Portée des obligations des organismes financiers dans la lutte contre le blanchiment d'argent dans l'espace UEMOA
Thèse : Portée des obligations des organismes financiers dans la lutte contre le blanchiment d'argent dans l'espace UEMOA. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Zinsou Gislain Vigan • 16 Novembre 2023 • Thèse • 20 958 Mots (84 Pages) • 174 Vues
La portée des obligations des organismes financiers dans la lutte contre le blanchiment de capitaux dans l’espace UEMOA
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INTRODUCTION GENERALE
La mondialisation a internationalisé la plupart des marchés y compris les marchés illicites. Nombre d’activités illégales ont perdu leur caractère régional ou national pour devenir international. De fait, le blanchiment de capitaux, nouveau crime de fin de siècle s’est également internationalisé. C’est pour cela qu’il devient une nouvelle préoccupation mondiale.
Cette activité délictuelle ou criminelle a fait son apparition aux Etats-Unis vers les années 30[1] du temps de la prohibition de l’alcool où le produit du trafic clandestin des boissons alcooliques était souvent recyclé dans l’achat de blanchisseries. Toutefois, c’est seulement vers les années 80 que le terme ‘’blanchiment’’ a reçu sa consécration dans le langage politico-financier. Mais, depuis les attentats du 11 septembre 2001, la problématique du blanchiment dont le lien a été fait avec le financement du terrorisme, s’est posée avec acuité pour le secteur financier du fait que, les enquêtes sur les attentats ont révélé que les terroristes avaient recours aux services des banques classiques, pour mener à bien leurs activités[2]. En outre, la vigilance du secteur financier a été renforcé ces dernières années du fait de la résistance des ‘’paradis fiscaux’’ où les lois protègent le secret bancaire. Ainsi, au cours de la dernière décennie, le phénomène du blanchiment de capitaux a fait l’objet d’une mobilisation internationale sans précédent.
Cette mobilisation résulte de la prise de conscience des menaces graves qu’il engendre notamment sur le plan moral, politique, économique et financier. Le blanchiment de capitaux porte atteinte non seulement à la sécurité des Etats mais aussi à la stabilité, à l’intégrité, à la transparence et à l’efficacité des systèmes financiers. Son but est de dissimuler l’origine réelle de produits issus d’activités illicites[3].
Au sens étymologique, le mot ‘’blanchiment’’ est l’action de blanchir, de rendre blanc. Dans un sens plus large, il signifie ‘’disculper’’ ou ‘’innocenter’’. L’acte de blanchir se définit comme l’action de faire disparaître toute preuve de l’origine irrégulière et frauduleuse[4]. Pour le Professeur Wilfrid Jeandidier, l’opération de blanchiment « consiste en la création de l’argent propre par transformation de l’argent sale [5]». Monsieur Ahmed El Amri définit le blanchiment comme « l’existence d’un argent sale que l’on veut nettoyer, blanchir ou laver de sa saleté[6] ». Le blanchiment est donc un terme imagé et évocateur, on blanchit de l’argent comme on blanchit du linge.
Qu’entend-t-on alors par ‘’capitaux’’, objet du blanchiment ? Le dictionnaire Le petit LAROUSSE illustré définit le mot ‘’capital’’ comme « l’ensemble des biens monétaires ou autres possédés par une personne ou une entreprise constituant un patrimoine et pouvant rapporter un revenus[7] ».
Ainsi, les capitaux sont un ensemble de biens monétaires ou autres possédés par une personne ou une entreprise. En réalité, la signification de ce vocable est contextuelle selon la qualité de la personne qui l’utilise. Cependant, le rapprochement de la définition des capitaux déduite ci-dessus avec celle du blanchiment suscite une interrogation. En effet, il se pose la question de savoir si des capitaux qui, par définition ne sont pas ‘’illicites’’ peuvent être blanchis. Le législateur aurait-il omis à dessein de préciser que les actes incriminés concernent ‘’le blanchiment des capitaux illicites’’ ?
Dans tous les cas, cette précision peut être déduite des définitions juridiques du blanchiment. Le blanchiment de capitaux est ainsi défini comme « toute tentative visant à participer à une transaction monétaire qui met en jeu des biens d’origine illicite »[8]. L’article 2 alinéa 1er de la loi N° 2006-14 du 31 octobre 2006 portant lutte contre le blanchiment de capitaux qui reprend la définition de la Convention de Vienne[9] dispose que « le blanchiment de capitaux est défini comme l’infraction constituée par un ou plusieurs des agissements énumérés ci-après, commis intentionnellement, à savoir :
- la conversion, le transfert ou la manipulation de biens, dont l’auteur sait qu’ils proviennent d’un crime ou d’un délit ou d’une participation à ce crime ou délit, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens, ou d’aider toute personne impliquée dans la commission de ce crime ou délit à échapper aux conséquences judiciaires de ses actes ;
- la dissimulation, le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens ou droits y relatifs dont l’auteur sait qu’ils proviennent d’un crime ou d’un délit tels que définis par les législations nationales des Etats membres ou d’une participation à ce crime ou délit ;
- l’acquisition, la détention ou l’utilisation de biens dont l’auteur sait au moment de la réception desdits biens, qu’ils proviennent d’un crime ou d’un délit. »
De cette définition, il ressort quatre conséquences. D’abord, le blanchiment de capitaux est une infraction sous-jacente car faisant suite à une précédente infraction dite d’origine. Ensuite, le blanchiment de capitaux est une infraction autonome en ce sens qu’elle se distingue de l’infraction d’origine punie ou non. Ni la qualification, ni la sanction de l’infraction d’origine ne sont des conditions nécessaires à la qualification de l’infraction de blanchiment de capitaux. En outre, chacun des actes visés ci-dessus constitue tout aussi, une infraction autonome. Enfin, l’incrimination du blanchiment de capitaux repose sur une large conception de la notion. Désormais l’infraction d’origine recouvre tout crime ou délit même commis sur le territoire d’un Etat membre de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine ou d’un Etat tiers, ayant permis à son auteur de se procurer des biens ou des revenus.
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