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Commentaire d'arrêt : Cass. Com., 11 septembre 2024, n°24-12.371

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Par   •  6 Avril 2025  •  Commentaire d'arrêt  •  2 609 Mots (11 Pages)  •  17 Vues

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Cass. Com., 11 septembre 2024, n°24-12.371

La franchise participative est un modèle dans lequel le franchiseur participe au capital du franchisé afin de conserver un pouvoir de contrôle. Si cela assure normalement la pérennité de l’enseigne, il révèle ses limites lorsque le franchisé connaît des difficultés financières. En effet, les règles des procédures collectives, visant à préserver la continuité de l’activité, peuvent prévaloir sur les droits statutaires du franchiseur. L'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 11 septembre 2024 (n° 24-12.371) illustre bien cette tension entre la sauvegarde de l’entreprise et les droits d’un associé minoritaire.

En l’espèce, une société exploitant un supermarché sous l’enseigne Carrefour City (le franchisé) est contrôlée majoritairement par un couple de gérants, tandis qu'une filiale du groupe Carrefour (le franchiseur) détient 26 % du capital social. Les statuts de la société prévoient que toute modification de l'enseigne du fonds de commerce nécessite l'accord préalable des associés représentant plus de 75 % des parts sociales. Le 17 juin 2020, la société franchisée dénonce les contrats d’approvisionnement et de franchise la liant aux sociétés Carrefour, avec effet au 25 juin 2021.

En raison de difficultés financières, le franchisé est mis en procédure de sauvegarde le 30 septembre 2020. Le 16 juin 2021, le tribunal de la procédure collective, sur requête du franchisé et de son administrateur judiciaire, autorise la convocation d'une assemblée générale extraordinaire pour modifier l'objet social de la société à la majorité simple, en application de l'article L. 626-3 du Code de commerce. Le franchiseur forme une tierce opposition contre cette décision et soulève plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité.

Les principaux arguments soulevés par le franchiseur dans le cadre de ses questions prioritaires de constitutionnalité sont les suivants :

La société estime que l’article L. 626-3 du Code de commerce porte atteinte au droit de propriété des associés minoritaires en permettant au juge d’autoriser une modification statutaire à la majorité simple sans débat contradictoire préalable, ce qui neutralisait leur droit de vote.

De plus, l’article contesté violerait la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre des associés minoritaires en permettant de modifier de manière substantielle le contrat de société sans leur consentement explicite.

Le franchiseur conteste également la possibilité de contester la décision via la tierce opposition, estimant qu’elle ne garantit pas un recours effectif pour les associés minoritaires, en raison du délai très court et de l’absence de notification ou de publication de la décision.

Dès lors, l’article L. 626-3 du Code de commerce, en permettant au juge d’écarter une clause statutaire pour favoriser l’adoption d’un plan de sauvegarde, porte-t-il une atteinte disproportionnée aux droits des associés minoritaires ?

La Cour de cassation, dans son arrêt du 11 septembre 2024, refuse de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, validant implicitement le dispositif contesté. Elle considère que l’article L. 626-3 du Code de commerce ne méconnaît pas les droits et libertés fondamentaux invoqués. En premier lieu, la Cour rappelle que l’article L. 626-3 est applicable uniquement aux entreprises en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Elle estime que cette disposition, qui permet au tribunal de statuer sans débat contradictoire préalable, ne porte pas atteinte de manière disproportionnée aux droits des associés minoritaires, dans la mesure où l’objectif de la procédure de sauvegarde est de préserver l’entreprise, maintenir l’activité, l’emploi et apurer le passif. Ces objectifs d’intérêt général justifient la possibilité de prendre des décisions sans l’accord préalable des associés minoritaires. En second lieu, la Cour souligne que le recours en tierce opposition, prévu par l’article L. 661-3 du Code de commerce, permet aux associés minoritaires de contester la décision prise par le tribunal, garantissant ainsi un recours juridictionnel effectif.

Ainsi, la Cour justifie la neutralisation d’une minorité de blocage au nom des objectifs d’intérêt général de la procédure (I), mais cette solution laisse subsister des interrogations quant à la protection effective des droits des associés minoritaires, particulièrement dans le cadre de la franchise participative (II).

I. La neutralisation de la minorité de blocage des associés minoritaires au nom de la sauvegarde

La Cour de cassation admet que la procédure de sauvegarde puisse neutraliser une minorité de blocage, grâce à un mécanisme dérogatoire prévu à l’article L. 626-3 du Code de commerce (A). Toutefois, cette dérogation, qui affecte directement les prérogatives du minoritaire, est encadrée par l’exigence d’une finalité d’intérêt général et par la garantie d’un recours juridictionnel (B).

A) L’article L. 626-3 du Code de commerce, un outil de sauvegarde dérogatoire aux règles classiques de majorité

L’article L. 626-3 du Code de commerce, issu de la loi de sauvegarde, déroge au droit commun des sociétés en permettant de contourner les règles de majorité habituellement applicables en assemblée générale lors de l’adoption d’un plan de sauvegarde. Plus précisément, le juge de la procédure collective a la faculté d’abaisser les seuils de majorité nécessaires pour adopter des modifications statutaires requises par le plan, et ce dès la première assemblée. Sur deuxième convocation, en revanche, les règles de quorum et de majorité de droit commun redeviennent applicables. Le juge peut ainsi autoriser l’adoption à la majorité simple de modifications statutaires nécessaires au redressement de l’entreprise, y compris lorsque les statuts exigeraient normalement une majorité qualifiée, comme les 75 % requis en l’espèce pour modifier l’objet social du franchisé. Ce dispositif, introduit initialement par l’ordonnance du 12 mars 2014 dans un but de rééquilibrage des rapports entre associés et créanciers, permet ainsi de neutraliser une minorité de blocage qu’un ou plusieurs associés auraient pu s’aménager.

Il convient de souligner que l’usage de ce mécanisme est discrétionnaire. Le tribunal « peut décider » de l’appliquer, ce qui implique une appréciation d’opportunité.

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