L’impact de l’abandon de l’élément subjectif de la faute sur la situation des personnes privées de discernement
Dissertation : L’impact de l’abandon de l’élément subjectif de la faute sur la situation des personnes privées de discernement. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar clucchese • 21 Novembre 2023 • Dissertation • 1 845 Mots (8 Pages) • 257 Vues
Sujet : L’impact de l’abandon de l’élément subjectif de la faute sur la situation des personnes privées de discernement.
La faute est une notion complexe par sa qualification et sa faculté d’exploitation pour construire le droit. Les deux juristes français Aubert et Flour illustre ce fait en avançant « Mieux vaut donc convenir de façon moins ambitieuse que la notion de faute est inévitablement assez vague ». On comprend ici que les juristes français font face à certaines difficultés dans la définition de cette notion. De surcroît, elle est un terme qui connaît de nombreuses modifications depuis la rédaction de Code civil, ce qui nous amène à nous poser diverses questions, notamment concernant les personnes privées de discernement.
Depuis 1804, le terme de faute n’est pas défini par le Code civil. Nous convenons tout de même à la qualifier comme une action qui est ou n’est pas volontaire et cause un dommage à autrui. En général, pour que la faute soit établie, la réunion de deux éléments est essentielle. Il y a d’abord un élément objectif qui désigne une erreur de conduite, on parle alors d’illicéité. Et un élément subjectif qui concerne l’imputabilité du comportement anormal à son auteur. Pour que ce comportement soit imputable, il faut que l’auteur soit doté de discernement. Cela pose un problème en cas de situation où une personne privée de discernement est engagée, soit en tant que victime, soit en tant qu’auteur. Une personne privée de discernement est une personne qui ne dispose pas des facultés mentales nécessaires pour distinguer le bien du mal, ce qui peut être fait ou non. En droit français, il existe deux cas de personnes privées de discernement (PPD) : l’aliéné et l’infans. Le dément est une personnes qui est atteinte de troubles mentaux, d’incapacités de telle sorte qu’elle devient étrangère à son corps et qu’elle nécessite généralement une protection judiciaire, comme la tutelle. L’infans est quant à lui un enfant en bas âge qui ne distingue pas ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. À partir de la deuxième moitié du XXè siècle, la notion de faute va connaître une profonde modification en France. En effet, il est alors envisagé d’abandonner l’élément subjectif de la faute pour ne garder que l’objectif du moins, en matière de responsabilité civile. Il est important de rappeler que la faute pénale reste, quant à elle, établie qu’avec la combinaison de ces deux éléments.
Historiquement, dès 1804, pour que la responsabilité de l’auteur du dommage soit engagée, il fallait indispensablement que la faute lui soit imputable. Un principe d’irresponsabilité des PPD était alors affirmé par la jurisprudence, les excluant ainsi du domaine d’application de l’ancien article 1382. De ce fait, une victime dont le dommage était causé par une PPD ne percevait pas d’indemnisation. Pour des raisons d’injustice pour les victimes, des contestations se sont manifestées auprès de la doctrine guidée par les frères Mazeaud qui étaient pour une objectivisation de la faute, en délaissant ses caractères subjectif et moral. Mais ce principe d’irresponsabilité ne disparaîtra qu’à partir des années 1960, avec la prononciation de l’arrêt Trichard le 18 décembre 1964 puisque la Cour envisage une responsabilité du fait des choses pour le dément, suivi de près par l’introduction d’un article 489-2 dans le Code civil, devenu l’article 414-3, qui consent désormais que même en cas de « troubles mentaux », l’auteur est contraint de réparer le dommage. Cet article mène à une ambiguïté quant à son interprétation puisque les termes sont vagues, notamment sur la possibilité d’appliquer cet article aux enfants en bas âge, aux infans. À la suite de ces fondements législatifs et jurisprudentiels, le dément ne dispose plus de cette irresponsabilité. Quant à l’infans, il faut attendre les célèbres arrêts rendus par l’Assemblée plénière de la haute juridiction du 9 mai 1984. À l’issu de ces décisions, les juges décident de l’abandon de l’élément subjectif pour toutes personnes, privées de discernement ou non.
S’interroger sur l’impact de l’abandon de l’élément subjectif de la faute sur les PPD porte un intérêt juridique fort. La question principale qui a mené à l’abandon de l’élément subjectif était le problème d’indemnisation. Il existe en effet un conflit entre deux points de vue. D’un côté, le point de vue « moral » qui pose qu’il est injuste d’engager la responsabilité d’une personne qui n’a pas conscience des actes qu’elle commet. D’un autre, le point de vue qui se place du côté de la victime qui estime qu’il est injuste pour celle-ci de ne pas voir ses préjudices être réparés. Ainsi, la question de l’impact sur les PPD vise à se demander si une conciliation entre ces deux points de vue peut être envisageable pour assurer aux deux parties une protection optimale.
Dès lors, il est intéressant de se demander si l’abandon de l’élément subjectif de la faute a-t-il eu ou non un impact considérable sur la situation des PPD ?
L’abandon de l’élément subjectif de la faute est réellement défavorable pour les PPD, qu’elles soient responsables ou victimes. Cela cause des différences de traitements entre les personnes jugées « raisonnables » et les PPD. Mais, certaines sources du droit ont apporté des solutions pour tenter d’améliorer la situation des dément et infans.
Ainsi, après avoir étudier l’incompatibilité de la faute en tant qu’elle n’est entendue que dans son caractère objectif avec les PPD (I), il conviendra d’étudier que cet abandon se révèle être très contesté (II).
I) L’incompatibilité d’une faute uniquement objective pour les personnes privées de discernement
De cette conception restrictive découle des injustices (A), accentué par un défaut dans son appréciation par le juge (B).
A) La création d’injustices liée à cet abandon
Depuis 1968, toute personne est responsable de son dommage alors
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