Le Songe du Vergier
Commentaire de texte : Le Songe du Vergier. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar TahitiAnge • 13 Avril 2025 • Commentaire de texte • 2 260 Mots (10 Pages) • 31 Vues
Commentaire sur « Le Songe du Vergier »
Ouvrage composé en latin en 1376, sur l’ordre de Charles V, le Somnium Viridarii peut-être considéré comme le brouillon du Songe du Vergier, rédigé lui en français en 1378 dans la seconde partie du Moyen-Âge. Selon Marion Schnerb-Lièvre, dans son édition présentant le Somnium Viridarii, [il] « a bien l'aspect d'un travail préparatoire qui ne devait être présenté au roi qu'après avoir été largement repris, réorganisé et mis en français »[1]. Le Songe du Vergier a été considéré un temps comme « le plus important et le plus fameux des ouvrages de droit public écrits en France »[2] de l’époque avant que démonstration ne soit faite en fin de siècle dernier, qu’il n’était en réalité qu’un vaste regroupement de citations et de références latines[3]. Il se présente sous la forme de longs dialogues entre un clerc et un chevalier qui se donnent la réplique tout au long des 468 chapitres répartis en deux livres. Le clerc entamant les discussions dans le premier tome, le chevalier dans le second, les deux interlocuteurs échangent tour à tour sur leurs visions des rapports entre le pouvoir ecclésiastique et le pouvoir séculaire, plus précisément sur les pouvoirs respectifs du pape et du roi de France, à la fin du XIVe siècle[4].
Écrit sous couvert d’anonymat, l’historiographie du Songe fut source de nombreuses hypothèses d’autant que l’examen des sources indiqua que l’auteur avait puisé et compilé différents textes de divers traités notamment de juristes italiens ou encore du Disputatio inter militem et clericum qui l’inspira en partie dans l’idée de faire échanger un clerc et un chevalier. L’une d’elle attribuant les droits d’auteurs à un membre de l’entourage proche de Charles V, ce ne sont pas moins de neuf noms qui furent proposés avant qu’Alfred Coville, historien et administrateur français émette l’hypothèse d’un lien avec Maître Evrart de Trémaugon, ce que confirmèrent les travaux d’approfondissement de recherche de Marion Schnerb-Lièvre.[5] Evrart de Trémaugon, docteur en droit civil et canon, fut conseiller du roi avant de devenir plus tard évêque de Dol.
Charles V, dit Charles Le Sage fut le 3ème roi de la branche dite de Valois de la dynastie capétienne de France de 1364 à 1380. En 1349, il fut le premier à être appelé dauphin, titre donné à l’héritier du trône depuis l’achat du Dauphiné par son grand-père Philippe VI de Valois. En pleine guerre de Cent Ans (1337-1453), conflit prolongé entre le royaume de France et le royaume d’Angleterre, Charles V régna durant une période marquée par les bouleversements politiques, sociaux et religieux. Entre conflits de territoires et luttes de pouvoir, il réussit à redresser la situation de la France, restaura l’autorité de l’État et rétablit l’autorité royale, la fondant sur l’État de droit.Il parvint également à récupérer une grande partie des territoires continentaux aux Anglais et décentralisa le pouvoir grâce à la politique des apanages[6]. Charles V, considéré comme l’un des plus grands rois de France, décéda en 1380, laissant à son fils un royaume prospère et solide.
Dans cette période moyenâgeuse du fin du XIVe siècle où coexistaient trois ordres juridiques, le droit coutumier, le droit romain et le droit canonique, le contexte juridique fut marqué, particulièrement sous le règne de Charles V, par une évolution des institutions judiciaires, des pratiques juridiques ainsi que par la naissance d’une interaction entre le droit coutumier et le droit écrit. Le droit romain et le droit canonique correspondant chacun à un ordre juridique, l’Empire romain et l’Église, le roi se servit de ces modèles représentés par les figures de chef de l’Empereur et du Pape, pour affirmer et asseoir un état de monarchie absolue. Les légistes du roi puisèrent ainsi des règles de droit dans les textes du droit romain comme dans le Corpus juris civilis, les compilations justiniennes et similairement dans le corpus de règles issues de la législation ecclésiastique afin d’affirmer et de renforcer le pouvoir et la puissance royaux au service de l’État[7].
Au travers de cette évolution et des tensions qui purent en découler dans les rapports entre l’Église et l’État, comment Le Songe du Vergier illustra-t-il les enjeux de légitimité et de souveraineté monarchiques au Moyen-Âge ?
Dans la controverse qui oppose le Clerc au Chevalier, le texte interroge d’une part, la légitimité monarchique et la dévolution à la couronne (I) et d’autre part, l’essence de l’autorité suprême royale (II).
Partie I – La légitimité de la succession royale : héritage et droit coutumier
Le chapitre CXLI, tome I du Somnium viridarii, fait se questionner le Clerc quant à la proximité du roi Charles V avec la couronne et le bien-fondé de sa présence sur le trône (A). La réponse donnée par le Chevalier conforte le bon droit du roi, arguant ainsi le respect du droit traditionnel (B).
A- La question de la succession féminine
« Le Clerc : (Je demande par quel droit et avec quelle conscience le roi actuel, Charles V, tient-il le royaume de France occupé ?) Pouvez-vous dire ou nier qu’il n’existe pas des femmes, voire mêmes des mâles descendants de femmes, qui sont plus proches de la Couronne que le roi qui règne actuellement ?
(…)
Le Clerc soulève la question de la légitimité du roi Charles V et du droit qui lui permet de revendiquer le trône de France. Il interroge le Chevalier sur l’existence de descendances féminines plus proches de la Couronne que le roi actuel, et à défaut de descendants mâles de ces femmes, suggérant ainsi qu’il pourrait exister d’autres prétendants au trône que Charles V. Le Clerc remet également en cause le fait que seule la lignée masculine est légitime pour succéder au monarque précédent, les femmes étant à l’époque, excluent du droit de régner. Dans l’implication des lois de succession en vigueur, la réflexion du Clerc illustre le débat sur le droit de succession en soulignant l’importance de la filiation dans la légitimité dynastique. Il soulève ainsi des questions sur l'équité et la justice de ces lois, qui semblent privilégier les hommes au détriment des femmes et de leurs lignées.
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