Droit à l'oubli numérique
Dissertation : Droit à l'oubli numérique. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar chloé leroi • 20 Juin 2023 • Dissertation • 2 435 Mots (10 Pages) • 453 Vues
Dissertation : le droit à l’oubli numérique
« A ces chiens toujours en chasse, le loup d'aujourd'hui fait oublier le loup d'hier » écrivait Victor Hugo dans le livre II des Misérables. Mais aurait-il été possible pour le loup de faire oublier celui qu’il a été à l’aune du numérique ?
En effet, avec l’apparition d’Internet, il est devenu très difficile de se faire oublier puisque toutes les informations sont collectées et demeurent référencées. Comme le disait Judith Rochfeld, une éminente professeure de droit privé à l'Université de Paris 1, “Le numérique n’a pas d’oubli naturel : il retient tout”. Il est vrai qu’il a fallu adapter le droit à ce bouleversement de la société. Anthropologiquement, les Hommes sont faits pour oublier les informations, mais avec l’arrivée du numérique, en un clic, on peut se souvenir de tout : alors un déséquilibre est créé qu’il a fallu combler.
Le droit à l'oubli numérique peut être défini comme un droit de demander à un moteur de recherche la suppression de résultats qui sont associés à un individu après avoir fait une recherche sur Internet sur cette personne. Seule la personne physique concernée par les résultats associés à son nom et son prénom peut accéder à ce droit. Cette interconnexion de données porte atteinte au droit à la vie privée des personnes. Le Doyen Carbonnier définit d’ailleurs la vie privée comme « la sphère secrète où l’individu aura le droit d’être laissé tranquille. » C’est d’ailleurs au sujet de la vie privée protégé par le droit à l’oubli numérique que nous allons nous borner durant ce développement.
Avec le déséquilibre créé par Internet et ses sites, le droit au respect de la vie privée consacré par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, en son article 12, est mis à mal. Alors la justice française a mis en place des moyens de protection de la vie privée notamment avec l’instauration de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) avec l’adoption de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le rôle de la CNIL est de concilier ordre public et libertés en contrôlant les fichiers informatiques pouvant contenir des informations relatives à la vie privée. C’est d’ailleurs à elle de sanctionner les géants du Web (dits GAFAM - Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) qui contreviendraient au droit à la vie privée. Le 7 décembre 2020, elle sanctionne d’une amende de 100 millions d’euros plusieurs sociétés du groupe GOOGLE après avoir imposé des cookies publicitaires sur les ordinateurs d’utilisateurs du moteur de recherche google.fr sans consentement préalable ni information satisfaisante, décision qui sera validé par le Conseil d'Etat en janvier 2022.
Avec l’instantanéité des publications sur Internet et l’accès à un public de plus en plus grand et de plus en plus jeune, il fallait mettre en place des mécanismes de prévention et de solution protégeant le droit à la vie privée en plus des sanctions de la CNIL.
Alors, le 23 mai 2018, le règlement général sur la protection des données est adopté transcrivant alors le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Ce dernier consacre le droit à l’oubli numérique dans son article 17.
Mais alors est-ce que ce droit à l’oubli numérique est réellement efficace ?
Dans un premier temps, il s’agira de voir en quoi le droit à l’oubli numérique est efficace dans son application bien que surprenant (I), puis dans un second temps que ce droit à l’oubli numérique trouve tout de même ses limites (II).
I. Le droit à l’oubli numérique, protégeant efficacement les données personnelles à l’aune d’Internet
Dans un premier temps, il s’agira de de voir en quoi le droit à l’oubli numérique est une extension consacrée du droit à la vie privée (A) pour ensuite constater que le droit à l’oubli donne un surprenant rôle de juge aux GAFAM (B).
A. Une extension attendue du droit à la vie privée
Alfred de Musset disait « A défaut du pardon, laisse venir l'oubli ». Au XIXème siècle, son idée était tout à fait valable, mais aujourd'hui, si l’on veut pouvoir oublier, il faut agir en conséquence. Puisque l'information reste permanente 24h sur 24 et à disposition de tous ceux qui veulent la consulter via Google et autre, le déréférencement est accueilli comme une libération. Il s’agit du droit de revivre puisque ce n’est pas parce que l'on a été que l'on sera forcément.
En droit communautaire, ce droit au déréférencement est contenu dans une directive européenne du 24 octobre 1995. Il s’agit du droit avec lequel on accède au droit à l’oubli numérique, les données que l’utilisateur souhaite voir disparaître sont rendues inaccessibles, mais ne sont pas effacées. C’est la jurisprudence qui a complété cette directive avec l’arrêt GOOGLE SPAIN du 13 mai 2014 rendu par la Cour de justice de l'Union Européenne. En l’espèce, un ressortissant espagnol demande à GOOGLE de retirer des articles de journaux diffusés lorsque l’on tape son nom sur le moteur de recherche. Ces articles évoquaient la saisie de ses biens pour recouvrir des dettes sociales des années auparavant, ce qui nuisait aujourd'hui à sa réputation. L’entreprise GOOGLE n’accède pas à sa demande de déréférencement, car le moteur de recherche considère que, du fait de l’approche territoriale des données, la responsabilité est celle de sa filiale GOOGLE SPAIN. La Cour de justice de l'Union Européenne ne prend pas en compte cet argument dans sa décision et considère que les données ne sont plus pertinentes quinze ans après les faits, qu’elles portent atteinte à sa vie privée et à sa réputation et doivent donc être déréférencées.
Alors cette décision est un bouleversement dans le droit à l’oubli du numérique (A), nous allons voir qu’elle donne une responsabilité directe aux moteurs de recherche dans la prise en charge des demandes de suppression de données les concernant (B).
B. Un surprenant rôle de juge octroyé aux GAFAM
Après l’arrêt de la Cour de justice de l’Union Européenne du 13 mai 2014 GOOGLE SPAIN, la plateforme a dû répondre en conséquence. Puisque cette Haute juridiction européenne a renforcé la responsabilité des plateformes en matière de protection des données, il fallut trouver un mécanisme qui, en pratique, permettrait de mettre en place ce droit à l’oubli numérique et ainsi de répondre à la demande très forte des utilisateurs.
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