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Ass. Plén., 9 mai 1984, n° 80-93.481, Derguini

Commentaire d'arrêt : Ass. Plén., 9 mai 1984, n° 80-93.481, Derguini. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  21 Septembre 2023  •  Commentaire d'arrêt  •  1 601 Mots (7 Pages)  •  186 Vues

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Ass. Plén., 9 mai 1984, n° 80-93.481, Derguini

Quod quis ex culpa sua damnum sentit, non intellegitur damnum sentire. Digeste, fr. 203, D.de R.J., 50, 17. (règle qui interdit à la victime de réclamer des D-I dès lors qu’elle eut pu éviter le dommage ou qu’elle avait contribué à sa réalisation (cf Thèse de C. André sur le fait du créancier p. 3). La portée d’un tel adage est questionnée et l’arrêt d’espèce, rendu le 9 mai 1984 par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, invite à participer au débat.

Ici, une certaine Fatiha Derguini, âgée de 5 ans, a été heurtée sur un passage protégé et mortellement blessée par une voiture. Une action en responsabilité est introduite à l’encontre de son conducteur.

Dans son arrêt du 9 juillet 1980, la Cour d’appel de Nancy a constaté que la victime avait soudainement traversé la chaussée malgré l’arrivée imminente de la voiture, et avait ainsi rendu impossible toute manœuvre d’évitement de sa part. Elle a déclaré le conducteur coupable d’homicide involontaire mais a donc réduit de moitié la condamnation à réparation du dommage consécutif à l’accident.

Les parents de la jeune victime forment un pourvoi en cassation, reprochant à la Cour d’appel d’avoir réduit leur droit à réparation. Ils estiment, d’une part, que le défaut de discernement du mineur exclut qu’il ait pu commettre une faute. D’autre part, ils estiment contradictoire la conclusion de la Cour d’appel qui a tantôt reconnu l’existence d’une faute commise par le conducteur, tantôt fait état de l’irruption imprévue de la jeune fille, alors que le conducteur aurait commis une faute d’attention à l’approche du passage pour piétons.

La reconnaissance de la faute d’un infans est-elle dépendante de sa capacité de discernement ?

La Cour de cassation prononce un arrêt de rejet dans lequel elle approuve la Cour d’appel de Poitiers d’avoir considéré que Fatiha, sans qu’il soit besoin de s’assurer de sa faculté de discernement, avait commis une faute de nature a exonéré partiellement de sa responsabilité l’auteur du dommage.

Ce faisant elle consacre une conception objective de la faute (I) qui n’est pas sans conséquences sur la prise en compte de la faute commise par l’enfant victime d’un dommage (II).

I) L’adoption d’une conception objective de la faute de l’infans

La conception objective de la faute de l’infans, qui est initiée dans cet arrêt novateur (A), est a priori parfaitement conforme au fondement actuel de la responsabilité civile qui est celui de l’indemnisation des victimes d’un dommage (B).

A) Une conception nouvelle consacrant une responsabilité pour faute objective

- La question se pose sous un jour particulier. Précisément, c’est la faute de l’enfant en tant qu’il se prétend victime qui lui est reproché. Pour autant, la portée de la solution de l’assemblée plénière de la Cour de cassation est bien plus générale. Elle s’inscrit d’ailleurs dans un contexte spécifique puisque l’arrêt Derguini doit être lu en combinaison avec l’arrêt Lemaire.

- Pour la première fois, la Cour de cassation cesse d’exiger que l’auteur d’une faute soit capable de discerner les conséquences de ses actes. Dès lors, elle consacre, concernant l’infans, une conception objective de la faute (voir aussi l’arrêt Lemaire du même jour). La solution a vocation à être réutilisée concernant tous les auteurs de dommage dépourvus partiellement ou totalement de discernement, faisons référence ici aux aliénés (Trichard, 18 décembre 1964, loi du 3 janvier 1968) ou aux infans dans un autre contexte (voir les arrêts Gabillet, retenant qu’un enfant de 3 ans peut être considéré comme gardien d’une chose, et Fullenwarth, retenant que les parents sont responsables du fait commis par un enfant en bas âge quand bien même il n’aurait pas de capacité de discernement).

- La solution sera reprise dans des arrêts ultérieurs et semble par ailleurs acquise en droit positif (Civ. 2ème, 12 décembre 1984, RTD Civ., 1986, p. 120, Civ. 2ème, 28 février 1996, D. 1996, p. 602, note F. Duquesne).

B) Une conception nouvelle conforme aux fondements de la responsabilité civile

- La décision s’inscrit dans un courant général d’évolution de la responsabilité civile qui se détache progressivement de toute connotation morale et d’idée de sanction (voir à cet égard les conclusions du Premier avocat général Cabannes après cet arrêt, Dalloz, 1984, p. 527 et s.).

- Une conception objective de la faute permet à toutes les victimes d’un dommage causé par une personne dépourvue de discernement d’obtenir quand même réparation. Ceci est bien évidemment conforme au principal objectif actuel du droit de la responsabilité civile qui est celui de l’indemnisation des victimes.

- Quant au mode d’appréciation de la faute de l’infans, elle s’effectue généralement in abstracto. Concrètement, ses actes sont examinés au regard de ce qu’aurait fait un homme raisonnable. En effet, ce n’est pas en rapport avec le comportement d’un autre enfant du même âge qu’est vérifiée la faute de l’infans, mais au regard d’un modèle plus abstrait (voir sur ce point une jurisprudence confirmative : Civ ; 2ème, 28 février 1996). Ceci est particulièrement sévère pour l’infans mais permet, à nouveau, en théorie, de mieux indemniser les victimes.

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