Devenir élève
Recherche de Documents : Devenir élève. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lolote0073 • 24 Janvier 2014 • 8 018 Mots (33 Pages) • 959 Vues
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Devenir élève?
Rendre lisible l'école aux élèves et aux
parents?
Conférence au colloque national de l’AGEEM. Lille. 6 juillet 2012
Pierre Frackowiak
« Quand je suis allé à l’école, ils m’ont demandé ce que je voulais être quand je serai grand.
J’ai répondu : « heureux ». Ils m’ont dit que je n’avais pas compris la question.
J’ai répondu qu’ils n’avaient pas compris la vie. »
John Lennon
Je voudrais dire en préambule ma passion pour l’école maternelle – et donc mon
plaisir d’être parmi vous - et ma conviction qu’elle peut-être, qu’elle doit être, le fer de lance
de la refondation de l’école et de la lutte contre les inégalités.
Inspecteur des écoles maternelles, (inspectrice aurait-on pu dire au début de ma
carrière, avant la généralisation des circonscriptions mixtes), durant 30 ans, de 1978 à 2008,
j’ai vu des milliers de séquences, fait des milliers de rencontres, animé des centaines de
réunions, accompagné des centaines de projets. J’ai défendu l’école quand elle a été
attaquée, je pense par exemple à ma participation au combat contre le rapport Bentolila ou
contre le développement d’une évaluationnite aussi stupide que dangereuse, qui dénature
l’acte pédagogique, le déshumanise et le dessèche
Les pause-café un peu prolongées lors des inspections pour permettre les échanges
avant la 27ème heure, ces séquences de pédagogie par ateliers au cours desquelles ayant
bien compris le fonctionnement de la classe, je m’installais dans l’un des ateliers autonomes
pour modifier les situations et provoquer l’expression orale et les échanges entre les élèves
afin d’enrichir la discussion au cours de l’entretien restent des temps forts bien éloignés de la
paperasserie étouffante . Au temps où l’inspecteur avait encore un peu de liberté, où il
pouvait ne pas être un propagandiste asservi, un pilote technocrate focalisé sur des
évaluations qui n’en sont pas, l’observation méthodique des paroles d’enfants et de
maîtresses, de la pertinence des situations par rapport aux objectifs prévus, l’analyse des
objectifs rencontrés sans avoir été explicitement prévus, l’attention aux sourires et aux rires
des enfants et des enseignants, j’ai vécu les moments les plus riches de ma carrière.
Le formalisme n’était pas absent et la peur de l’inspecteur demeurait encore malgré
mes conceptions d’instituteur-inspecteur-accompagnateur Je m’étais promis de faire
disparaître cette peur !. Le poids d’une infantilisation historique était toujours là. La pesanteur
du modèle applicationniste dans la formation des enseignants conduisait encore les
collègues à transpirer en regardant leur montre et leur prép’, certaines allant jusqu’à
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s’excuser de ne pas avoir été au bout de leur fiche alors que jamais je n’avais exprimé la
moindre préoccupation de cet ordre, au contraire. Je savais l’importance du temps en
matière de pédagogie. La pesanteur des règles, des consignes, des instructions toujours
descendantes, conduisait encore les collègues à craindre des foudres si tous les ateliers
d’une plage horaire n’étaient pas des ateliers de maths pour respecter programmes et
horaires, quitte à écrire des choses complètement tirées par les cheveux pour respecter les
formes.
Que dirais-je aujourd’hui ?
Ce qui avait commencé en 2005 avec un ministre qui s’est rendu célèbre pour sa
volonté d’imposer le b-a ba dans tous les CP de France, imposant l’apprentissage des lettres
et des sons en amont et le slogan de la conscience phonologique que l’on assène aux
gosses des autres et jamais aux siens. Il m’a rendu à l’époque un peu célèbre pour mon
opposition médiatisée à cette mesure et pour la mise en échec du projet de sanction contre
l’inspecteur désobéisseur que j’étais. Ce qui s’est poursuivi en 2007/2008 avec les
« nouveaux vieux programmes » de 2008, avec l’aide individualisée obligatoire hors temps
scolaire, avec l’évaluationnite aberrante jusqu’en maternelle. Ils ont osé.
L’école maternelle mérite mieux que la déshumanisation, l’administratisation, la
technicisation qui ont été dans l’air du temps, sans concertation préalable, au cours de ces
dernières années. Forte d’une réflexion pédagogique de haut niveau, comme en atteste
chaque année cette rencontre de l’AGEEM, elle peut être à la pointe de la transformation
de l’école.
Les obstacles à la refondation annoncée seront, à mon avis, levés plus rapidement
en maternelle qu’en élémentaire où le formatage de l’encadrement, le pilotage par les
résultats, les pressions autoritaristes ont eu
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