont des personnes de droit privé ou de droit public. En principe, ce critère organique constitue un indice de la nature du contrat : les contrats conclus entre personnes publiques sont en général des contrats administratifs, et les contrats conclus entre personnes privés sont des contrats de droit privé qui tiennent de la compétence du juge judiciaire (Source sur la définition du critère organique : Pierre Tifine, La redéfinition des critères jurisprudentiels de qualification des contrats administratifs, La lettre juridique, septembre 2015)
Néanmoins, les exceptions existantes à ce principe montrent l’insuffisance de ce seul critère organique pour la qualification de la nature du contrat. En effet, un contrat conclu entre personnes publiques peut être privé s’il ne fait naître que des rapports de droit privé entre les parties (TC,1983, UAP). D’autre part, il est également possible qu’un contrat conclu entre deux personnes privées soit un contrat administratif, lorsqu’il est soumis à un régime exorbitant du droit commun (CE, 1973, Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant).
La question est encore plus pertinente dans le cas d’espèce, puisque le contrat de bail concerné par le recours a été conclu entre la propriétaire des locaux, personne privée, et la commune, une collectivité territoriale et donc une personne morale de droit public (cf§1). Dans de telles circonstances, l’insuffisance du seul critère organique est plus criante que jamais, et la jurisprudence existante montre que ces contrats peuvent à la fois être des contrats administratifs (TC, 20 juin 2005, n°C3449), ou bien tenir du droit privé (CE, 7 avril 1916, n°58699).
Mais en l’espèce le juge judiciaire s’est estimé incompétent par voie d’ordonnance, et c’est pour prévenir le conflit de compétence légitime auquel il allait être confronté que le tribunal administratif a renvoyé la question au Tribunal des conflits, juridiction qui connaît les questions de compétence juridictionnelle.
- La saisine du Tribunal des Conflits, juridiction compétente pour trancher les conflits de compétence
La décision du tribunal des conflits est prise au visa de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III, de la loi du 24 mai 1872 et du décret n°2015-233 du 27 février 2015.
La loi des 16-24 août 1790 interdit aux différentes juridictions judiciaires de connaître des actes de l’administration. Acte de naissance du droit administratif, cette loi a entraîné la construction progressive d’un nouvel ordre judiciaire, compétent pour connaître du contentieux de l’administration. L’émergence de ce nouvel ordre juridictionnel a provoqué des conflits de compétence entre les deux ordres désormais contraints à cohabiter, poussant le législateur à créer, par la loi du 24 mai 1872, le tribunal des conflits, juridiction compétente pour trancher les conflits de compétence, et répartir les litiges entre les deux ordres.
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