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La protection sociale peut-elle s’affranchir des règles de marché ?

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Par   •  22 Mars 2023  •  Fiche  •  1 529 Mots (7 Pages)  •  193 Vues

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La protection sociale peut-elle s’affranchir des règles de marché ?

Dans l’ensemble, les devoirs rendus souffrent de profondes lacunes dans la connaissance de la manière dont fonctionne la protection sociale en France. La plupart des devoirs imputent à l’Etat la responsabilité du financement et de la gestion de la protection sociale, alors que celle-ci incombe aux organismes de Sécurité sociale, lesquels sont gérés soit paritairement (employeurs et organisations syndicales représentant les salariés) soit de manière tripartite, et que l’essentiel du financement provient de cotisations assises sur le travail (et acquittées par les employeurs et les salariés, les indépendants ayant un système de cotisations spécifiques).

De ce point de vue, l’expression consacrée d’Etat-providence est un peu abusive, puisqu’en France en tout cas, il ne s’agit pas d’une intervention directe de l’Etat. Dans la classification des trois types d’Etat-providence proposée par Gosta Esping Andersen qui s’est à peu près imposée comme référence (il distingue trois modèles : le welfare state libéral où le marché est l’acteur majeur et où l’Etat assure une protection minimale, le modèle corporatisteconservateur qui finance la protection sociale par des cotisations assises sur le travail qui s’inspire de l’Etat social bismarkien et le modèle social-démocrate inspiré du rapport Beveridge qui propose une protection sociale universelle financée par l’impôt), la France est plutôt un mixte des deux derniers systèmes, corporatiste conservateur pour les contributions et social démocrate universaliste dans la visée des prestations.

Si l’Etat a joué un rôle majeur dans l’organisation de la protection sociale, en créant la Sécurité sociale en 1945, celle-ci a conforté et englobé les systèmes mutualistes partiels qui lui préexistaient, en se fondant en grande partie sur la philosophie solidariste de Léon Bourgeois, qui considère que chacun doit, par son travail, contribuer au remboursement de la dette sociale contractée à sa naissance. D’où l’idée de financer les situations où l’individu est empêché de travailler (maladie, vieillesse, chômage) par des cotisations assises sur le travail et une mutualisation des risques.

Il est vrai que ce système rencontre, à partir du milieu des années 70 des limites et, comme on a pu le dire, entre en crise (Pierre Rosanvallon, La crise de l’Etat-providence, Le Seuil, 1981). Mais il faut souligner que cette crise est d’abord le fait de la réussite de cet Etat-providence plus que de son échec. Nous vivons en moyenne plus longtemps en bonne santé que nos aînés, en grande partie du fait des protections garanties par la protection sociale. C’est là que se rencontrent les limites : les dépenses de santé augmentent, au fur et à mesure que des pathologies plus lourdes sont prises en charge, les dépenses de retraites aussi, du fait mécanique de l’allongement de la durée de vie, et la croissance du chômage induit une augmentation des dépenses d’indemnisation ainsi qu’une baisse des recettes de l’ensemble des caisses de protection sociale (cotisations).

Cette crise est aussi une crise de légitimité, la signification des cotisations étant progressivement perdue de vue par une part croissante de la population, qui perçoit les prestations sociales comme dues par la collectivité, c’est-à-dire par l’Etat. En outre, les progrès de la médecine préventive, puis prédictive, contribuent à une individualisation du risque, déchirant ainsi le « voile d’ignorance », ou cassant la « boîte noire » de l’aléatoire du risque (Pierre Rosanvallon, La nouvelle question sociale : repenser l’Etat-providence, Le Seuil, 1995).

Aussi l’Etat est-il intervenu de manière croissante pour endiguer le déficit en particulier en créant la CSG (cotisation sociale généralisée) en 1990 puis en 1996 la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale), qui sont des ressources fiscales affectées, appelée « cotisation » pour la première pour marquer son lien avec les cotisations sociales et ménager les partenaires sociaux. De même depuis 1996 et la réforme Juppé de la protection sociale, le parlement est amené à voter la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). Cependant, le système de la sécurité sociale conserve un budget propre, avant tout abondé par les cotisations sociales, de même que la dette sociale est comptabilisée à part de la dette de l’Etat (les efforts consentis par les évolutions récentes ont porté leurs fruits puisque cette dette se monte à 10% environ de la totalité de la dette publique de la France : elle n’est donc pas abyssale et les prévisions actuelles laissent espérer un retour à l’équilibre dans les prochaines années).

En résumé l’Etat assume aujourd’hui un rôle croissant dans la gestion de la Sécurité sociale sans pour autant qu’on puisse parler d’un basculement de celle-ci dans le budget de l’Etat. Celui-ci assure par ailleurs des dépenses d’assistance sociales en finançant des aides sociales, qui ne font pas partie de la protection sociale au sens strict (minimum vieillesse, RMI puis RSA, APL, etc.).

Si la distinction entre la Sécurité sociale et l’Etat était à faire, a fortiori la protection sociale doit être distinguée des politiques publiques en général. De même les différentes modalités d’indemnisation de risques exceptionnels (amiante, terrorisme, etc.) ne relèvent pas de la protection sociale usuelle.

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