Le Spleen de Baudelaire
Fiche : Le Spleen de Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Eliott 5624 • 23 Mars 2020 • Fiche • 1 198 Mots (5 Pages) • 1 921 Vues
Baudelaire, Les Fleurs du mal
Les numéros des poèmes en chiffres romains correspondent aux éditions de 1857 et 1861.
(Rappel : Pour lire les chiffres romains : I = 1 ; V = 5 ; X = 10 ; L = 50 ; C = 100
Ex. : LIX = 59 ; LX = 60 ; LXXIV = 74 ; LXXVI = 76…)
Les numéros de pages indiquées sont celles de votre édition recommandée Biblio lycée, Hachette, 2019.
Qu’est-ce que le « Spleen » baudelairien ?
Corpus étudié pour caractériser le « spleen » baudelairien :
Dans la première section des Fleurs du mal intitulée « Spleen et Idéal » on trouve un sous-ensemble de 4 poèmes tous titrés « Spleen »
Spleen (LIX), « Pluviôse, irrité… », p. 115
Spleen (LX), « J‘ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans… », p. 116
Spleen (LXI), « Je suis comme le roi d’un pays pluvieux », p. 118
Spleen (LXII), « Quand le ciel bas et lourd… », p. 119
Corpus complémentaire : Ce sous-ensemble est lui-même flanqué d’un triste cortège d’autres poèmes sur le même thème : « Sépulture » (LXXIV), p. 144, « Obsession » (LXXIX), p.232, « Alchimie de la douleur » (LXXXI), p. 234, « Horreur sympathique » (LXXXII), p. 235, « L’Irrémédiable » (LXIV), p. 128-129, ou encore le très désespéré « Le Goût du néant » (LXXX), p. 233.
Origine et sens du mot « spleen » : L’emprunt par Baudelaire à la langue anglaise (qu’il connaît bien pour avoir traduit E. A. Poe) du mot « spleen » pour donner un nom au mal qui l’afflige est significatif. « Spleen » est en effet intraduisible en français si ce n’est par un jeu de périphrases ou de synonymes qui n’épuisent jamais toutefois le foisonnement polysémique du terme « Spleen mal inconnu ou d’inconnu », écrit ainsi George Blin ; spleen, mot inconnu, mot méconnu, et pourtant désormais trop connu, pourrions-nous ajouter tant l’auteur des Fleurs du mal en a fait le vocable emblématique d’une partie essentielle de son inspiration et de son œuvre.
Ce mot signifie littéralement en anglais « rate » (l’organe) puis par métonymie « l’humeur noire » qui est selon la médecine ancienne à l’origine de « la mélancolie ». Le mot « dépression » pourrait en être un équivalent moderne.
Baudelaire emprunte donc ce mot à la langue anglaise pour désigner le mal-être qui l’accable : malaise physique, « ennui » existentiel et désarroi moral de tout son être. Les décors et les objets du monde environnant deviennent ici autant de symboles de la faillite d’un corps et d’une âme.
I. Le spleen : des bleus au corps et à l’âme
On profitera de l’analyse de ces poèmes pour bien distinguer les deux versants du spleen baudelairien avec sa double collection de symptômes et d’effets.
Physiologiquement (au plan physique) d’abord, le spleen se caractérise par des sensations d’usure et de faiblesse [analyse du lexique, des métaphores et de la tonalité].
• Par exemple, dans le poème « Spleen » (LIX), « Pluviôse, irrité… », le spleen se caractérise par les symptômes d’agression et d’ulcération d’une chair malade et épuisée (« pâles », v. 3, « mortalité », v. 4, « corps maigre et galeux », v. 6, « vieux », v. 7, « frileux », v. 8), « pendule enrhumée », v. 10, « vieille », v. 12) qu’accompagnent et métaphorisent souvent les images de décors ou de paysages encrassés et funèbres : « Pluviôse », v. 1, « froid », v. 2, « cimetière », v. 3, « faubourgs brumeux », v. 4.
Psychologiquement et moralement, le spleen baudelairien, c’est encore un sentiment de « guigne » et d’ennui, d’enlisement et d’abêtissement de l’esprit, la prise de conscience accablante et d’engluement des énergies et forces vives de l’être humain réduit à n’être plus, comme l’écrit Walter Benjamin dans son Charles Baudelaire, que « matière inorganique […] exclue du processus de circulation ».
• Cette dimension d’une conscience vouée à la plainte et à la déploration est évidemment très présente dans la tonalité élégiaque1 de « Spleen » (LIX), « Pluviôse, irrité… » où l’on relèvera, dans le champ lexical de la psychologie et des sentiments les expressions suivantes : « irrité », v. 1, « ténébreux », v. 2, « triste voix », v. 8, « se lamente », v. 10, et enfin le lamento interminable du dernier vers :
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