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Faire les lois

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Par   •  2 Mars 2022  •  Fiche  •  1 204 Mots (5 Pages)  •  344 Vues

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L’art de faire les lois 

 

De nombreuses critiques ont pu être formulées à l’encontre du législateur dans le cadre de son activité normative. Celles-ci peuvent être regroupées au sein de deux tendances générales : hausse quantitative (A) ; perte qualitative (B).

 

  1. Hausse quantitative

 

Notre système juridique est en proie à un phénomène d’inflation législative – certains auteurs parlent même d’ « explosion normative »[1]. Cette inflation se manifeste tant par la multiplication des lois que par l’augmentation de leur taille.

 

Causes : 

  • Comme le relève le Professeur Teyssié (aller-lire), la mutation des contextes juridique (notamment la subordination du droit français à des normes venues d’ailleurs, notamment européennes), économique et technologique impose des adaptations régulières du corpus normatif, ce qui peut rendre nécessaires de nouvelles lois ou le développement de lois déjà existantes.
  • Le problème est que loin d’être justifiée par cette mutation, l’inflation législative est principalement le résultat de l’instrumentalisation de la loi à des fins de communication politique. Ainsi, pour accéder à la « ‘visibilité’ médiatique et « ‘peser’ sur l’échiquier politique », l’exécutif multiplie les projets de loi. Ainsi, la « loi n’est plus qu’illustration de l’action d’un ministre, une étape dans sa carrière, un facteur de déploiement – espéré – vers quelques plus haute destinée. On assiste alors au « vote frénétique de textes pris pour « offrir l’illusion du mouvement (« je légifère donc j’agis »), la joie d’une « visibilité » médiatique éphémère (« je légifère, donc je suis »), le plaisir de donner traduction à des convictions idéologiques (« je légifère, donc je pense ») »[2].

 

Cette inflation législative génère une instabilité normative et de l’insécurité juridique. La loi perd ainsi en qualité.

 

  1. Perte qualitative

 

Cette perte qualitative se manifeste de plusieurs manières :  

 

1. Les caractères de la loi sont affaiblis :

  • La loi perd en généralité et en abstraction, puisque le législateur, en se servant de la loi comme instrument politique, légifère dès qu’une problématique particulière surgit ;
  • La loi perd en permanence, puisqu’elle est constamment modifiée, corrigée, etc.

 

  1. La loi perd en lisibilité : ainsi, l’instabilité normative emporte « une production législative désordonnée » et dont la rédaction est faite de « manière tellement approximative que nombre de ses dispositions sont exposées à interprétations multiples ». En outre, cette « succession rapide de dispositifs normatifs accompagné des mesures transitoire qui vont s’enchaîner au point d’empêcher une sortie du transitoire ».

[pic 1] 

La norme devient donc illisible, inintelligible, ce qui pose un réel problème dans une société démocratique.  

La technique des renvois participe à ce manque de lisibilité et d’accessibilité, comme en témoigne l’exemple récent de la règlementation des jeux d’argent et de hasard (document 1[3]). Ainsi, le Professeur Denizot relève de nombreuses maladresses au sein de cette réforme qui avait pourtant pour objectif de simplifier le droit et de le rendre plus efficace et plus lisible : les renvois opérés renvoient parfois à des articles erronés, ou à des articles dont le contenu n’a pas été modifié pour tenir compte de la réforme.

Cela aboutit à des contre-sens, que le juriste, par un travail d’interprétation, devra éviter.  

 

  1. La loi perd en effectivité :

 

  • La question de l’effective application de la norme est un souci constant du législateur. Ainsi, comme le constate P. Januel (document 2), « la très faible exécution des lois a longtemps été un boulet pour le Parlement. ». C’est pourquoi il existe des instruments de contrôle (taux d’application des lois, possibilité pour le juge administratif de contrôler la mise en place par l’exécutif de mesures d’application), des instruments d’information préalable à la création de la loi (étude d’impact) ou postérieure (publication d’une analyse des effets attendus, plateforme dédiée à la remontée d’information du terrain, etc.)  

 

  • Pourtant, en dépit de ce souci d’effectivité et de qualité de la norme, celui-ci n’hésite pas à créer des lois à l’idéologie très marquée, sans tenir compte de leur réalisation pratique. C’est ce qu’on a pu appeler les « lois symboliques » (document 3). Selon le Professeur Laroque, cette expression, péjorative, recoupent les lois « dont la portée incantatoire est d’emblée affichée » et « qui masquent l’incantation derrière un dispositif normatif complexe ». Ces lois débouchent sur « un phénomène d’ineffectivité ; soit que la loi n’est pas appliquée, soit qu’appliquée elle n’est pas efficace, ou produit de mauvais effets et n’apporte aucune amélioration ». L’apparition de ces lois est corrélée, selon l’auteur, aux changements des fonctions de l’État dans les années 1980, qui, « moins autoritaire et plus protecteur, est davantage attentif aux revendications sociales et au bien-être individuel ». Qu’en penser ? 

 

  • Selon le Professeur Laroque, il en va de la responsabilité morale du législateur.

L’auteur de la norme doit « prendre conscience que son action l’engage moralement » et se doit de l’ « exécuter avec prudence, sagesse et courage ». Or, en créant des lois symboliques, le législateur n’agit pas conformément à ces vertus ; il ne fait ni preuve de rationalité, ni preuve de prudence. Il agit inutilement, très souvent pour satisfaire l’opinion publique, ce qui nuit à la noblesse de sa fonction et à la qualité de notre droit. Aussi, l’auteur appelle à « la rationalité des diseurs de normes » : « la bonne loi est celle qui symboliquement peut instituer durablement le lien social parce que le message qu’elle porte est cohérent et en harmonie même avec son modèle normatif ».  

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