Commentaire d'arrêt Mme Perreux
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt Mme Perreux. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Inès Thomas • 16 Octobre 2023 • Commentaire d'arrêt • 1 750 Mots (7 Pages) • 372 Vues
Commentaire d'arrêt Mme Perreux
« Cohn-Bendit est mort ! ». C’est en prononçant cette phrase que le professeur Pierre Delvolvé a accueilli l’arrêt Mme PERREUX du Conseil d’Etat du 30 octobre 2009. Cette acclamation n’est pas seulement la marque d’un revirement de jurisprudence mais aussi la consécration d’un droit pour les administrés d'être soumis à l’effet direct des directives européennes, droit attendu par certains depuis longtemps.
Dans un arrêt en date du 30 octobre 2009, le Conseil d'Etat, à eu à se prononcer sur un décret en date du 24 août 2006 et un arrêté du 29 août 2006.
En l'espèce, une demanderesse conteste une décision du ministre de la justice qui refuse de la nommer à un poste auquel elle aspirait et qui nomme une autre candidate.
Ce refus est considéré par la requérante comme le résultat de discriminations liées à son engagement syndical.
Ce litige concerne une directive qui, à l'époque des faits, n'était pas encore transposée en droit français.
La demanderesse enregistre une requête auprès du secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat. Elle souhaite l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 24 août 2006 ainsi que de l'arrêté du 29 août 2006.
La requerante forme sa demande sur l'article 10 de la directive 2007/78/CE du Conseil en date du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail et selon lequel “les États membres doivent prendre les mesures nécessaires, lorsqu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et rapporte des faits qui permettent de présumer l’existence de discrimination.”
Est-il possible d’invoquer contre un acte administratif non réglementaire, une directive du droit communautaire qui n’a pas été transposée dans le droit interne ?
Le Conseil d'Etat, dans un arrêt en date du 30 octobre 2009, décide de débouter la demande de la requérante et discute les conclusions de sa requête.
En effet, les juges supremes considerent que le choix de ne pas nommer la requerante au poste qu’elle desirait, ne repose pas sur des “motifs entachés de discrimination”.
En arrivant à cette conclusion, le Conseil d’etat affirme aussi que les directives communautaires non transposées en droit interne peuvent être invoquées par tout justiciable dans le cas d’un recours dirigé contre un acte administratif, et ce lorsque l’etat n’a pas pris les mesures de transpositions nécessaires dans le délai imposé et lorsque celles-ci sont précises et inconditionnelles.
Cette solution du Conseil d’Etat du 30 octobre 2009 a marqué un réel changement de procédure dans le droit administratif et il s’agit de ce fait d’un arrêt essentiel dans la matière.
Il s’agit ici de l’opération d’un véritable revirement de jurisprudence, qui ouvre la voie à de tous nouveaux jugements avec une position assurée du CE en faveur de l’invocabilité des directives. (I-/)
En outre, dans cet arrêt de principe, le CE affirme aussi la prévalence des normes précises et inconditionnelles européennes, comme conditions à l’effet direct des directives. (II-/)
I-/ La position ferme du CE en faveur de l’invocabilité des directives
Il s’agit ici de montrer que le Conseil d’etat est en faveur de l’invocabilité des directives, et ce en affirmant sa position quant à la transposition des directives qui résulte de l’ordre de l’obligation (A) ainsi que l’effet direct des directives européennes consacré pour les recours concernant un acte non réglementaire (B).
A) L’obligation affirmée de la transposition des directives
Le droit français est en partie régi par les normes européennes, qui lient les Etats membres entre eux. L’article 288 du Traité sur le fondement de l’Union Européenne impose une transposition des directives européennes dans le droit national. En effet, les directives européennes, au contraire des règlements qui ont une portée générale, n’a pas d’effet direct sur le droit des États membres sans transposition.
Dans son arrêt MME PERREUX de 2009, le Conseil d'Etat confirme cette position. En effet, il rappelle que “Considérant que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne”. Le Conseil d'Etat confirme ici un principe fondateur de l’appartenance à la communauté européenne, la France comme tout autre État membre, est tenue de transposer les directives européennes dans son droit national. Il s’agit d’une obligation qui est coercitive dans le sens ou les pays membres peuvent être condamnés par les juridictions européennes dans le cas où ils ne respectent pas la transposition. Cela a notamment été le cas pour la France lors de l'arrêt de la Cour européenne de l’Union Européenne rendu le 29 mars 2007 COMMISSION c/ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
Cependant, le CE dans l'arrêt PERREUX va encore plus loin que la simple confirmation de ce principe puisqu’il énonce ensuite que la transposition “revêt, en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle”. Cet article de la Constitution qui énonce la volonté de la France de se rassembler avec d’autres Etats est donc utilisé ici par les juges suprêmes comme une assurance au respect de transposition. En effet, puisque la transposition revêt ici d’une obligation constitutionnelle, ne pas la respecter reviendrait à aller à l’encontre du droit européen mais aussi du droit national Français. L’emploi ici du terme d’obligation constitutionnelle a du sens puisque avant l'arrêt étudié, les directives européennes n’avaient pas d’effet direct sur les actes administratifs.
C’est avec l'arrêt FÉDÉRATION FRANÇAISE DES SOCIÉTÉS DE PROTECTION DE LA NATURE de 1974 que les juges du Conseil d'Etat accordent un effet direct aux actes administratifs réglementaires. Cependant, l'arrêt PERREUX concerne un recours contre un acte individuel, autrement dit, non réglementaire.
B) La consécration de l’effet direct des directives européennes sur les actes non réglementaires
Le Conseil d'Etat, a travers un arrêt COHN BENDIT de 1978, oppose le droit français au droit communautaire en statuant que “Les directives ne peuvent pas être invoquées directement à l'appui d'un acte administratif individuel, et ce, même si le délai de transposition de la directive est dépassé”. Le juge administratif établit donc a travers cette jurisprudence que les justiciables ne sont pas dans le droit d’invoquer les directives européennes lors d’un recours formé contre un acte administratif non réglementaire. Dans le droit français, un requérant ne peut donc pas fonder son recours sur une directive, et ce qu’elle soit transposée en droit français ou non.
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