Commentaire d'arrêt : Cour de cassation, Assemblée plénière, 9 mai 1984, n°80-93.031
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt : Cour de cassation, Assemblée plénière, 9 mai 1984, n°80-93.031. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar elisebaldran • 28 Février 2023 • Commentaire d'arrêt • 2 438 Mots (10 Pages) • 607 Vues
Droit civil 2
Pemika PIMPKRAREED
Groupe 6
DROIT CIVIL 2 : DROIT DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
Commentaire d’arrêt : Cour de cassation, Assemblée plénière, 9 mai 1984, n°80-93.031
Le terme « infans » désigne en latin « ne parlant pas ». Il a connu une évolution quant à sa signification, qui renvoie au caractère de l’enfance, de quelque chose d’enfantin. En droit, et particulièrement en droit pénal et en droit des obligations, l’infans est l’enfant qui ne peut pas être jugé et condamné, en raison de son bas âge. Dépourvus, d’une réelle conscience et capacité de discernement, celui-ci possède en quelque sorte une immunité face aux condamnations civiles et pénales.
Dans l’arrêt de principe Lemaire, rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 9 mai 1984, il semble que le terme d’infans est au cœur de la problématique . En effet, cette jurisprudence rompt avec l’acception traditionnelle de la faute.
En l’espèce, un ouvrier électricien a effectué des travaux d’électricité dans une étable. Quelques dizaines de jours plus tard, un garçon de 13 ans, le fils des propriétaires de la ferme, se rend à l’étable afin de visser une ampoule dans une douille. Malheureusement, celui-ci meurt électrocuté.
Les consorts, parent du jeune enfant, assigne l’ouvrier et son patron devant le Tribunal correctionnel de Dunkerque, d’abord sur le plan pénal, et aussi sur la réparation civile de leur dommage. Ces derniers visent principalement la faute de l’électricien sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, actuellement l’article 1242 du Code civil. De plus, ils soulignent la responsabilité de l’employeur au sens de l’article 1384 alinéa 4 ancien du Code civil.
Le 11 mai 1979, le Tribunal correctionnel de Dunkerque juge l’ouvrier coupable d’homicide involontaire, par conséquent, il est condamné d’une amende avec sursis. Concernant la responsabilité civile, il est jugé à moitié responsable des conséquences de l’accident. Quant à l’employeur, celui-ci est jugé comme totalement responsable. Mécontent, les deux parties interjettent appel. Cependant, le 28 mai 1980, la Cour d’appel de Douai infirme le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Dunkerque. La juridiction considère que l’ouvrier est bien coupable d’homicide involontaire, et reste condamné à la peine d’amende avec sursis, cependant, l’employeur est relaxé. En outre, elle estime que la faute de la victime, a entraîné pour moitié la responsabilité civile de l’électricien. Toujours mécontents, les consorts forment un pourvoi en cassation.
Concernant la responsabilité civile, la Cour d’appel de Douai fait un partage de responsabilité entre le jeune enfant décédé et l’électricien. En effet, elle explicite que le montage utilisé dans la dépendance était interdite, et que l’enfant n’avait pas coupé le courant. De plus, en continuant de prouver la faute de l’enfant, elle formule : « L’enfant aurait dû couper le courant avant de visser l’ampoule aucune indication ne pouvant être déduite de la position de l’interrupteur ».
Selon les consorts, les juges n’ont pas retenu la capacité de discernement de l’enfant, et donc de sa compréhension sur les conséquences de son action fautive.
Il convient de se demander un enfant, dépourvu de discernement des conséquences de ces actes, peut commettre une faute en matière de responsabilité civile.
Les juges se sont rendus compte de l’importance du problème de droit, et que celle-ci était une question de principe. En conséquence, l’affaire a été renvoyée devant l’Assemblée plénière.
Ainsi, dans l’arrêt Lemaire, l’Assemblée plénière répond qu’un enfant, même démuni de discernement, peut commettre une faute au sens de la responsabilité civile. La haute juridiction considère que la Cour d’appel de Douai n’avait pas a vérifier si l’enfant détenait la capacité de discernement, et notamment des conséquences de son acte : « la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte ». En outre, elle formule que le jeune enfant « aurait dû, avant de viser l’ampoule, couper le courant en actionnant le disjoncteur ».
A l’origine, la responsabilité de l’enfant qui n’est pas doté de la capacité à discerner n’était pas pris en compte. En effet, la jurisprudence rejetait la qualification de faute de l’infans qui ne possède pas une véritable conscience. Or, la haute juridiction estime que « l’enfant de 13 ans, mortellement électrocuté en vissant une ampoule su une douille dont l’installation était défectueuse aurait dû couper le courant avant de visser l’ampoule ». La Cour de cassation est claire : l’infans, même dépourvu de la capacité à discerner, peut commettre une faute lorsqu’il cause un dommage à autrui. Ainsi, l’arrêt Lemaire fait un véritable revirement de jurisprudence.
Par cet arrêt, la Cour de cassation apporte un apport nouveau dans la jurisprudence civile, en incluant une conception objective de la faute de l’enfant (I). Cependant, cette décision suscite quelques contestations en raison de son exigence (II).
- L’adoption dune conception objective de la faute de l’infans
Il convient d’abord d’analyser le terme de « faute », central dans l’arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation (A). Cet arrêt procède à un véritable revirement de jurisprudence au bénéfice de l’élément objectif (B).
- La conception classique de la faute objective remise en cause
La Cour de cassation a pu explicité : « La Cour d’appel, qui n’était pas tenue de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte ». Cette formulation sera la ligne directrice de cette analyse. En effet, cette expression va être la conséquence d’un changement important dans la jurisprudence de la responsabilité civile. Selon l’article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Le « fait quelconque de l’homme » sera qualifié de faut en présence de certaines conditions. Autrefois, la faute civile comportait en plus de l’élément matériel, un élément moral : l’auteur devait avoir conscience de son acte. Cependant, des personnes pouvaient être privées de discernement, par conséquent, certaines personnes ne pouvaient pas engager leur responsabilité civile. Il s’agit des enfants en très bas âge (infans) et les personnes atteintes de troubles mentales. Or, se posait un problème : ces personnes pouvaient être à l’origine de dommages, mais ces dommages ne pouvaient pas être réparés.
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